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samedi 30 octobre 2010

Travaillez, vous êtes filmés !

A lire sur Novethic:

Vidéosurveillance, géolocalisation, biométrie, cybersurveillance… L'arrivée des nouvelles technologies sur le lieu de travail n'est pas sans conséquences sur le quotidien des salariés et sur le respect des libertés individuelles.

Contrôle des sacs du personnel à la sortie des magasins, caméras dans les réserves…Trop, c’est trop ! Jenny Urbina, membre du Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT) de l’enseigne de parfumerie Sephora ne mâche pas ses mots : « La Direction part du principe que tous les salariés sont des voleurs ! » lance cette élue CGT. Sur le terrain, elle veille aux dérapages. Dans un magasin de la région parisienne, elle a récemment constaté que des vendeurs n’étaient pas au courant de l’installation de huit caméras. Un défaut d’information contraire à ce que prévoit la réglementation. « Tous ces points constituent une atteinte aux libertés individuelles et on n’exclut pas de le dénoncer un jour en justice," dit-elle.

La grogne gagne les entreprises. « Les représentants du personnel  saisissent de plus en plus souvent l’Inspection du Travail et la CNIL car ils prennent conscience de l’impact des systèmes de surveillance sur la vie privée des salariés » constate Maitre Louis Ducellier, avocat en droit social au cabinet D2 avocats. Même si ces dispositifs ont à priori pour vocation la sécurité de l’entreprise, des personnes et des biens, ils peuvent en effet porter atteinte aux libertés individuelles. Pire. « En cas de pratique abusive, ces dispositifs de contrôle s’analysent comme une forme de violence psychologique » explique Bernard Gbézo, directeur de formation de SOLVE, programme de prévention des risques psychosociaux du Bureau International du Travail (BIT), et auteur de « Agressivité et violences au travail » (ESF).

Une tendance à la banalisation

« Pour les employeurs, ces dispositifs de surveillance deviennent un outil de contrôle des salariés, voire de leurs comportements, et plus seulement un outil de sécurisation des biens », confirme Norbert Fort, chef du service des plaintes à la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL). Et les dérives ne viennent  pas que des groupes obnubilés par la performance de leurs collaborateurs. Phénomène nouveau, ces dispositifs se banalisent dans les petites structures (commerces de bouche, officines de pharmacie…). Ils envahissent même l’habitacle des véhicules, des chauffeurs et des commerciaux, en particulier. La Big Brother’s mania apparaît dans les chiffres. En 2009, la CNIL a enregistré 200 plaintes  liées à la vidéosurveillance, dont les deux tiers issues des entreprises. Un «score » déjà atteint au cours des huit premiers mois de 2010. Les motifs de ces plaintes sont multiples : caractère disproportionné du contrôle, absence d’information du personnel ou de consultation du Comité d’Entreprise, défaut de déclaration à la CNIL, plaintes de salariés se sentant constamment espionnés…

Mesure exemplaire : au printemps dernier, la formation contentieuse de la CNIL a même dû ordonner l’interruption en urgence d’un dispositif de vidéosurveillance mis en place dans une société de transport routier. En théorie, ce système était censé « lutter contre les dégradations matérielles et protéger les salariés. » Que nenni ! « Il plaçait le personnel sous surveillance constante, générale et permanente », rapporte-t-on à la CNIL. Plusieurs salariés étaient filmés en continu à leurs postes de travail, par deux caméras situées chacune à une extrémité de leur bureau commun !  La vidéosurveillance n’est pas l’unique source de dérives. L’an dernier, la Commission a enregistré 65 plaintes liées à la géolocalisation des salariés (50 sur les 8 premiers mois de l’année) et 60 pour la cybersurveillance (30 au cours de 2010).
Respecter le cadre légal
« Dès 1996, le Bureau International du Travail a adopté un recueil de directives sur la protection des données personnelles des travailleurs, rappelle Bernard Gbézo. Ce document met en garde les employeurs : les données collectées ne doivent pas être utilisées à des fins de contrôle des salariés, en particulier de leur comportement. » En France, le Code du Travail soumet les employeurs à une démarche bien cadrée, faute de quoi ils s’exposent à des sanctions civiles, voire pénales. Les recommandations de la CNIL sont aussi très claires. « La décision de l’employeur de contrôler les salariés doit être motivée par un intérêt légitime, prépondérant et nécessaire au fonctionnement de l’entreprise, tels que des problèmes de sécurité », rappelle notamment maître Louis Ducellier. C’est pourquoi il a intérêt, au préalable, à analyser in concreto l’objectif et la finalité d’un dispositif de surveillance », prévient-il.  Sans oublier de consulter le CE et d’informer les salariés sur sa décision. Un principe de transparence que cet employeur de la grande distribution semble avoir estimé superflu. Lourde erreur ! Suite à un enregistrement vidéo, il avait pris la décision de licencier pour faute un de ses salariés filmé en flagrant délit de vol. Seulement voilà, le Comité d’entreprise n’avait pas été informé ni consulté avant l’installation du système de vidéosurveillance…Résultat, dans un arrêt du 7 juin 2006*, la Cour de Cassation a tranché : l’enregistrement vidéo ne saurait être une preuve recevable pour établir la faute d’un salarié …

vendredi 29 octobre 2010

Dictature, suite et pas fin !

Nous avions déjà dénoncé la fuite en avant de la France vers un modèle dictatorial, mais hélas l’actualité ne cesse de nous donner raison.

Cette semaine c’est l’histoire d’un quadragénaire qui amusé par un récent lapsus de l'ancienne garde des Sceaux, Rachida Dati, a passé deux jours en garde à vue pour avoir envoyé un mail quelque peu indélicat à l'eurodéputée.

L’histoire : Rachida Dati avait fait un lapsus entre inflation et fellation fin septembre sur le plateau de Canal+. L’histoire avait fait le tour du web car les internautes trouvaient la vidéo amusante. Depuis, les lapsus se sont enchaînés : Hervé Morin qui déclarait que “c’est difficile d’expliquer à des cons” en parlant des français (voulait-il dire concitoyens? ou vraiment con?), Hortefeux qui parle “d’empreintes génitales” (au lien d’empreinte génétiques), Luc Chatel qui dit “le président de la république m’a nommé premier ministre”.

Amusant mais sans plus, tout le monde à le droit de faire un lapsus, encore que les “cons” dont je fais parti sont un peu inquiets… Revenons à notre quadragénaire. Il envoie un email à Rachida Dati pour lui demander une petite “inflation”. L’humour est un peu douteux, voir lourd mais méritait-il la suite des évènements ? Je vous en laisse juge.

La semaine dernière, la Police Judiciaire de Lyon a perquisitionné l’appartement de l’internaute aux aurores sur la plainte de Rachida Dati :  « Son appartement a été perquisitionné, son ordinateur saisi et il a été placé en garde à vue près de 48 heures » indique son avocat. Finalement, il comparaîtra le 3 décembre prochain avec pour motif “outrage à personne chargée d’une fonction publique”. De plus l’homme a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'entrer en contact Rachida Dati. Quant au procureur de la République de Valence, Antoine Paganelli, le traitement de cette affaire est normal : "l'outrage est caractérisé dès lors qu'une expression est de nature à rabaisser la considération réservée à une personne publique. En l'espèce, c'est Mme Dati en tant que député européen, qui est visée à travers sa messagerie". Quant à Dati, elle se défend ainsi : « Au vu de leur nombre [NDLR: nombre d’emails] et de l'insistance des propos qu'ils contenaient, je ne pouvais plus considérer sa démarche [NDLR: du quadragénaire] comme une simple plaisanterie. Je me suis sentie menacée. Au delà d'être une élue, je suis une femme et une mère, et j'ai tout simplement eu peur pour ma sécurité et surtout celle de ma fille. »

Cette nouvelle aurait parue dans la presse russe que nous n’aurions pas été étonnés, mais en France ! Mais ce fait est dans la droite lignée de l’action gouvernementale puisque le ton avait été donné avec Nicolas Sarkozy et son “casse-toi pov’con” qui n’est pas condamnable lorsqu’il sort d’une bouche présidentielle mais condamné lorsqu’il est écrit sur une banderole… Quand bien même le mail tomberait sous le coup de la loi, était-il nécessaire de faire subir une garde a vue digne d’un terroriste à un simple internaute dont le seul tord est d’avoir un humour de mauvais goût ? A ce compte-là il est urgent de construire de nombreuse prisons car bon nombre de nos “cons”citoyen (désolé) seraient répréhensibles.

Encore une triste affaire, ou la justice par complaisance se fait l’instrument d’un pouvoir toujours plus violent. Le gouvernement y gagne peut-être, mais certainement pas la France. 

jeudi 28 octobre 2010

Retraite : Parole à la propagande adverse !

Je reçois hier ce mail que je ne peux m’empêcher de publier car il est très représentatif de la propagande que les Français subissent en ce moment. Voici le message intégral et ensuite je vous livre mon analyse :

veuillez trouver ci dessous le modèle de mail que j'envoie aux médias:
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Bonjour,

à Monsieur François CHEREQUE, secrétaire Général de la CFDT

A calculer ma carrière de 1968 à 2008 en tenant compte du passage
de 40 h à 39 h puis à 35 h et des congés payés de 4 à 5 semaines.

J'ai travaillé environ 74500 heures.

Un salarié de 2000 à 2040 travaillera: 47 sem X 35h X 40 ans = 65800 heures.

Une différence de 8700 heures en MOINS soit 5 années d'activités en MOINS.

A moins que vous préfériez revenir à un départ à 60 ans, mais 39h  et 4 semaines de C.P.

Je doute que vous répondiez à ma réflexion, gênante il est vrai, et suis étonné que le gouvernement n'ai pas exploité cette démonstration dans les médias,
je m'y emploie.

Tous mes respects, Monsieur le secrétaire Général.
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Avec tous mes respects, Monsieur J.François KAHN

D’abord concernant la forme : je ne travaille pas pour Monsieur Kahn que ne n’ai même jamais rencontré, mais ce sera avec plaisir s’il le désire un jour.

Sur le fond : l’idée est intéressante et je me demande qui à pu le lui inspirer. A moins que cette idée lui est venue toute seule. Je ne vais pas me lancer dans une longue tirade dont j’ai le secret mais en deux mots, l’idée comporte les erreurs suivantes :

- Le calcul à l’air juste sauf qu’il ne prend en compte que les heures officielles et tout le monde sait que dans les entreprises d’aujourd’hui pour garder sa place ou tout simplement par conscience professionnelle, même à 35h rares sont ceux qui font vraiment 35h mais souvent beaucoup plus… Je connais même des cadres qui font plus de 60h et pourtant ils sont aux 35 heures !

- Les gains de productivité réalisé depuis 1968 sont énormes et la France est un des pays du monde ou elle est la plus grande. 1 heure de travail de 1968 n’est pas égale à une heure de travail de 2010

- Le PIB de la France entre 1968 et maintenant a fortement augmenté. Pourquoi les gains n’iraient qu’aux actionnaires ? Pourquoi ne serviraient-ils pas a payer un peu des retraites ?

- La pénibilité du travail entre 1968 et aujourd’hui est très différente. Par exemple les cadres en 1968 n’avaient pas beaucoup de pression. Aujourd’hui même un tout petit cadre à une forte pression et craque. AVC, burn-out, épuisement, dépression, comment peut-on travailler, lorsqu’on est jeune, avec les conditions de 2010 jusqu’à 62 ans ? Déjà 40 % des personnes qui font valoir leur droit à la retraite ne sont déjà plus en activité ! En effet, le taux d'emploi des 55-64 ans stagne à 39 % en 2010, contre 48 % pour la moyenne de l'Europe…

- La durée de vie qui augmente cache en fait de nombreuses disparités. Pour les ouvriers, par exemple, l’espérance de vie n’a pratiquement pas augmentée alors que pour des gens très riches elle est maximale.

- Nous extrapolons les chiffres pour le financement des retraite en se basant sur le fait que l’espérance de vie ne va jamais cesser d’augmenter. De nombreux médecins pensent pourtant qu’elle ne peut que baisser a cause du stress et surtout des problèmes environnementaux. Nous entendons en ce moment que les Français ne se soignent plus faute de moyens financiers. Ne pensez-vous pas que cela n’aura aucun impact sur leur durée de vie ?

La loi est passé, dont acte. Mais je vais vous dire. Ce que j’entend partout dans les entreprises que je visite, c’est que tout le monde va lever le pied. Finis les semaines infernales de soit disant de 35h. Puisqu’il faut tenir jusqu’à 67 ans, nous avons tous sérieusement intérêt à lever le pied si nous voulons pouvoir la prendre un peu notre retraite. Le MEDEF aura voulu “sa” réforme mais il va tout de même la payer mais autrement. Car les français ne sont pas fous, s’il y a quelque chose dans la vie qui n’a pas de prix c’est bien leur santé. Lorsque la santé est partie, c’est trop tard…

Allons ! Envoyez la donc votre lettre, mais sous un air novateur, elle ne montre qu’un tout petit bout du problème. La réforme des retraites n’est pas un problème purement financier et mathématique, c’est surtout et avant tout un problème de choix de société. Soit nous faisons bénéficier à tous des progrès de la productivité et de la richesse engrangée par la France durant les 30 dernières années, soit certains gardent le tout pour eux. Voila l’enjeu qui s’est décidé…

C’est malin, je ne voulais pas faire cette longue tirade et, trop tard, c’est fait. Il faut dire que, nombreux sont ceux, qui finissent, en toute bonne fois souvent, par croire à la propagande des médias libéraux. Il faut qu’ils se réveillent, ils sont manipulés !

mercredi 27 octobre 2010

Molex, le capitalisme moderne en action

Le groupe américain Molex (30.000 personnes dans le monde) décide le 23 octobre 2008 de fermer son site de production de connecteurs automobiles de Villemur-sur-Tarn, portant à 283 salariés les victimes de cette fermeture. Mais, si la fermeture est douloureuse, la crise peut expliquer cette fermeture.

Suite à cette décision, le 28 novembre 2008 le conseil général assigne en référé Molex et exige la nomination d'un administrateur provisoire pour 3 mois. Décision refusée par le tribunal de commerce de Toulouse le 9 novembre.

Déconcertés, les salariés bloquent leur lieu de travail durant les fêtes de fin d’année 2008 afin d’éviter le déménagement des machines, car ils soupçonnent une délocalisation. La direction de Molex France dément.

Comme le dossier stagne, fin avril 2009, les salariés séquestrent le cogérant de Molex SARL (la filiale française), Marcus Kerriou, et Coline Colboc, deux cadres de l’entreprise. En parallèle, la bataille judiciaire continue et commence à donner des résultats : un report de quatre mois de la fermeture du site.

En mai 2009, le CE de l’entreprise publie un rapport produit par le cabinet d'expertise comptable SYNDEX qui montre que l’usine est rentable économiquement. Ceci donne lieu a la suspension par la justice du plan de restructuration pour défaut d'information et de consultation du CE. Les dirigeants, qui ne l’entendent pas de cette oreille, font appel.

La situation s’envenime en juillet 2009 et les salariés déposent un préavis de grève illimitée. Fin juillet, le gouvernement s’en mêle et il s'engage à négocier avec les dirigeants de Molex afin de trouver une solution de reprise pour l'usine. Mais en août, la situation dégénère et le directeur du développement de Molex est agressé à la sortie de l'usine. Cet évènement provoque la décision de Molex de gérer ce dossier directement des États-Unis. Ceci donne un espoir aux salariés qui stoppent la grève. L’entreprise indiquer travailler avec le gouvernement afin de trouver une solution. Mais la fermeture reste la seule solution proposée par la direction américaine. Puis le 28 août 2009, la direction déclare être en négociations avec une société susceptible de réindustrialiser le site de Villemur-sur-Tarn. Mais l’espoir est de courte durée lorsque début septembre le groupe annonce l’échec des négociations.

Les partenaires sociaux se sentent libres d’assigner Molex en référé pour non-paiement des salaires. L’espoir arrive cette fois du gouvernement qui indique être sur le point de signer un accord avec le fonds d'investissement américain HIG et la direction de Molex pour une reprise partielle du site. Mais l’espoir ne durera pas : l’usine ferme définitivement en octobre 2009.

En avril 2010, la justice donne raison aux salariés et au CE en condamnant à 6 mois de prison avec sursis deux anciens dirigeants pour entrave au bon fonctionnement du CE. Ce qui n’est vraiment pas cher payé si l’on considère le sort de 200 personnes.

Au final, c’est 188 dossiers qui sont déposés aux prud’hommes contre Molex. Ces dossiers provoquent la décision, en octobre 2010, de la liquidation judiciaire de sa filiale française Molex Automotive SARL. C’est un véritable scandale pour les Molex, car c’est cette filiale qui est chargée du paiement des congés de reclassement et du Plan de Sauvegarde de l'Emploi. La liquidation implique donc que le plan social ne sera plus financé ! Le groupe américain se sert de cette décision comme moyen de pression et indique qu’il refuse de revenir sur sa décision si les plaintes déposées aux prud'hommes ne sont pas retirées. La direction de Molex, qui a déjà financé 90% du plan (30 millions d'euros) et redoute de devoir payer plus avec les actions au prud’hommes. L’entreprise pourrait même devoir payer de 100 000 a 200 000 euros par salariés. Le plan social actuel prévoit 5 ans de salaire par employé.

Mais le vrai scandale est là : ce mercredi 27 octobre, le groupe annonce des bénéfices "record" au troisième trimestre qui décide d’augmenter de 14,8 % le dividende versé à ses actionnaires. Avec un chiffre d'affaires de 897,7 millions de dollars, en hausse de 33 % sur un an, et un bénéfice net de 75,1 millions de dollars, le groupe américain est bien loin de sa contre-performance de l’année dernière '(perte de 15,1 millions). Pour les Molex et le gouvernement, c’en est trop : le gouvernement annonce avoir demandé à Renault et PSA de ne plus avoir "le moindre échange commercial" avec Molex et de renégocier les contrats en cours. Belle réaction, qui fait scandale chez Molex USA, mais qui ne devrait pas, car nous pouvons douter que PSA ou Renault se prive, à l’avenir, de Molex si, sur certains produits, cet équipementier est moins cher que les autres. Les achats de Renault et PSA sont suffisamment forts dans leur entreprises respectives pour ne pas tomber dans ce piège. L'Etat détient 15% de Renault et 3% de Peugeot il n'a donc pas le pouvoir de les obliger à quoi que ce soit.

Nous avons donc un groupe américain qui décide de fermer une usine française rentable (surement pas assez, mais par rapport à quoi ?) en pleine période de crise et qui, parce que les salariés contestent en justice le non-respect par le groupe de la loi française, décide de ne plus payer le plan social. Dans le même temps, la crise est finalement passée et le groupe fait plus de bénéfices qu’avant la crise. Nous avons là tous les ingrédients du modèle ultralibéral que l’on nous vend en permanence dans les médias et qui ne cesse de prouver qu’il ne mène qu’à l’exclusif enrichissement des actionnaires et l’appauvrissement de tous les autres.

La preuve ? "Le ministre Estrosi a une nouvelle fois adopté une approche très agressive concernant notre situation en France. Nous sommes très surpris que le gouvernement français interfère dans nos relations commerciales" a déclaré la vice-présidente de Molex, Ana Rodriguez, en charge des ressources humaines, dans un entretien téléphonique à l'AFP. Pour elle, il s’agit uniquement d’une “interférence”. C’est normal puisque dans la doctrine ultralibérale, l’état ne fait presque plus rien et les société sont souveraines. De quoi se mêle-donc ce “petit ministre français” ?

D’ailleurs elle continue : "Il y a eu beaucoup de confusion entre les résultats que nous avons publiés pour l'ensemble du groupe et ce qui se passe en France", en effet, dissocier le groupe et la filiale française est pratique car quand la crise est là : on peut supprimer l’un sans que l’autre fasse faillite. Quand tout va bien, il n’y a plus aucun rapport financier entre les deux non plus. La vie des entreprises est simple dans le royaume ultralibéral : personne n’est responsable de rien, sauf pour récupérer les dividendes, dans ce cas cette lourde responsabilité n’incombe qu’aux seuls actionnaires. Facile !

Que représente une poignée de 200 salariés face à la gourmandise d’actionnaires exigeants des rentabilités à deux chiffres ? Molex nous le rappelle : ils ne représentent ab-so-lu-ment rien !

3 journalistes s’occupent de l’affaire Woerth / Bettencourt ont été cambriolés

25/10/10: Selon l’AFP, Gérard Davet, journaliste au Monde, se serait fait dérobé son ordinateur portable et son GPS. L’ordinateur contenait ses futurs articles et toutes les informations associées. Le GPS indiquerait la liste précise de ses derniers déplacements. Tiens donc.

26/10/10: Selon LePost.fr, Hervé Gattegno, journaliste au Point qui suivait le dossier Woerth-Bettencourt à perdu son ordinateur portable suite à un vol dans la rédaction du journal dans la nuit du 21 au 22 octobre : le même jour que le journaliste du Monde !

Lorsque l’on ajoute à ces deux évènements troubles le fait que le journal Le Monde a porté plainte, le 20 septembre, pour "violation du secret des sources" et "collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux" au sujet de la récupération par les services de renseignement, à priori de manière illégale, la justice le confirmera, de la liste des communications téléphoniques du journaliste qui travaillait sur l’affaire Woerth-Bettencourt, cela fait un peu beaucoup !

Le 27/10/10 Médiapart révélait qu’il a été en fait le premier à être cambriolé, mais il ne l’a annoncé que maintenant : « Mediapart n'avait pas jugé nécessaire de médiatiser ce cambriolage, qui peut très bien être le fait d'un simple maraudeur, jusqu'à ce que l'on apprenne que les journalistes du Monde et du Point avaient été victimes de vols similaires. »

Ainsi cette nouvelle affaire, la quatrième depuis septembre, le mauvais présage dont nous parlions hier se précise dans cette affaire qui n’a, décidément, rien de simple. Comment de telles choses sont-elles possible dans une démocratie ?

Le ciment low-cost prêt à débarquer en France

A lire dans Le Figaro.fr:

Des petits opérateurs veulent importer à bas coût du clinker, un composant du ciment.

Le ciment n'est pas délocalisable car c'est un produit dont le transport coûte trop cher. Pendant longtemps, les grands fabricants de matériaux de construction ont martelé cette maxime. Or voilà qu'aujourd'hui, elle est battue en brèche. Et celui qui remet en cause ce principe s'appelle Jean-Marc Domange.

Ex-directeur général de ciments Calcia et ex-président du Sfic (Syndicat français de l'industrie cimentière), il a lancé Kercim avec un objectif clair: produire du ciment à prix bas. Quel est son secret pour y parvenir? En tentant d'échapper à la taxe qui s'appliquera en 2013 sur les émissions de carbone liées à la fabrication du ciment. Ce qui est possible à condition d'acheter hors de l'Union européenne le clinker, un composant du ciment qui à la particularité d'émettre beaucoup de CO2 pour sa fabrication. Kercim s'approvisionnera peut-être en Turquie ou en Égypte voire en Chine. Et il transformera son clinker en ciment dans un centre de broyage installé dans le port de Saint-Nazaire.

Cette distorsion de concurrence était dénoncée avec force mardi par Bruno Carré, l'actuel président du Sfic: «Le danger se matérialisera en 2013 au moment où chaque tonne de ciment comprenant 750 kg de carbone sera taxée 20 euros. Jusqu'à cette date, la menace est limitée car l'Union européenne ne taxera les industriels que s'ils produisent plus que les quotas définis. Or avec la crise économique, personne ne dépasse ces quotas.»

Kercim a les autorisations 

Pour l'instant, le centre de broyage n'est pas construit. Mais le projet est solide. Kercim a obtenu toutes les autorisations pour s'installer à Saint-Nazaire. L'entreprise investira 45 millions d'euros dans le projet. Elle compte employer cinquante salariés et produire 100.000 tonnes de ciment. Les travaux de construction commenceraient dans les prochaines semaines. Et les lieux devraient être opérationnels au printemps 2012.

Un projet similaire a émergé à Fos-sur-Mer, à côté de Marseille. Caps Vracs envisageait d'installer un centre de broyage employant quarante personnes. Avec un investissement de quarante millions d'euros et une production attendue de 500 000 tonnes de ciment. Finalement, Caps Vracs a jeté l'éponge, car il n'a pas réuni le tour de table escompté. Dans d'autres cas, le centre de broyage était opérationnel. Mais il a été racheté in extremis par un major pour empêcher l'importation de clinker de pays exotiques. Ainsi, Lafarge a acquis auprès de Paul Albrecht, le dirigeant de Cap Vracs, un centre de broyage à Dunkerque.

De là à penser que l'industrie cimentière sera frappée demain par un mouvement massif de délocalisations, il y a un pas que ne franchit pas Bruno Carré: «Il n'y aura pas de délocalisation d'usine, explique-t-il. En revanche, quand de nouvelles cimenteries verront le jour, les groupes seront tentés de les mettre dans un pays non taxé.» À moins que tous les cimentiers se mettent d'accord sur une taxe concernant la tonne de CO2 qui serait uniforme dans le monde. Mais, aujourd'hui, cette démarche semble illusoire.

samedi 23 octobre 2010

L’incroyable Actualité sociale de Septembre-Octobre 2010

Pendant que le gouvernement se moque des français qui contestaient la réforme des retraites (Woerth, en souriant : « Un jour viendra où les adversaires d’hier seront reconnaissants »), il ne s’occupe pas des plans sociaux, des délocalisations et des fermetures d’entreprises. D’ailleurs nous savons déjà que le chômage devrait remonter en 2011.

