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Le constat est alarmant. Et illustre au mieux la société de surconsommation qui est la nôtre dans les pays riches. Selon l'association Les Amis de la terre, la durée de vie actuelle des appareils électroménagers serait aujourd'hui en moyenne de 6 à 9 ans, contre 10 à 12 ans il y a une dizaine d'années, alors que, paradoxalement, les technologies n'ont de cesse de progresser.
Alors que la prévention des déchets est au cœur des Assises nationales des déchets qui se déroulent depuis ce jeudi et jusqu'à demain à Paris, l'ONG vient de rendre public un rapport intitulé «L'obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage» sur les produits électriques et électroniques.
Un travail qui, selon Les Amis de la terre, «montre que les stratégies mises en place pour réduire la durée de vie des produits augmentent considérablement le volume des déchets, mais aussi contribuent à l'épuisement des ressources naturelles».
Anne-Laure Wittmann (photo), responsable de la thématique déchets aux Amis de la terre France, revient pour libération.fr sur cette enquête et livre des propositions pour sortir de la logique commerciale en place.
Pourquoi avoir lancé une telle étude?
Depuis quelques années on entend souvent parler de réduire nos déchets, à l'instar par exemple de la campagne de l'Ademe «Réduisons nos déchets, ça déborde». Les actions sont principalement ciblées sur le consommateur en fin de chaîne. On parle aussi beaucoup des emballages mais peu des appareils électriques et électroniques, alors que tout le monde a le sentiment plus ou moins diffus que les produits sont de moins bonne qualité et durent de moins en moins longtemps. La machine à laver de grand-mère a tenu vingt ans, celle qu'on achète aujourd'hui va peut-être durer cinq-six ans.
Cette étude est-elle une première en France?
Oui. En France, l'obsