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En pleine mobilisation contre la réforme des retraites, Mickael Wamen, secrétaire du syndicat CGT chez Goodyear dans la Somme, poursuit son combat contre la délocalisation. Pour lui, la lutte doit impérativement passer par le juridique.
"La lutte des classes, ça crève", lance Mickael Wamen, 38 ans, secrétaire CGT de l'usine de pneus Goodyear d'Amiens-Nord. Il sort, ce matin-là, d'une réunion à l'Union départementale du syndicat, à 8h30. La veille, il s'est couché à 2 heures du matin. Il a assisté, à Paris, à l'avant-première du documentaire Tous ensemble, réalisé par Eric Guéret, sur les mutations de la lutte syndicale face à une crise financière sans précédent. A la projection, il y a croisé des "gars" de Molex et Total. "Ainsi que du beau monde comme Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, qui a parlé de la parité alors que nous, on agonise. Franchement, c'était pas le sujet", dit-il, agacé.
Dans le local de la CGT de l'usine, Evelyne, l'une des seules femmes, acquiesce. Elle se fiche d'être entourée de huit mecs, qui fument des "rouges", des Marlboro, et parlent de cul ("ma nana m'a refusé une gâterie, hier soir").
Son seul motif d'inquiétude : les Conti viennent d'approuver un plan de la direction prévoyant le maintien de l'emploi en échange de sacrifices financiers. "Ils ont baissé leur froc. De tous les grands combats de salariés enclenchés ces derniers mois dans l'industrie, seul le nôtre tient bon", regrette Mickael. Ici, les plans successifs, y compris le dernier datant de mai 2009 prévoyant le licenciement de 817 personnes et la reprise du site, ont été gelés grâce à l'action syndicale : "Avec notre avocat, maître Fiodor Rilov, nous avons trouvé des vices de forme."
Mickael peut réciter par cœur le code du travail
Aucun licenciement à Amiens, mais les machines tournent à 30% de leurs capacités. Les salariés jouent aux cartes sur les lignes de montage, vague à l'âme en bleu de travail. Et "en bas", dans le local CGT, le combat continue sans la flamme des débuts, mais avec une expertise accrue.
Depuis 2007, le début des ennuis, Mickael s'est transformé. Il peut maintenant réciter par cœur le code du travail - "Les manifestations main dans la main, avec bobonne et les chiens, ne servent à rien. La lutte passe aujourd'hui par le juridique." Il est aussi devenu (un peu) psychologue : "Quand, il y en a un qui chiale dans un coin, j'ai appris à lui remonter le moral." Il a une voix qui déclame, un portable greffé dans l'oreille et des tracts dans les doigts. Il en écrit trois par jour.
Sa vie est celle d'un monomaniaque. Aujourd'hui, débordé, le délégué CGT doit par exemple appeler madame Creton, l'inspectrice du travail, et organiser le blocage de l'Espace industriel Nord, le 23 septembre : "Rendez-vous à 4 heures du mat, au rond-point de l'Oncle Sam (du nom du restaurant Grill d'Oncle Sam - ndrl)". Il s'attaquera ensuite à la coordination d'une manifestation de toute la filière qui aura lieu le 8 octobre, devant le Mondial de l'auto, à Paris. "Après une journée comme ça, c'est impossible de déconnecter. Pendant les vacances d'été, ma femme ne m'a pas supporté, j'étais trop agressif", raconte-t-il.
"Au pire, j'aurai permis à tout le monde de travailler trois ans de plus"
Son père, ancien syndicaliste de Dunlop (même groupe que Goodyear) a, quant à lui, du mal à suivre : "A son époque, les délocalisations n'existaient pas. Elles ont commencé il y a dix ans, et la crise a été un prétexte pour les accélérer." Mickael pense qu'à terme Goodyear arrivera probablement à ses fins. "Au pire, j'aurai déjà permis à tout le monde de travailler trois ans de plus et j'en suis fier."
Combien de temps avant que les nerfs ne lâchent ? "Je suis sanguin, mais je peux tenir encore toute une vie." Mickael est convoqué par la direction, le 28 septembre, en vue d'un entretien préalable à une sanction disciplinaire.
1 commentaire:
honte a cette direction voyou!
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