Belle prestation encore de l’équipe gouvernementale qui, lorsqu’elle indiquait « travailler plus pour gagner plus », n’avait pas précisé que ceux qui travailleraient plus seraient de moins en moins nombreux et que, finalement, ils ne gagneraient pas plus. Nous vous laissons juge, commençons par les bonnes nouvelles qui sont un peu difficiles à trouver en ce moment.

Les Bonnes Nouvelles:

  • 29 Septembre 2010: Deux ans après la mise en œuvre du projet de relance du groupe Rossignol présidé par Bruno Cercley, ce début de saison est marqué par une relocalisation de la production sur le site de Sallanches. Quelques 60 000 paires de skis produites jusqu’ici à Taiwan, seront désormais réalisées en France au pied du mont Blanc. Lien.
  • 30 septembre : le plan de suppression de 34 emplois de Clinique du Tertre-Rouge est annulé. Lien.
  • 1er octobre:  Dow Chemical va continuer d’investir en France. Lien.
  • 4 octobre : Dans son ordonnance, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris a estimé qu'au regard des éléments fournis, il n'y aurait probablement pas de licenciements chez l'éditeur de logiciels bancaires Viveo. Lien.
  • 20 octobre : Emo, une entreprise de textile troyenne : le plan de continuation de l'entreprise qui compte 109 salariés a été accepté par le tribunal de commerce. Lien.

Les Mauvaises:

  • 24 septembre : 99 % des salariés de l'imprimerie France Quercy, qui ont appris la veille la suppression de 20 emplois, ont observé une grève massive devant leur entreprise à Mercuès. Lien.
  • 28 Septembre : La plate-forme frigorifique de Christian Salvesen (racheté en 2007 par le groupe Norbert Dentressangle Logistics) qui emploie environ 80 personnes à Duppigheim, va être frappée par un nouveau plan social. Le troisième en trois ans
  • 28 Septembre : L'entreprise Le Got Menuiserie, installée au Drennec (29), a été placée en redressement judiciaire ce matin par le tribunal de commerce de Brest. La société emploie 163 salariés et fabrique des portes, fenêtres et portails en PVC et aluminium. Elle travaille essentiellement avec des artisans et menuisiers. Son chiffre d'affaires est d' environ 24 millions d'euros
  • 29 Septembre: Conflit social chez le fabricant de fil textile Payen, qui compte 240 salariés sur trois sites de production en Ardèche. 14 postes risquent d’être supprimés. Mais le 23 octobre, à l'issue d'une rencontre sous l'égide de l’Inspection du travail, l'employeur a reculé et a retiré son plan social. L'unité de Saint-Julien va poursuivre la production.
  • 30 septembre: Electrolux délocalise vers la Pologne. Lien. Lien.
  • 30 septembre : Un plan social provoque un record d’arrêts maladie. Imaginez une entreprise où 12 % des salariés sont en arrêt maladie ! C’est le cas à Wolters Kluwer dont la filiale française est sous le coup d’un plan social. Lien.
  • 1er octobre : Renault Sandouville pourrait perdre la Laguna. Lien.
  • 2 octobre : Borax : les salariés redoutent de nouveaux licenciements. Lien.
  • 4 octobre 2010 : la direction de Sanofi vient à Neuville pour défendre le plan social qui prévoit 800 suppressions de postes. Le géant pharmaceutique ferme le site chimique de Neuville-sur-Saône pour y implanter un pôle vaccins. Lien. Lien.
  • 4 octobre : Alstom va supprimer 4 000 postes d'ici mars 2012 dans ses activités de fabrication de turbines, dont 1 000 par non-renouvellement de contrats à durée déterminée et "départs naturels". Lien.
  • 4 octobre : les salariés de l'imprimerie Hérissey, à Evreux, ont appris qu'un plan social portant sur vingt-neuf personnes était envisagé par la direction. Le site emploie quatre-vingt-quatorze personne a été racheté en juin par l'un des leaders de l'imprimerie française, Qualibris. L'imprimerie travaille pour Hachette, Le livre de poche et fait un carton avec les mangas japonais. Lien.
  • 5 octobre : Comité d'entreprise extraordinaire de SeaFrance a établi une liste de 80 salariés licenciés qui est acceptée par la direction. Lien. Lien.
  • 5 octobre : Rouvray (21) : Plan social à MGM France (132 personnes), l'entreprise, qui fabrique des composants plastiques pour l'automobile, est en danger : un plan social a été annoncé par la direction de l'entreprise. Lien. Lien.
  • 6 octobre : l’entreprise GPV de Davézieux spécialisée dans la fabrication d’enveloppes, soutenus par d’autres provenant des entreprises du bassin d’Annonay, Inoplast, Trigano ou Irisbus, ont manifesté leur mécontentement alors que se tenait le comité central d’entreprise (CCE) à l’intérieur. Mécontentement contre le plan social (84 emplois), contre les soupçons d’entente illicite qui secouent le marché de l’enveloppe européen. Lien.
  • 5 octobre : La Poste, qui ambitionne de devenir un grand groupe de service européen d'ici 2015 et doit faire face à la baisse du volume du courrier, prépare sa mutation avec des postiers moins nombreux, qui devront "s'adapter" à l'évolution des métiers : un départ de postier sur trois ou sur quatre d'ici 2015 ne sera pas remplacé : une petite dizaine de milliers de départs et environ 3.000 recrutements chaque année. Lien.
  • 9 octobre : Calaire chimie (Calais) - La CGT refuse toujours le plan social portant sur 51 postes. Lien.
  • 10 octobre : Plan social annoncé à l'usine Sealynx dans l'Eure, 257 emplois sont menacés à l'usine de Charleval qui fabrique des joints d'étanchéité pour le secteur automobile. Lien.
  • 12 octobre : 220 salarié concerné par un plan à La Redoute. Lien.
  • 14 octobre : Le groupe Molex cesse le financement du plan social du site de Villemur-sur-Tarn. Lien. Plan social Molex: l'Etat jouera son rôle. Lien. Lien.
  • 20 octobre : Continental : les salariés lancent une pétition. Lien. Lien.
  • 20 octobre : Oracle France : 144 emplois menacés dans le cadre d’un nouveau plan social suite à sa fusion juridique avec Sun France. Lien.
  • 21 octobre : PSA Belchamp : Des menaces de délocalisation en Chine selon FO. Lien.

Riez monsieur Woerth, les chômeurs vous regardent. Mais pendant ce temps d’autre pays proches, eux, ont un vrai gouvernement qui travaille : on apprenait aujourd’hui que Siemens offre la sécurité de l'emploi "illimitée"... ou presque.

lapins en cage, travailleurs en clapier

A lire ici:

La densité des lapins dans leur cage est de 45 kg/m2, soit une feuille de papier A4 par individu*. Manifester pour l’amélioration de leur sort est possible**. Allons plus loin : le sort des animaux en élevage intensif hors sol, lapins, poules, cochons, vaches… est similaires au sort des travailleurs. Pour comprendre cela, il faut lire d’urgence Les poules préfèrent les cages d’Armand Farrachi (Albin Michel, 2000). Un extrait :

« L’objectif à peine dissimulé de l’économie mondialisée est de soumettre le vivant aux conditions de l’industrie. En ce sens le sort des poules en cage, qui ne vivent plus nulle part à l’état sauvage, qui n’ont plus aucun milieu naturel pour les accueillir, augure ainsi du nôtre. Il est possible dans notre monde actuel de prouver que les poules préfèrent les cages, que les otaries préfèrent les cirques, les poissons les bocaux, les Indiens les réserves, les Tziganes les camps de concentration, les humains les cités.

Si les poules préfèrent les cages, on ne voit donc pas pourquoi les humains ne préfèreraient pas les conditions qui leur sont faites, aussi pénibles, aussi outrageantes soient-elles, à une liberté dont ils ne sauraient faire bon usage et qu’ils retourneraient contre eux-mêmes. Les instituts de sondage, les enquêtes d’opinion et les études de marché prouvent statistiquement qu’un citoyen normal préfère l’anesthésie des jeux télévisés et des parcs de loisirs pour « se sentir en sécurité, ne pas éprouver de douleur, ne pas présenter de symptômes d’ennui et de frustration ». Il importe peu de savoir comment la volaille humaine s’épanouirait au grand air, mais à quel prix elle préférerait une cage. »

* LeMonde du 24 octobre 2010, des « lapins géants » protestent contre leurs conditions d’élevage

** Association de protection animalière L214

http://www.l214.com/

jeudi 21 octobre 2010

Le discourt des ultralibéraux décrypté

La mardi 19 octobre 2010, il y avait un débat sur BFM radio dans l’émission « les experts » comme tous les matins. Le principe de l’émission est d’inviter des « experts » (que la station juge comme tel) pour parler de sujets économiques et sociaux. Ce mardi l’émission était étonnante car la crème des ultralibéraux était sur le plateau. Ce n’était pas triste, un pur moment de bonheur ! Décodage.

Ce mardi, étaient présent :

  • Alain Madelin, députés UMP
  • Jean-Jacques de Balasy, Barclays Capital France
  • Stanislas de Bentzmann, Coprésident du Directoire de Devoteam

L’émission débute sur des considérations générales sur la grève et le journaliste semble d’accord avec un email d’un lecteur : « Un tiers des stations-service ayant des difficultés d’approvisionnement et le gouvernement qui annonce que tout va bien, je me suis cru lors de la canicule de 2003 où l’opinion publique n’a plus adhéré à la communication du pouvoir  » en indiquant « C’est un vrai problème ça… ». Pourtant deux minutes après, il laisse Alain Madelin nous ressortir les mêmes explications réchauffées :

- « Indiscutablement l’idée du partage du travail, c'est-à-dire qu’il faut faire partir des gens assez tôt à la retraite pour les remplacer par des jeunes est une idée fausse, on ne va pas le démontrer ici. Le fait qu’elle soit présente dans la tête de jeune montre qu’il y a un déficit de pédagogie ».

Oui c’est vrai il ne faut surtout pas démontrer cette idée, nous risquerions de ne pas y arriver. Si les jeunes croient ces « idées fausses » c’est parce que cela n’a pas été bien expliqué aux jeunes (et non pas, bien sûr, parce que c’est faux). Jamais la moindre place n’est laissée à l’opinion de 79 % de Français : s’ils ne sont pas d’accord, c’est parce qu’ils n’ont rien compris et donc que cela a été mal expliqué. Il y a tout de même une forte dose de mépris à ne considérer les opinions des autres que comme une erreur de pédagogie des bien-pensants !

Le journaliste tente courageusement « une idée fausse pour quelle raison ? » Madelin est pris à son propre piège, il ne peut s’empêcher de pousser un soupir de dégout en regard à une question si idiote qu’il n’arrive même pas à y répondre. Finalement, il ne se dégonfle pas :

- «  oui c’est une idée fausse, maintenant on ne peut que le démontrer, le travail n’est pas un gâteau qui se partage, c’est quelque chose qui se crée […] plus il y a de travail, plus il y a de travail ».

Cela fait froid dans le dos lorsqu’il dit « maintenant on ne peut que le démontrer », ce qui veut dire : maintenant que cette idéologie a été diffusée, il n’est pas question de ne pas arriver à la démontrer, d’ailleurs il n’y a pas d’autre solution, puisque c’est la vérité pure ! Très ouvert comme discours ! Son incapacité à expliquer l’« idée fausse » démontre combien elle est loin d’être évidente. Qu’il répète, comme un perroquet, l’idéologie du parti sans savoir ni pouvoir la justifier. En ce qui concerne les trivialités et contre-vérités gratuites sur le travail, si cela n’est pas de la démagogie ! L’émission commençait bien, mais en fait ce n’était que le début…

Stanislas de Bentzmann indique que :

- « c’est les gens qui partent à 55ans qui veulent défendre leurs petits avantages, ce qu’on appelle la colère, le refus global d’une politique, c’est bien, mais en fait les gens, très concrètement, qui font les opérations escargot, c’est pour protéger leur départ à 55 ans à la retraite, globalement on voit qu’il y a un certain nombre de lobbys qui sont en train de se raidir pour essayer de tirer parti de se mouvement pour protéger leurs positions, et puis, ce que l’on peut espérer de mieux c’est que maintenant on soit à la fin du processus, que la réforme soit votée et qu’on passe à autre chose ».

C’est fort cette façon de réduire les 79 % des français qui sont contre la réforme à des sortes de fainéants qui protègent leurs petits intérêts ! Quand bien même ils protègeraient leur retraite, c’est un peu écœurant lorsque l’on pense aux retraites chapeau de ces bien-pensants. Nous retrouvons, là encore, le mépris du gouvernement que je signalais ici. Sans compter que, bien sûr, personne ne dit un mot sur les sénateurs qui, eux aussi, protègent jalousement leurs petites retraites bien cossues (lien). « Passer à autre chose » signifie clairement à la réforme suivante, car ils voient cela comme ça : la contestation n’a pour problème que le ralentissement des réformes en préparation…

Le journaliste comment, pour les invités, une erreur de jugement lorsqu’il cite Maurice Allais (prix Nobel d’économie et major de Polytechnique) interviewé en mars 2009 :

- « La mondialisation généralisée, entre des pays qui ont des niveaux de salaires très différents, cela entraîne chômage, réduction de croissance, inégalités, misères de toute sorte. La mondialisation conduit au chômage, si les salaires sont rigides, et la mondialisation conduit aux inégalités si les salaires sont flexibles, les riches sont devenus de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, la ou le socialisme a entraîné l’effondrement des sociétés de l’est, le laisser-fairisme conduit à l’effondrement des sociétés occidentales »

Très bien ! Un homme qui finalement avait tout compris. Trop, manifestement pour Madelin qui veut fissa écarter le gêneur de penser en rond :

- « C’est un excellent débat, cela étant ne mettons pas l’autorité du prix Nobel Maurice Allais sur ce débat-là, comme le disait Jean-Marc Vittori qui racontait les différentes vies de Maurice Allais, il avait atteint là sont niveau d’incompétence, mais en revanche ce qu’il dit sur l’impôt sur le capital, il y a des tas de choses intéressantes chez Maurice Allais. Il fait partie de quelques grandes figures, j’ai connu Maurice Allais, j’ai connu Jimmy Goldsmith aussi qui à la fin de sa vie était : mais la mondialisation en réalité c’est un formidable choc et il faut se protéger. Donc l’idée du protectionnisme, elle revient régulièrement y compris chez des esprits éminents comme Maurice Allais ou Jimmy Goldsmith, bon ben là encore ca revient si le monde entier à choisi le libre-échange, en matière des théoriciens économiques les plus importants, et si les faits ont tranchés en faveur du libre-échange, ont le voit bien dans ces périodes de tensions et de protectionnisme, la pédagogie du libre-échange reste à faire »

J’espère que vous avez suivi cette démonstration ampoulée. Premièrement, Madelin se permet d’insulter un prix Nobel d’économie et major de Polytechnique (cela ne fait pas tout, c’est vrai mais cela n’est pas rien non plus), mais c’est terriblement prétentieux de se poser en maître de Maurice Allais alors que Madelin n’est, finalement, qu’un simple diplômé de la faculté d’économie d’Assas. Se baser sur un article du journaliste ultralibéral, Jean-Marc Vittori, (qui n’a jamais dit « il avait atteint là sont niveau d’incompétence » même s’il critique en partie Maurice Allais) est un peu léger. D’autre part, le fait qu’il a connu (ou pas !) Maurice Allais ne lui donne pas le droit de l’insulter.

Le mépris de ceux qui ne pensent pas comme Madelin est évident dans sa tirade « l’idée du protectionnisme, elle revient régulièrement » comme s’il s’agissait d’une monstruosité que les ignorants se complaisent à répéter à loisir. Remarquez bien que la critique de Madelin est plus que faible : elle ne se base, finalement, que sur sa propre croyance. Le fait que le marché ait choisi le libre-échange ne prouve pas que ce soit la meilleure idée ! Il est particulièrement piquant d’entendre cela après une crise économique qui n’est pas encore terminée ! Ces gens n’ont rien compris, ce sont des êtres dangereux : ils nous font plonger et sont prêts à recommencer avant même que nos blessures ne se soient cicatrisées ! Quant à « les faits ont tranchés » donc c’est la meilleure solution, évidemment c’est ridicule. Avec ce raisonnement si 79 % des Français sont contre la réforme des retraites telle que proposée par le gouvernement, c’est qu’elle est forcément mauvaise ! Mais non, pour Madelin, il s’agit juste d’un problème de « pédagogie ». Dans ce cas précis, les faits ne tranchent pas ! Étrange non ? Le manque de pédagogie est l’explication fourre-tout, tout le monde est « incompétent » s’il n’est pas d’accord avec l’UMP, cette dernière doit donc expliquer à tous, la « vraie vérité » !

Pour Madelin le libre-échange est ce qui a permis « l’enrichissement des pays pauvres, excellente nouvelle pour l’humanité ! », il oublie l’énorme enrichissement, pire, la prise du pouvoir mondial, qu’a permis ce libre-échange à ceux qui prêchent pour son déploiement. Quant à la petite larme pour les pays pauvres qui sont un peu moins pauvres maintenant, excusez-nous, mais nous n’avons plus de larmes. Dire cela c’est ignorer volontairement les énormes tensions sociales de ces pays, ainsi que le fait que, à part en Chine, le salaire moyen des pays pauvres ne progresse pas ! En Chine, nous savons tous que ce libre-échange a creusé un fossé encore plus grand entre les riches et les pauvres, exactement comme chez nous. Alors, votre « excellente nouvelle pour l’humanité », Monsieur Madelin, de grâce, gardez-la !

- « Maintenant, si dans le même temps, dans les pays riches, n’accusons pas la concurrence, vous ne faites pas votre effort d’adaptation, de mutation, de migration vers l’économie du savoir, de hausse en permanence de la valeur ajoutée, de nouveaux produits, de nouveaux services, etc.. Si vous êtes un peu en panne de création alors à ce moment-là, ce qui est gagné par d'autres peut l’être à votre détriment. N’accusons pas les autres, c’est la grande loi du libre-échange… » Clame Madelin.

Tout est dit : 1) mettre tout le monde en concurrence avec tout le monde. 2) Attendre que cela se décante. 3) Ne pas se plaindre, si vous mourez c’est que vous êtes mauvais, point. Quant à la « grande loi du libre-échange » c’est le serpent qui se mord la queue : mettons en place un système qui impose des lois qui lui sont propres, ces lois sont donc tout a fait est normales, il n’y a rien à dire. Remarquez bien la transition du « nous » au « vous » : pour eux c’est « vous » qui devez faire l’effort, eux sont les maîtres de la partie et ne fournissent pas d’effort. Regardez comment ce « vous » récurrent arrive comme on cheveux sur la soupe alors que nous aurions bien vu un « on » ou un « nous » plus global… C’est cela la doctrine des libre-échangistes : « Nous » mettre dans une arène qu’ « ils » ont construite artificiellement et a « nous » de prouver que nous savons nous défendre. Si « nous » perdons, c’est parce que c’est la loi du libre-échange (qu’ils ont créé), « nous » n’avons que « nos » yeux pour pleurer…

Madelin conclu par un magistral « on a tous à y gagner, si on échange, on a tous à y gagner », vous remarquerez, lapsus encore révélateur, le retour magique du « on », car pour les gains, là bien sûr ils seront de la partie ! Bien sûr, personne dans le studio ne trouve, même une parole, pour atténuer cette idéologie grossièrement déversée vers les auditeurs qui ne peuvent que la recevoir passivement. Stanislas de Bentzmann continue :

- -« on va reprendre des exemples concrets, parce que la phrase ‘les riches sont de plus en plus riches et les pauvres, de plus en plus pauvres’, elle est à moitié vraie et à moitié fausse. Les riches sont de plus en plus riches et les pauvres sont également de plus riches, ou moins pauvres, et ça se voit dans les chiffres. Prenons un exemple, dans les années 50, 90 % de la population Indienne vivait avec moins de 2 $ par jour d’aujourd’hui »

Le journaliste proteste enfin, car même lui, voir les ficelles « parlons des Français, là » dit-il. Bentzmann lui coupe la parole :

- « et pourquoi on parlerait que des Français, parlons de la planète, la mondialisation a formidablement développé la planète, avec des Indiens, avec des Chinois qui se mettent a consommer, c'est-à-dire avec des consommateurs, pour nous des clients. On a donc une diminution incroyable de la pauvreté sur la planète, si on en vient aux Français, globalement un Français des années 60 par rapport a un Français d’aujourd’hui […] le français d’aujourd’hui est trois fois plus riches que le Français des années soixante. Et pourtant, il pense qu’il est de plus en plus pauvre, donc, prenons un petit peu de recul, la mondialisation a créé une augmentation de la richesse formidable sur la planète pour les pays en développement, bien sûr moins pour nous en terme de pourcentage, mais on a continué à augmenter la richesse dans le pays. À nous de continuer de bouger, d’avancer, on parlait de l’économie de la connaissance, tout est ouvert demain, on a un nouvel âge d’or sur la planète, mais encore plus dans les pays développés sur toutes les nouvelles tendances d’économie de la collaboration. »

Madelin renchérit :

- « moins pour le Français, mais pas moins pour les Suédois ou pour les Suisses ce qui prouve que c’est un problème national ».

La doctrine est bien rôdée : les pauvres sont un peu moins pauvre (on ne saura jamais combien gagnent de nos jours l’indien à 2 $ d’autrefois) et les riches sont vraiment plus riches. Tout est dit dans le « globalement », car sous les « trois fois plus riches » se cache bien sûr d’énormes disparités et la vérité, si l’on exclu les supers riches, est beaucoup moins présentable. Encore une fois : on vous a mis dans l’arène a vous de vous « bouger » ! Quant à l’apothéose de Madelin, elle enfonce le clou, les Français doivent se bouger, le problème vient de nous ! Fort, très fort, du grand art !

Le journaliste persiste dans la citation de Maurice Allais, on lui avait pourtant dit que ce monsieur n’avait plus toute sa tête, mais bon : « Maurice Allais est convaincu que l’on ne peut pas être un pays sans usines et plus l’industrie décline, en tout cas il fait un lien entre chômages, sous emploi et baisse de l’emploi industriel ». Jean-Jacques de Balasy réplique :

- « je crois qu’à la fois Alain Madelin et Stanislas de Bentzmann ont bien résumé le sujet, c'est-à-dire que la mondialisation bien sûr elle crée de l’inégalité à un moment donné, mais le principe c’est que cette inégalité elle bouge, elle est temporaire, pourquoi ? Parce que ça veut dire que l’on doit bouger, c’est le mouvement, la mondialisation, je pense que l’impératif absolu de la mondialisation c’est que l’on ne peut pas se reposer sur ses lauriers, on est obligé de s’adapter et à partir du moment que ou l’on accepte que l’on soit obligé de s’adapter et qu’on va s’adapter, la France, si elle joue ses atouts, il n’y a aucune raison d’être entraînée dans une spirale d’appauvrissement de tout le monde, c’est absolument pas vrai, ni d’inégalité dans lequel les richesses sont les plus riches et les pauvres les plus pauvres, il y a une redistribution des cartes à l’intérieur du territoire aussi. Est-ce que les gens disent que la mondialisation a appauvri l’Allemagne ? Non, alors pourquoi on dit que cela appauvrisse la France, on le dit si l’on parle d’une France qui se repose et qui veut rester dans ses structures traditionnelle. ».

Notez qu’encore une fois Allais avait raison lorsqu’il ne croyait pas a une France sans usine (lien). Balasy est bien entendu satisfait de ses collègues et reprend les mêmes termes : « bouger », « s’adapter », « se reposer », « accepter », si après cela nous n’avons pas compris que nous sommes fainéants et que l’on doit « se bouger », c’est que nous sommes sourds ! Mais le discours traditionnel des ultralibéraux prend une sonorité différente en période de grève : Nous devons « accepter » les réformes pour une meilleure « redistribution des cartes », devinez qui aura le plus de cartes ? Pas nous en tout cas. Cette histoire d’adaptation est presque comme une incantation vaudou ou comme une méthode Coué : puisque l’on vous dit que vous allez vous adapter à céder tous vos avantages sociaux et à vivre pauvres ! Mais attention, c’est uniquement pour le bien des pays pauvres…

Quant à la comparaison avec l’Allemagne, elle représente la grande astuce des libéraux : se comparer à plusieurs pays, mais uniquement sur le sujet qui les arrange dans une discussion donnée. On sait bien que l’Allemagne n’est pas comparable à la France, quant à dire que son modèle est parfait nous en sommes loin et de plus en plus de voix s’élèvent contre cette fausse croyance qui arrange certains (lien, et lien et re lien).

Concernant les usines, l’un des invités indique :

- « il ne s’agit pas de jeter les usines, il y a des usines qui peuvent être chez nous c’est pas les usines de tee-shirt, il y a des gens qui veulent s’enraciner dans le territoire français c’est les usines Toyota, laissons Renault aller conquérir de nouveaux marchés et ouvrons les bras à l’usine Toyota qui veut conquérir la France et c’est ça le libre échange et c’est ça l’enrichissement général »

En fait, le libre-échange c’est zéro règle, zéro contrainte, zéro responsabilité de l’état, laissons uniquement faire le marché. Nous savons tous que cela ne marche pas et que « l’enrichissement général » n’est général qu’en faisant la moyenne des enrichissements particuliers, car à part la chine et l’Inde et les riches, personne sur la planète n’en profite vraiment, ni les États-Unis, pourtant libéraux, ni vraiment l’Allemagne, pourtant citée en exemple.

Le journaliste cite (mal) le président d’Exane dans un article des Echos :

- « la question n’est pas de savoir comment on va financer notre modèle, mais comment on va changer notre modèle » en fait le président d’Exane n’a jamais dit cela, mais plutôt : « Pour arriver à un nouveau modèle, il faudrait une longue purge, extrêmement désagréable » ce qui est n’est pas exactement pareil. En revanche il indique clairement que toute comparaison avec l’Allemagne est impossible, car ce « n'est pas un modèle aisément reproductible : c'est une histoire atypique. ». Si le journaliste en rajoute maintenant… L’animateur, plein d’inspiration continue avec d’autres propos que n’a pas tenus non plus le président d’Exane :

- « nos vielles économies développées sont devant une impasse totale, ce n’est plus en rafistolant qu’on réussit à sauver le système, mais en le modifiant, et il parle effectivement des faux droits, le faux droit à la retraite, le faux droit à la santé, le faux droit à l’autonomie »

Lisez l’article original, et je vous défie de trouver cette histoire de « faux droits » ! En revanche, le journaliste de BFM à bien du entendre cela quelque part, ailleurs, et cela en dit long sur le but réel des libéraux : supprimer tout ce qu’il reste de ce qui est pour eux des « faux droits » ! Un brillant retour deux siècles en arrière. Même les animaux sont moins sauvages entre eux que le projet de société portés par ces ultralibéraux. L’âge de la pierre n’est pas loin. Pourquoi ? Non pas parce que cela maximise leurs profits (ce qui est pourtant vrai), mais surtout, parce que sans tous ces « faux droits » l’homme devient un esclave à leur solde. C’est le pouvoir qui les motive.

Qu’un journaliste puisse colporter de telles grossières propagandes en public et dans une heure de grande écoute sur une radio nationale est l’indice frappant de la puissance et de l’impunité des ces néolibéraux. Laissons-les faire et je vous garanti que les « cartes seront redistribuées » !

Un invité voit que le journaliste a été imprudent et tempère :

- « Oui, oui, moi ce que je trouve dangereux là-dedans c’est de toujours dire qu’il y aura une révolution, ce n’est pas la peine de le dire il n’y aura pas de révolution, il faut qu’il y ait une évolution continue »

L’argument est a double sens, comprenez : ne leur dites pas brutalement que tout doit violemment changer, c’est effrayant pour eux. En revanche le changement est plus discret lorsqu’il est conduit en douceur. Mais également : n’espérez pas trop des manifestations, ne vous révolterez pas car c’est sans issue, nous ne vous laisserons pas faire ! Édifiant ! Mais instructif, ces gens on encore peur d’une chose (cela ne durera pas) : ils ont peur de la révolution…

À ce moment de l’émission, les trois amis oublient les micros et Madelin rappelle que les « évolutions ratées font les révolutions » (c'est-à-dire : attention tout de même, la révolution peut venir) et que « si les élites ne sont pas capables de réformer la société il faut qu’on change d’élites » ce qui est un avertissement même pas voilé à Nicolas Sarkozy. Soit il réussit ses réformes, soit on le change ! Nicolas Sarkozy ne serait donc que le bras armé des ultralibéraux… Sur le plateau, il est temps de se reprendre :

- - « si l’on prend un peu de distance on voit que la mondialisation elle est vécue comme une agression par beaucoup de Français aujourd'hui, mais peut-être qu’on devrait l’expliquer plus, on vient de le dire, il y a beaucoup de pays qui le vivent comme une opportunité pourquoi est-ce que nous on le vit comme une agression ? ».

Encore ce mépris des Français à qui il faut « expliquer la mondialisation ». Notez la contre-vérité du « on vient de le dire, il y a beaucoup de pays qui le vivent comme une opportunité », Oui ? Lesquels ? Dans l’émission, à ce stade, rien n’a été dit (à part la Chine et l’Inde)…

Je vous fais grâce du reste de l’émission. Le fait est que beaucoup de contre-vérités sont dites lors de ces émissions d’ « experts ». Ce n’est pas un problème en soit, du moment que les participants ou, au moins, l’animateur de la radio recadre les « sorties » les plus ridicules.

Or il faut bien constater que si les pires idéologues défilent parfois sur le plateau, presque personne n’est là pour corriger les affirmations les plus fausses. Pire, l’animateur les diffuse lui-même et de bonne volonté, un comble !

Nous sommes donc en droit de nous demander si, à force de fréquenter tous les matins les plus talentueux idéologues, les journalistes ne finissent-ils pas par être sérieusement convaincu par leurs idées ? Là ou les idéologues prêchent pour leur paroisse sans y croire, juste par intérêt, d’autres finissent par sincèrement y croire. Ils ne réalisent pas que tous ces « faux droits » que les ultralibéraux veulent supprimer sont aussi les leurs, et qu’ils seront victimes malgré leur accointance avec les puissants.

Note: Dans la série des incroyables sorties de Madelin, lire également sur ce blog: “La Spéculation, c’est une garantie et un plus (selon Madelin)!

mercredi 20 octobre 2010

Les parlementaires votent notre retraite mais épargnent la leur !

A lire sur Rue89:

Les députés de la majorité ont discrètement écarté de la réforme leur propre système de retraite. Un système particulièrement avantageux, comme l'a expliqué notre blogueur Vincent Quivry. Une entourloupe parlementaire passée inaperçue le 9 septembre, lors des débats à l'Assemblée nationale. Enquête.

L'affaire s'est nouée le 9 septembre dernier, lors de la deuxième séance des débats de l'Assemblée nationale. Le député Verts François de Rugy soutient l'amendement 249 rectifié. Késaco ? Tout simplement, un article additionnel au projet de loi sur la réforme des retraites. Un texte très court qui prévoit la chose suivante :

« Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport établissant la situation des régimes spécifiques de retraite des membres du Gouvernement et des parlementaires et définissant les conditions d'un alignement rapide et effectif de la situation de leurs régimes spécifiques sur le régime général, visant notamment à un encadrement strict des pensions reversées, tant dans leurs possibilités de cumuls que dans leurs montants. »

La discussion est rapide, pas plus de six minutes (voir la vidéo).

Le député Vert François de Rugy insiste pour que le régime très spécial des parlementaires fasse l'objet d'une réforme, interdisant le cumul de cette retraite avec d'autres traitements :

« J'espère que l'Assemblée nationale saura prendre ses responsabilités. Le bureau de l'Assemblée, d'ailleurs sous la pression d'un certain nombre de débats externes, a pris les siennes.

Je souhaite que ses conclusions aillent dans le sens d'un alignement sur le régime général. Nous plaiderons en tout cas, pour notre part, dans ce sens. »

Réponse du rapporteur de la commission des affaires sociales, le député UMP de la Moselle Denis Jacquat :

« S'agissant du point qui vient d'être évoqué, je rappelle que, sous la présidence de Bernard Accoyer, une réflexion est menée par le bureau de l'Assemblée nationale.

Le sujet qui vient d'être soulevé entre, je le pense, dans les attributions de ce dernier, qui établira des règles. Attendons ses conclusions.

Nous sommes, comme je l'ai dit tout à l'heure, pour l'exemplarité. Nous n'avons rien à cacher à ce propos. Je suis, par conséquent, défavorable à cet amendement. »

Rien à cacher, mais il est urgent d'attendre. Une position partagée par le ministre du Travail et de la Solidarité qui refuse, lui aussi, d'endosser une réforme pourtant si ardemment défendue lorsqu'il s'agit du commun des mortels. Eric Woerth esquive :

« Le régime des parlementaires relève, quant à lui, du bureau de l'Assemblée et de ses règles de fonctionnement. Je pense aussi qu'il convient d'évoluer en la matière. J'ai demandé à plusieurs reprises aux parlementaires de s'en saisir et de modifier leur régime de retraite. »

Fin de la discussion, amendement rejeté. Les parlementaires ont gagné quelques mois de répit, sans passer par la case manif.

mardi 19 octobre 2010

Lorsque le gouvernement piétine les français et le droit de grève

Que les perturbations générées par les grèves soient gênantes, c'est un fait. Que certains soient exaspérés par la récurrence des grèves est certain. Mais la France, en ce moment, n'est-elle pas en train de piétiner le droit de grève et mépriser les français ?

En réalité, les Français ne refusent pas les réformes et encore moins celle des retraites comme l'affirme le gouvernement. Le vrai problème est que la réforme des retraites cristallise toute la déception des Français quant aux mesures prises depuis que Sarkozy est au pouvoir. Il est vrai qu'il a été élu par les voix de nombreux ouvriers et de cadres moyens qui ont compris, au fil des ans, que ce gouvernement jouait contre eux. Alors, la crise des retraites n'est finalement qu'une goutte qui fait déborder un vase déjà bien plein.

Mais l'attitude du gouvernement même force cette nième réforme à devenir la réforme de trop. En effet, elle intervient après de nombreux scandales montrant que si les Français doivent indéniablement se serrer la ceinture, le gouvernement et ses amis, eux, profitent à plein du système. Quant a l'attitude récurrente de nier l'évidence, elle en devient outrageante. Non seulement le gouvernement de goinfre, mais, pris la main dans le sac, il nie effrontément et systématiquement sa responsabilité. Ce manque de courage et de responsabilité est pire que tout. C’est l'indicateur d'un gouvernement aux abois qui n'a plus que la négation pour se défendre. C'est aussi pourquoi les manifestants veulent tant en découdre. Ils se battent contre un gouvernement qui les méprise depuis plusieurs années.

Mépris vous avez dit mépris ?

  • Oui, mépris des partenaires sociaux d'abord lorsqu’on les convie à une négociation où la marge est faible et clairement indiquée d’emblée (voir Marianne2 pour un exemple récent).

  • Mépris lorsque l’on prend les Français pour des enfants ou pire des imbéciles : quand une réforme est contestée, le gouvernement indique systématiquement que c’est parce que la réforme n’a pas été assez expliquée. Comme si entre être totalement d’accord et ne rien avoir compris (méprisant, n’est-ce pas), il n’y avait pas de place pour une quelconque divergence…

  • Mépris lorsque le gouvernement protège et favorise ses amis du Fouquet’s et explique dans le même temps que nous devons tous travailler plus longtemps pour, surement, gagner moins en fin de compte.

  • Mépris lorsque le droit de manifestation est considéré verbalement comme noble par le gouvernement, mais qu’en même temps celui-ci indique qu’aucun effet de bord ne sera toléré (blocage des lycées, des transports, des raffineries…) et envoie les CRS contre des jeunes pourtant calmes.

  • Mépris lorsque les étudiants sont jugés trop jeunes pour comprendre quoi que ce soit des enjeux actuels, et sont “forcément manipulés”, ce sont pourtant des citoyens comme les autres. Ce ne sont pas des imbéciles non plus !

  • Mépris lorsque le décompte des manifestants par les préfectures est 10 fois moindre que celui des organisations syndicales (ce qui n’est jamais arrivé avant, le rapport entre les deux chiffres étant toujours inférieur à 3). Lien.

  • Mépris lorsque le gouvernement dit que la situation est calme, mais que les journaux prouvent le contraire (lien édifiant).

  • Mépris lorsque le gouvernement déclare qu’il n’y a pas de pénurie de carburant, mais que tout le monde (ou presque) constate que c’est impossible d’obtenir une goutte de ce précieux liquide.

  • Mépris lorsque 70 % des Français sont contre une réforme et que le gouvernement ne bouge pas.

  • Enfin, mépris des sénateurs qui, au même moment qu’il votent notre retraite, ont tout fait pour écarter la leur de la réforme… (lien) De qui se moque-t-on ? Quelle crédibilité ont encore ces gens ?

Pourquoi tout ce mépris ? Simplement parce qu’un homme, le président, usé dans les sondages (23 % d’opinions positives) et auprès de ses électeurs, veut, coûte que coûte, montrer qu’il a raison. Mais qu’il ne se méprenne pas, qu’il gagne ou qu’il perde n’a finalement que peu d’importance, le pays sera perdant dans les deux cas. L’UMP pourra faire une croix sur la prochaine élection. La tension sociale sera a son comble au moment au les DRH des grandes entreprises commencent à le craindre (lien). C’est des décennies de compromis sociaux qui seront détruits en un instant, relançant par la même occasion une lutte des classes que les partis politiques avaient réussis à nous faire oublier. Ainsi, la France, grâce à l’autisme et à la intransigeance maladive de Sarkozy, revient vers une lutte des classes proches de celle du 19e siècle. Ca c’est de la politique ! Sarkozy laissera une trace dans l’histoire de France mais je vous fiche mon billet que ce ne sera pas à son avantage…

vendredi 15 octobre 2010

Une erreur matérielle… Encore et encore…

39 - Erreur matérielleDepuis quelques temps le gouvernement utilise a tord et à travers le terme d’”erreur matérielle”. Bien pratique pour expliquer tout et n’importe quoi, c’est la mode !

Cela a commencé le 17 octobre 2008 par le remise en liberté d’un violeur récidiviste présumé. La révélation de l’affaire provoque un débat public houleux. Une enquête est menée par R. Dati qui révèle un mot “confirme” transformé par erreur en “infirme”. Le parquet général, après avoir officiellement déposé vendredi une "requête en rectification d'erreur matérielle" en "exécution des instructions" du garde des Sceaux Rachida Dati, a annoncé que la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris allait l'examiner le 31 octobre 2008. Une faute de frappe est-elle une erreur matérielle ?

En Avril 2009 alors que l’affaire d’espionnage de Greenpeace par des responsable d’EDF est a son comble, le responsable de la sécurité d’EDF, P. Durieux n’est finalement plus mis en examen pour espionnage en raison d’une erreur dans le procès-verbal de son audition de sa mise en examen pour “complicité d'introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données". Le juge a alors rendu une ordonnance en "rectification d'erreur matérielle" afin de rendre à Durieux son statut de simple témoin dans l'affaire.

Ensuite, a eu lieu une modification en douce de la loi annulant la possibilité de dissolution d’une personne morale (comme une secte par exemple) en matière d’escroquerie. L’affaire est passée inaperçue durant des mois lorsque le scandale a éclaté. La ministre de la Justice, M. Alliot-Marie, a alors déclaré sur Europe 1 : “Il s'agit là d'une erreur matérielle et elle sera corrigée dès que possible. Je vais effectivement déposer, à l'occasion du prochain texte pénal une mesure qui permettra de dissoudre notamment des associations, des groupes et des sectes". En effet le procès d’une secte bien connue devait se tenir quelques semaines après. Une partie de la gauche et les syndicats de magistrats estiment qu'il ne peut s'agir d'une erreur, la disposition en question ayant figuré dès le départ du processus. Ils soupçonnent une vote "sur mesure".

Il y a eu ensuite, le 23 Octobre 2009 un vote d’un amendement permettant d’ajouter une taxe de 10% sur le bénéfices des banques avec 44 voies pour et 40 contre. Evidemment ceci n’est pas du goût du gouvernement et a fait revoter l’amendement le lundi suivant : l’amendement est cette fois rejeté par 81 voix contre 51. La raison de ce “re-vote” d’un amendement déjà voté ? La ministre de l’Economie Christine Lagarde a une nouvelle fois justifié cette seconde délibération en arguant d’une "erreur matérielle d’ailleurs reconnue", sous les protestations des députés de gauche.

Le mardi suivant (le 27 octobre 2009), l’UMP Pierre Méhaignerie s'est abstenu lors du vote sur la partie "recettes" du projet de loi de finances pour 2010. Quelques heures après ce scrutin, son secrétariat a dit dans un communiqué que cette abstention "résulte d'une erreur matérielle" et que l'intéressé avait bel et bien "voté pour".

Le 21 décembre 2009, Jean-Jacques Pignard, sénateur centriste, suppléant de Michel Mercier, se trompe de bouton et voter contre le projet de modification des circonscriptions électorales du gouvernement ce qui a eu pour effet le rejet du texte. Une erreur matérielle est invoquée.

Et voila que le gouvernement remet cela le 14 octobre 2010: Le Sénat aurait rejeté (155 voix pour, 181 contre), à la suite d'une erreur de vote des centristes, l'article 4 de la réforme des retraites qui porte sur les modalités d'allongement de la durée de cotisation jusqu'en 2020. Rien que cela… Bien entendu le gouvernement ne pouvait pas en rester là : le ministre du travail, Eric Woerth, qualifie ce vote d’"erreur matérielle" et indique que "le gouvernement demandera en temps et en heure une seconde délibération sur cet article" (qui ne pourra intervenir qu’à la fin du vote complet du texte). La faute au sénateur centriste de Mayotte, Adrien Giraud, qui, accrochez-vous, avait la délégation de vote pour l'ensemble de son groupe, et qui se serait trompé dans la couleur des bulletins de vote. Cela se passe comme cela à l’UMP, un vote ne plait pas ? On revote. Ce qui est également incroyable est qu’un seul sénateur puisse représenter tout un groupe ! Encore un métier sympathique où l’on est dispensé de venir même lorsque l’on vote une loi majeure de la république. Cela en dit long aussi sur le sérieux de ces sénateur et sur l’estime qu’ils nous vouent…

En vérité la correction “d’erreurs matérielles” est une possibilité offerte par l’article 462 du nouveau code de procédure civile : « Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ». Ce terme, comme nous l’avons vu, est de plus en plus utilisé même hors contexte juridique et recouvre tout et n’importe quoi, de la faute de frappe au bouton “mal appuyé”. Pratique non ?

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jeudi 14 octobre 2010

Entreprises : facile d'être mis au placard, dur dur d'en sortir

A lire sur Eco89.

Dans le privé ou dans le public, la placardisation peut être vécue comme une mort sociale. Une solution : faire du bruit.

Mathilde et Fabienne [les prénoms ont été changés, ndlr] ont connu les affres de la placardisation. Leurs expériences difficiles rappellent que cette épreuve peut survenir quand on s'y attend le moins, et qu'il est souvent compliqué de trouver une solution. Dans le privé comme dans le public.

Ces deux femmes ont un point commun : leur supérieur hiérarchique leur a, un jour, retiré leurs attributions sans raison valable. Mises au placard, progressivement, insidieusement.

Mathilde : « Je me suis sentie sous-exploitée »

Pour Mathilde, ingénieure d'études dans le public, tout a commencé suite à un arrêt de travail de neuf mois, vital après un cancer du sein métastasé. Elle raconte :

« Le traitement a été efficace et je suis une miraculée, aujourd'hui en rémission. Quand j'ai repris le travail, j'ai opté pour un mi-temps, car il fallait que je me reconstruise physiquement. Mentalement, aussi. »

L'informaticienne, âgée d'une trentaine d'années, perçoit ce mi-temps thérapeutique comme une chance, d'autant qu'elle a vu la mort de près. Aussi la reprise se passe t-elle plutôt bien, même si son adjoint s'est approprié, sans son consentement, l'essentiel de ses anciennes tâches. Dans un premier temps, sa joie de revenir aux affaires prend le dessus sur la déception liée au comportement de son collègue.

Après un an à mi-temps, Mathilde sent qu'elle peut de nouveau assumer un rythme élevé, « comme avant le cancer ». Elle tente alors de retrouver son poste initial, et se décide à en parler à son directeur, visiblement au courant de la situation.

« Notre entrevue n'a rien changé. Pire, il m'a donné un gros dossier à réaliser, une tâche inintéressante au possible et qui ne correspondait pas à ma place dans la hiérarchie. Je me suis sentie sous-exploitée. »

Pendant un an et demi, d'octobre 2008 à mars 2010, elle voit donc ses journées de bureau défiler, partagées entre des tâches réduites et de très longues sessions Internet qui la lassent.

Mathilde prend son mal en patience, car le temps joue pour elle : son supérieur doit en effet partir à la retraite fin 2010. Son attente sera finalement écourtée suite à la proposition d'emploi récente d'une autre chef de service. Bien plus épanouie au travail, elle a retrouvé un poste qui sied à ses ambitions.

« Etre au placard, c'est être débranché de l'entreprise »

D'autres n'ont pas cette chance et attendent la fin de leur carrière, bon an mal an. Faut-il envier pour autant ces salariés, sous-exploités mais bien rémunérés ?

Pour Dominique Lhuilier, auteur en 2002 de « Placardisés, des exclus dans l'entreprise » et maître de conférences à l'université Paris VII, le placard est une prison dont il est difficile de sortir :

« Etre au placard, c'est être débranché de l'entreprise, comme mis aux oubliettes. On regarde les collègues travailler mais sans pouvoir participer aux projets collectifs.

Aussi, il s'agit d'une mort sociale, qui dans certains cas peut engendrer des troubles psychologiques et des maladies psychosomatiques graves. »

Selon elle, il n'y a pas de solution miracle. Pour commencer, il ne faut pas nier la mise à l'écart.

« Le premier réflexe du placardisé, c'est le déni. Parfois, il fait croire qu'il est très occupé pour cacher sa situation professionnelle.

Les placardisés se sentent mieux après avoir contacté la médecine du travail, lorsqu'ils apprennent qu'ils ne sont pas les seuls à être dans ce cas. »

Dominique Lhuilier déconseille ainsi au placardisé de se renfermer, même si les cas sont évidemment variables selon les ressources psychologiques de la personne :

« Quand on a une vie sociale bien pleine, dans le milieu associatif ou au sein d'une commune, on peut se prouver qu'on vaut quelque chose, malgré le placard. »

Avant tout, le plus important serait de ne pas perdre l'estime de soi. (Voir la bande annonce sous-titrée du film italien « J'aime travailler » (2004) de Fransesco Comencini)

« Limiter ses ennemis et enrichir ses alliés » plutôt que poursuivre

Pourtant, à entendre certains spécialistes des ressources humaines ou du management, il existe une stratégie efficace : faire du bruit. « Pour que le placardisé sorte gagnant, il lui est recommandé de limiter ses ennemis et d'enrichir ses alliés.

Ces derniers seront une force d'attaque, de protection et de soutien. Mais aussi ses yeux et ses oreilles », affirme Nabil Gharib, DRH au sein du groupe Maroc Soir, qui insiste aussi sur « l'importance d'un mentor », à la fois homme de confiance et de réseau professionnel.

Mais selon lui, le carnet d'adresses ne fait pas tout et le salarié doit rester compétitif, quitte à faire du placard un tremplin en suivant des « formations techniques, managériales, psychologiques et linguistiques ». D'un point de vue externe, les réseaux professionnels comme Linkedin ou Viadeo peuvent aussi faciliter la recherche de relations et d'emploi.

La voie juridique est également possible : le non-respect du contrat de travail, la discrimination, via la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité), voire le licenciement abusif et/ou le harcèlement moral devant les tribunaux. Dominique Lhuilier déconseille cette démarche. Coûteuse financièrement, elle serait en outre néfaste à la reconstruction.

« La mise au placard est particulièrement destructrice. Le salarié peut se murer dans une posture victimaire et exiger une réparation qui ne sera jamais à la hauteur de ses attentes.

En s'inscrivant dans une démarche judiciaire, forcément longue, le risque est d'adopter une posture ethnologique, souvent lucide, mais coûteuse émotionnellement. »

Fabienne, gardée « par pitié », ne peut se permettre de démissionner

Reste comme dernier recours la démission, surtout s'il n'est pas possible de rejoindre un autre service. Là, tout devient une question de fierté, d'orgueil aussi et surtout d'opportunité professionnelle : il n'est pas aisé de retrouver un emploi dans la foulée, a fortiori en période de crise.

Certains se contentent alors du placard, à défaut d'avoir le choix. C'est le cas de Fabienne, secrétaire polyvalente dans un bureau d'études. Elle raconte :

« J'y travaille depuis dix ans. Mon planning était très chargé, j'y faisais l'administratif, les courriers, les mises en page des rapports clients, des dessins de plans, les impressions et les envois, la facturation, la comptabilité, la gestion du personnel, les appels d'offres… Le travail était dur, mais il me plaisait car il était varié. »

Elle sent bien l'inclinaison de son supérieur pour les « rentables, les chargés d'affaires et les ingénieurs », mais elle tente tout de même sa chance et demande une augmentation. Refusée. Son employeur lui répond alors qu'il la garde « par pitié », et qu'elle pourrait passer à mi-temps vu « ce qu'elle fait ». Sa situation s'aggrave au retour des fêtes de fin d'année 2009.

« Je veux me mettre au travail, et là, je n'ai plus de mot de passe pour le fil banque. Mon patron me dit qu'il va me donner le nouveau mais ne le fait pas. Je ne peux plus faire la comptabilité, je n'ai plus accès à rien. Un jeune apprenti a été embauché pour faire la compta, la TVA, les factures… »

Progressivement, ses missions se restreignent. Ainsi, depuis quelques semaines, elle ne gère plus le courrier et n'est plus conviée aux réunions.

Compte-t-elle se battre ou démissionner ? La question la taraude, mais elle n'a pas vraiment le choix : son mari est à la retraite suite à des problèmes de santé, et elle n'a pas assez d'économies pour se permettre d'être au chômage… Alors, elle tiendra. Envers et contre tout.

 

La loi part du principe qu'il n'y a pas de placard paisible ou de harcèlement ordinaire.

En effet, l'article L. 1152-1 du Code du travail stipule qu'« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

En clair, un seul agissement hostile ne caractérisera pas le harcèlement, même s'il est en soi répréhensible. Il doit être récurrent ou répété.

Par contre, la simple tentative est répréhensible, peu importe que le harceleur soit parvenu ou non à ses fins.

Selon le rapport ministériel Sumer de 2003 (bientôt actualisé), les salariés les moins qualifiés sont plus exposés que d'autres au harcèlement, en particulier dans les entreprises de moins de dix personnes.

Dominique Lhuilier, titulaire d'une chaire de psychologie du travail au Cnam, a rencontré des centaines de placardisés.

Son constat : le phénomène peut survenir n'importe quand, et concerner quiconque, jeunes, seniors, femmes, hommes, cadres, employés…

lundi 11 octobre 2010

Arnaque en cours : Bouclier fiscal

Le bouclier fiscal n’est pas aimé des français. Nous le savons aujourd’hui, sept français sur dix sont pour sa suppression. Le gouvernement, après des années de déni, montre finalement des signes de faiblesse sur ce sujet. Alors faiblesse réelle ou piège ?

La souplesse soudaine du gouvernement n’est pas un miracle, c’est que ce dernier à tout simplement trouvé une parade pour le supprimer sans que cela ne nuise à ses riches amis !

En effet, le gouvernement associe le bouclier à l’ISF. Tiens donc ! Ce que demandaient les français était la suppression du bouclier mais pas celui de l’ISF ! L’excuse est toute trouvée : le bouclier à été mis en place pour corriger l’injustice de l’ISF. Rien que cela ! Une question nous vient alors : pourquoi ne pas avoir supprimé l’ISF au lieu de construire un bouclier ?

Evidemment la ficelle est grosse : Le bouclier rapporte 790 millions d’euros (soit 10 Euros par français et par an, ou 51 euros par contribuable imposable, pas si négligeable que cela finalement). L’iSF rapporte 4,4 milliards d’euros (soit 289 Euros par contribuable imposable et par an). Ainsi en supprimant le bouclier fiscal et l’ISF, les riches gagneraient 3,6 milliards d’euros (4400-790)! Bonjour le cadeau de noël ! Le gouvernement fait plaisir au “peuple” et enchante discrètement ses amis…

Comme la ficelle est un peu grosse, certains à l’UMP, disent qu’il faut combler le manque à gagner fiscal par une augmentation de la TVA et du barème fiscal des plus hauts revenus. Vous voyez le piège ? La TVA touche tout le monde (RSA, chômeurs, Smicards, classes moyennes et hautes), quant à la hausse du barème des haut salaire il suffit de l’étendre un peu. Ce que payaient les super-riches sera payé par eux mais aussi par tous les autres… Ainsi les supers-riches resterons super, super-riches !

A l’UMP, on n’a plus d’électeurs mais on a des idées !

C’est tout de même pénible de devoir se méfier à chaque annonce du gouvernement ! Cala devient usant à la longue…

jeudi 7 octobre 2010

La démotivation dans l’entreprise

La crise aura eu le mérite de révéler les travers que suivent les grandes et parfois moyennes entreprises du point de vue de la gestion du personnel. Nous verrons que c’est une bataille et qu’elle est donnée gagnante pour les entreprises.

L’employé, variable d’ajustement de l’entreprise moderne

Quel que soient les secteurs d’activités, quel que soient les pays, quel que soient la rentabilité des entreprises, l’employé reste une variable d’ajustement facile. Et cette variable varie presque toujours dans le même sens : la réduction du personnel. Pas besoin d’être très intelligent ni compétent pour réduire le personnel. C’est, de surcroît, toujours immédiatement apprécié par les actionnaires. Ainsi, une entreprise de réparation et d’entretien de yachts à moteurs qui en pleine crise financière voit son carnet de commandes exploser, tant et si bien qu’ils sont obligés de refuser les contrats pour des yachts de moins de 30 m de long. L’entreprise, profitable de longue date, offrait jusque-là des conditions de travail très sympathiques à ses employés. Pourtant, ces derniers temps, alors que les bénéfices explosent, ils ont décidé de supprimer discrètement des emplois en proposant aux mêmes personnes de se mettre en auto entrepreneur. C’est une filouterie juteuse pour de nombreuses entreprises, qui profitent de la flexibilité des auto-entrepreneurs (qui ne coûtent rien en cas de chute d’activité), mais également de leurs tarifs avantageux (les charges et impôts faibles associés à ce statut en font des « entreprises » compétitives). Tout le risque est pris par l’auto entrepreneur. C’est à croire que le gouvernement a créé volontairement ce statut à la demande des employeurs…

Sous pression

Les employés sont virés, stressés, harcelés, exploités de plus en plus dans le monde entier. Le cas Kerviel est un exemple flagrant : cet homme qui appartient à une banque réputée pour mettre une pression remarquable sur ses équipes de « trading » et qui finalement n’assume pas les dérives associées. Certes Kerviel a triché, certes il a fauté, mais les banquiers avec qui j’ai évoqué la situation pensent que la hiérarchie ne pouvait pas ignorer les faits. D’ailleurs si elle n’était pas informée pourquoi a-t-elle été éliminée une grande majorité de la direction de l’époque ? Pour sauver l’image de la banque et des banques françaises en général, Kerviel a été sacrifié. Ce cas est bien un cas d’école : mettre tellement de conditions et de pressions sur les employés afin qu’ils trouvent d’eux-mêmes les solutions (parfois illégales) qui permettent de satisfaire la demande de leur hiérarchie. Pratique, sans risque et efficace…

C’est cette même pression qui pousse les ouvriers, dans les usines, a contourner les systèmes de sécurité (casques, gants, vitres de protection…) : sans ils sont plus efficaces que leurs collègues et seront mieux vu. La crainte de la perte d’emploi est destructrice.

Manipulés

Dans une grande entreprise du secteur automobile, durant la crise, a été appliquée une méthode Japonaise étonnante : un « Brain Storming » géant (cogitation par petits groupes) a été mis en place. Le but : trouver des solutions pour réduire tous les coûts de l’entreprise. Chacun devait préparer ses idées sur des Post-its et puis les présenter en petits comités. Une synthèse était faite et diffusée à tous dans l’entreprise. Les consignes ? Toutes les idées sont acceptables, des plus ridicules en apparence, aux plus sophistiquées. Évidemment beaucoup de propositions autour des services généraux : diminuer le nombre de passages des femmes de ménage, mettre des ampoules à économie d’énergie, éteindre les PC automatiquement le soir, etc.… Mais étaient aussi proposées des « optimisations » que les employés prenaient sur eux (ne plus prendre de chambre d’hôtel lorsqu’on finit tard en déplacement et rentrer directement) ou contre d’autres collègues (supprimer tel ou tel service, jugé inutile ou inefficace). Évidemment, certaines propositions concernaient également le management (supprimer les voitures de fonction…). La situation est donc idéale pour l’entreprise, car il ne reste plus, pour le management, qu’à sélectionner les bonnes idées qui ne leur coûtent pas cher et qui ne les touchent pas. Les idées retenues avaient l’avantage d’avoir la légitimité de leurs origines : le personnel. Pourquoi une telle « arnaque » marche-t-elle ? Simplement parce qu’avant le lancement du « Brain Storming », la crise est présentée dans ses aspects les plus sombres, y compris avec un plan social associé, lorsque le « Brain Storming » arrive, le personnel est conscient qu’il doit trouver des solutions ou sinon le plan risque de les concerner. Il s’agit donc bien d’une « arnaque », puisque les employés ont été préparés psychologiquement et que seules les idées qui arrangent la direction ne sont finalement sélectionnées.

À force d’être manipulé, l’employé devient conscient qu’on lui demande toujours plus pour un gain toujours plus faible (peu ou pas d’augmentations, de primes et de promotions). Il est manipulé en permanence par sa hiérarchie sans en tirer davantage. Que penser des stages de motivations en entreprise ? Ceux qui y participent ont l’impression d’être dans une équipe soudée ou tout le monde est égal et se tutoie. Évidemment, il n’en est rien, le but étant juste de presser un peu plus un citron déjà bien écrasé. Que penser des concours de vente chez les télés-conseillers ? Il s’agit simplement de faire courir tout le monde en ne payant, maigrement, qu’une seule personne (le gagnant) !

Les faibles sont éliminés

Le contenu des stages de management est très éducatif à ce titre. Pourquoi apprend-t-on aux stagiaires la « courbe du deuil ». Cette courbe montre les différentes étapes de l’acceptation d’une mauvaise nouvelle par un individu (choc, Déni, colère, peur, dépression, tristesse, acceptation, reconstruction, sérénité) ? Bien sûr pour préparer les plans sociaux, les mutations, les promotions ou les augmentations que les employés n’auront pas… Le problème est que la théorie n’est pas parfaite et que certains dévient de la courbe (suicides, dépressions graves). Pour l’entreprise, ce sont de « déchets » avec la théorie sous-jacente : « s’ils n’ont pas survécu, c’est qu’ils étaient faibles ». La responsabilité de l’entreprise est souvent rejetée par elle-même : rien ne prouvera jamais complètement qu’un suicide est principalement lié au travail, car souvent les causes en sont multiples. Quant aux personnes ayant subi les effets (parfois irrémédiables) d’un épuisement au travail, l’entreprise feint de ne pas en reconnaître l’origine (voir les articles ici et ici). Nous sommes donc dans un monde ou l’entreprise écrase les forts et broie les plus faibles sans jamais prendre ses responsabilités.

Moutons, seuls, acceptés

Pour réussir parfaitement dans cette voie, l’entreprise ne recrute que des éléments dociles et éventuellement féroces. Lors des entretiens d’embauche, c’est souvent ces deux caractéristiques qui priment sur la compétence ou le potentiel du candidat. Un candidat docile fera tout ce qu’on lui dit et ce qu’on lui suggère. S’il est féroce, il fera plus volontiers les actions immorales et inhumaines qu’on peut lui demander. Comme le montre le documentaire “La mise à mort du travail”, l’entreprise “Car Glass” fait jouer ses candidats à l’embauche à un jeu dans le seul but est de repérer les délateurs. Intégrés dans les équipes, ils seront de bons adjoints (gratuits) aux managers. En revanche, ceux qui ne sont pas des moutons risquent tout comme ce haut cadre, “practice manager” (responsable de consulting), d’une société américaine de service, dans l’entreprise depuis 11 ans, et qui un jour décide de monter une section syndicale. Ce jour là sa vie bascule, il est reçu par le nouveau directeur de l’entreprise qui le rencontre pour la première fois et qui lui tiens ce langage précis : “t’es assis en face de moi décontracté du fion, le seul moyen de se débarrasser de toi c’est de te tirer une balle dans la tête au parking”. Pour sauver leur emploi les autres employés sont forcés de signer une pétition indiquant que le practice manager les harcèle et ne fait pas son travail.¨

Penser comme la direction est la seule issue de l’employé moderne, tous refus ou mauvaise volonté se solde par un licenciement ou un “placard”. Interdit de dénoncer une décision idiote ou manifestement vouée à l’échec. Là encore la performance de l’entreprise est impactée : les nombreuses décisions ridicules, s’enchaînent au même rythme que les échecs des précédentes. De fait, nous ne travaillons plus dans les entreprises, même lorsque nous sommes cadre, nous effectuons des tâches codifiées et standardisées, nous exécutons des ordres. La créativité et l’intelligence humaine n’a presque plus d’utilité, sauf à contourner un système si rigide que le respect strict des tâches standards ne permettrait plus de les mener à bien. La valeur du travail s’en trouve fortement diminuée. L’Homme s’en trouve fortement diminué.

Un lecteur me raconte que malgré qu’il soit réputé expert et bon chef de service, sa direction, persuadée qu’il n’est pas assez efficace, a décidé de payer un consultant payé à prix d’or et venu spécialement d’Allemagne. L’homme roule en BMW dernier cri et porte une montre de luxe en or. Mais ce qui est vraiment cocasse, c’est que le consultant n’y connait rien et propose en permanence des solutions obsolètes que mon lecteur appliquait déjà plusieurs années en arrière. Mais, direction oblige, il devra supporter sans broncher Monsieur Lapalisse encore un bon bout de temps. Juste assez longtemps pour qu’on lui explique que, pour les augmentations de 2011, il n’y a plus assez d’argent…

Isolement

Efficace à plus d’un titre, l’isolement de l’employé est primordial au maintient d’employés dociles. Les « Open Spaces » (bureaux paysagers) sont idéaux pour forcer les employés à se « benchmarker » (comparer) entre eux. Celui qui fait des pauses, qui arrive tard, qui part tôt, qui passe des appels personnels, qui navigue sur internet, qui se déplace « trop » dans le bâtiment, etc. est vite repéré et diffamé. L’employé devient son pire ennemi. La réduction de l’espace personnel (mètre carré par personne), des espaces collectifs (cafétéria, toilettes, espaces fumeurs…) participe activement à cette stratégie. Si nous ne pouvons plus faire de pauses et que nous sommes fortement surveillés, nous ne pouvons que travailler plus. Hélas l’homme n’est pas une machine et les pauses, les cafés entre collègues, les espaces de détentes sont comme la maintenance d’une machine : si nous la supprimons elle marche moins bien puis, s’arrête.

Inefficacité

L’entreprise moderne est donc peuplée d’une bonne partie de loups souvent incapables (ou moins capables). Mais, le recrutement n’étant pas une science exacte, de nombreuses erreurs sont commises. Les embauchés finalement peu dociles sont écartés des promotions et/ou harcelés par les loups. Dans un groupe connu de la grande distribution, un agent de sécurité est mal vu parce qu’il entretien des liens avec un syndicat. Un piège est monté contre lui : un portefeuille sans identification possible du propriétaire (pas de cartes ou de papier d’identité), mais avec un gros billet dedans lui est apporté comme ayant été trouvé dans le magasin. Après vérification, l’agent cède à la tentation et empoche discrètement le billet. Or c’est un piège, il est filmé et interpellé en fin de journée. Dans la salle d’interpellation, on ne lui dit pas tout de suite qu’il a été piégé, on fait pression sur lui, en revanche, pour qu’il écrive une déclaration de harcèlement contre un autre employé handicapé. C’est seulement lorsque le document est écrit et signé que la vidéo du vol est montrée à l’indélicat. La direction se sépare donc de deux gêneurs en même temps : l’agent peu docile et le handicapé dont la direction ne voulait plus.

Les employés font d’eux même le sale travail

Les managers modernes, en ne prenant aucune décision, lorsqu’elle comporte un risque, obligent de fait les employés sous leurs ordres à les prendre pour eux. Ce qui est terrible, car non seulement ces employés n’ont pas toutes les données du problème pour prendre la bonne décision, mais de plus, ils prennent cette décision à leurs seuls risques et périls. C’est ce que nous montre le cas Kerviel et tant d’autres que nous voyons tous les jours en entreprise. Il faut donc que les employés soient naïfs pour accepter de prendre tous ces risques sans aucune contrepartie et en ayant la quasi-certitude d’être les seules victimes si leur décision était malheureuse. Que faire contre cette plaie ? Acculer les managers a prendre eux-mêmes leur décision et à défaut, les informer par écrit des choix effectués par faute de décision de leurs part. Il faut, bien entendu, garder les preuves papier et/ou électroniques chez soi et le jour même de l’envoi !

Dans une grande entreprise du CAC40 en 2008 : l’adjointe à la DRH est chargée d’un plan social, qu’elle mène avec zèle par engagement pour sa société. Elle essaye, car elle est humaine, de satisfaire et de conseiller tout le monde. Le plan social se termine lorsqu’elle apprend qu’elle fait également partie du plan (pas nominativement bien sûr, mais sans aucun doute non plus). La direction lui a laisser faire le sale travail sachant qu’elle était compétente (plus que la DRH en fait) tout en sachant pertinemment qu’elle éliminée ensuite. Mais cette histoire ne s’arrête pas là, deux mois plus tard après le départ de l’adjointe, c’est finalement la DRH (qui faisait doublon) qui est débarquée ! Cette personne s’en doutait depuis longtemps et cherchait du travail activement, mais ce qu’elle n’avait pas prévu c’est qu’elle partirait aussi vite… Les loups se mangent entre eux sans hésitation, même si en général une sorte de pacte de non-agression les lie.

Un avenir sans issue

La démotivation du personnel vient également du fait que l’ascenseur social est largement en panne dans nos entreprises. La crise, les contraintes financières ont fait que les bons postes sont pourvus, non pas au mérite, mais par affinité. Évidemment, cela a toujours existé, mais le fait est qu’il ne s’agit presque plus que de cela aujourd’hui. Ce phénomène est si fort que tout le monde peut le constater alors qu’autrefois cela ne se savait pas toujours. Les « amis », les bons soldats et les opportunistes, les personnes qui sont au bon endroit au bon moment sont préférées aux compétents. Le management prend ses décisions comme si les employés n’existaient pas. Leur attitude représente bien la réalité de leur idéologie. Comme les bourgeois d’autrefois qui considéraient que les vendeurs étaient une race qui n’émergeait jamais de l’autre côté du comptoir, les managers modernes, traitent les employés comme une simple « ressource » déshumanisée.

L’épuisement de la compétence

Cet état de fait est fortement démobilisant pour tous. Cela ne sert a rien de bien travailler puisque nous n’en serons jamais récompensés (sauf par chance). L’effet pervers pour l’entreprise est que la hiérarchie ne se remplit presque exclusivement que d’incapables et souvent s’effondre sur elle-même. Ceux qui ont un profil rare et qui ne sont pas promus partent. L’efficacité tant recherchée n’est finalement pas du tout atteinte.

Ceux qui restent

Comme nous l’avons vu, en dehors des loups et des moutons, il ne reste que des naïfs, des démotivés ou, des résistants. Cette dernière catégorie est intéressante. Elle est constituée d’individus qui ont compris une bonne partie des faits énoncés ci-dessus et qui, parce qu’ils refusent de se laisser démotiver, choisissent de se battre. En apparence, ils agissent comme des moutons, mais en réalité ils effectuent une grève du zèle qui bloque bien souvent l’entreprise. Car, comme l’avait montré une expérience, il y a plus de quinze ans, à la régie Renault, l’entreprise moderne ne marche que par la bonne volonté des employés. Si tous se mettent, dans une usine, à appliquer strictement les règles écrites sans créativité, l’entreprise se bloque en quelques dizaines de minutes. Oui, ces employés que l’on déshumanise, que l’on ballotte d’une fusion en une acquisition, sont en fait la seule véritable valeur de l’entreprise. Sans eux, leur motivation, leur créativité, leur sens pragmatique, tout s’arrête.

Mensonges

L’exigence internationale qu’implique la mondialisation fait que la concurrence est permanente et s’accélère même. Celui qui ne suit pas, et, autant le dire de suite, toutes les entreprises sont plus ou moins dans ce cas maintenant, est éliminé. Dans un tel contexte, comment survivre ? La réponse est à la fois simple et triste : tout le monde fait semblant d’être à la hauteur, mais tout le monde triche. Ainsi, les certifications, les initiatives zéro défaut, qualité totale peuvent virer rapidement au mensonge. L’entreprise ne peut faillir, pourtant ces engagements coûtent chers et si la concurrence ne joue pas le jeu, ceux qui ne trichent pas sont éliminés, car trop chers. Peu à peu, tous les « leaders » trichent. Dans l’épisode d’AZF, l’entreprise avait de forts engagements qualité ce qui n’a pas évité l’explosion. L’emploi massif de sous-traitants, de prestataires et d’intérimaires non formés (cela coûte cher) est également pointé du doigt. Dans ce cadre que signifie le label Qualité Totale ? Si cela ne permet pas d’éviter une explosion meurtrière, cela ne sert donc à rien. Bien entendu, si la Qualité Totale avait été réellement respectée, l’explosion n’aurait pas eu lieu.

Un lecteur me signale le cas d’un directeur qualité de sa (grande) entreprise qui était un tyran, il faisait peur au plus puissant de l’entreprise et lorsqu’il passait dans les usines mêmes les hommes pouvaient pleurer tant il savait magner l’humiliation en public. Ce personnage avait de grands discours et de grandes ambitions sur la qualité. Mais le résultat, hélas, fut que tous les employés cachaient les mauvais chiffres de peur de devoir l’affronter. Ce, du plus petit chef d’équipe au plus grand directeur. Un bel exemple de mensonge institutionnalisé. Ceci nous conduit à une perte de sens dans l’entreprise.

La culture du chiffre, les indicateurs nombreux et complexes, les entretiens annuels et personnalisés sont, lorsque bien utilisés, de bonnes armes. Le fait est qu’ils sont rarement bien utilisés. Les indicateurs sont « bricolés » pour être bons et de toute façon sont souvent trop complexes et nombreux pour être bien utilisés, les objectifs individuels et entretiens annuels sont utilisés pour terroriser, manipuler et asservir les employés. Que signifie le fait de noter dans un entretien individuel 25 objectifs complexes et dont l’employé n’a pas toujours le contrôle ? Comment interpréter que l’entretien insiste sur les objectifs non réalisés (forcément, sur les 25), passant sous silence ceux qui sont réalisés ou dépassés ?

La “culture” d’entreprise

Appeler « culture » les pratiques d’une entreprise est déjà une grossière manipulation. Si la (vraie) culture enrichit celui qui la consomme, la culture d’entreprise n’est qu’un joint de silicone artificiellement placé entre l’individu et l’entreprise. Joint s’assurant de la fidélité des employés. Elle n’enrichit que très rarement les individus, mais peut au contraire fortement les aliéner lorsqu’elle est utilisée de manière abusive.

La “culture” de l’urgent

Tout devient urgent, le dernier rapport sur les indicateurs que personne ne lira, le mail à envoyer d’urgence un vendredi soir alors que, finalement, le client ne le lira que lundi vers 10 heures, une question sans intérêt qui provoque l’appel de la direction sur un portable à 23 heures… Pire, nous sommes passé de l’urgent à l’hyper-urgent. La raison est simple, dans l’urgence permanente, l’employé ne souffle pas, n’a plus de pause, il est exploité au maximum. Il y a toujours une tâche urgente à faire et quelqu’un pour réclamer si le résultat ne vient pas…

Perte des repères et arrivée du marketing RH

La stratégie des entreprises est devenue floue. De réorganisation en réorganisation, de fusion en fusion, l’employé est ballotté d’un endroit à un autre avec comme seul espoir de ne pas être licencié. Pour les employeurs cette insécurité apparente, ou réelle, est également idéale. Le salarié démotivé se remotive en pensant qu’il pourrait être encore plus mal : c'est-à-dire chez lui, à la recherche d’un emploi qu’il ne trouvera pas de si tôt.

Parfois cette menace, n’est plus suffisante pour assurer la motivation. Il faut donc un plan B aux entreprises. Quel est-il ? Il faut que les Ressources Humaines se transforment (avec un minimum de coût pour l’entreprise) en marketing pour les employés qui restent. C’est la nouvelle mode, décrite, entre autres, dans un livre de 2004, « Le marketing des ressources humaines : attirer, motiver, fidéliser le personnel de l'entreprise » de Philippe Liger (Directeur marketing RH du groupe Accor) chez Dunod. Sauf que depuis, nous pourrions renommer le livre « Le marketing des ressources humaines : motiver le personnel de l'entreprise » puisqu’attirer n’est plus à l’ordre du jour (on licencie plutôt) et puisque fidéliser n’est pas non plus nécessaire (la peur du chômage s’en charge).

Le salarié doit être considéré comme un client à séduire, accueillir et fidéliser lorsqu’il est docile ! Les entreprises veulent mettre en place un "employer appeal", autrement dit une attractivité de l'employeur, en appliquant les règles du marketing au domaine des ressources humaines. Mais ce, à moindre coût. Ne sortira de ces initiatives que du vent.

Un chômage volontairement haut

Depuis 1980, tous les gouvernements ont eu peur du plein emploi pour des raisons diverses. Certains pensaient, de bonnes fois, que c’était dangereux et non souhaitable. D’autres savaient que leurs intérêts étaient de créer les conditions d’un chômage massif. Chômage massif qui rend docile et qui baisse le coût du travail. Si à cette stratégie, nous y associons une forte promotion du crédit à la consommation, de la famille et des taux de crédit immobilier incompréhensiblement bas, l’équation est complète. L’individu qui a une famille, des crédits à la consommation et un crédit immobilier est entièrement devenu mouton (à moins d’être fonctionnaire, mais cela aussi certains s’en occupent). Petit détail diabolique, en maintenant des taux de crédit immobilier bas et de nombreuses aides publiques, le nombre de propriétaires explose. Ceci crée une bulle immobilière (dont nous savons aujourd’hui combien elle est dangereuse) qui enrichit les spéculateurs et appauvrit les autres. Les prix augmentant, il faut toujours emprunter plus pour le même bien au fil des ans. D’une durée de 15 ans, les crédits immobiliers proposés sont passés à une durée de 20 ans, puis 25 ans et enfin 30 ans ! Et ce, alors que n’importe quelle entreprise ou gouvernement a une visibilité de 3 à 12 mois !

Pour conclure…

Finalement que reste-t-il à l’employé moderne ? Bien peu de choses. Même si le piège est bien préparé, notre humanité et ses faiblesses sont bien la cible de toutes les « délicates attentions » de nos entreprises. L’homme qui a peur se corrompt facilement et si la peur est forte, la morale et l’intégrité passent après. Nous pouvons pleurer, notre tombe est celle que nous creusons nous-mêmes un peu tous les jours.

Bien sûr, nous pouvons échapper de nous-mêmes à bons nombres de pièges : faire le moins possible de crédits, ne pas acheter notre résidence principale, partir de l’entreprise dès que notre intégrité est menacée, faire de la résistance passive, être très prudent et impliquer nos dirigeants, éviter les manipulations (Brain Storming, stages et concours pipeaux…), devenir nous-mêmes entrepreneur (et pas faux auto-entrepreneur), jouer au parfait mouton/loup dans les entretiens (même si l’on ne l’est pas du tout), ne rien attendre de l’entreprise (nous ne serons pas déçus) et faire monter au maximum les enchères lorsque nous sommes (rarement) en position de force, accepter notre condition de fusible (accepter c’est éliminer la peur dont l’entreprise est friande), ne pas faire de zèle (cela ne sert jamais), créer un cercle fort de collègues « amis ».

Rêvons un peu : si une majorité d’entre nous ne cédaient pas à la lâcheté en entreprise, le contexte, pour tous, serait très différent…

A lire également sur ce site: Cadres au travail : se soumettre ou se démettre.

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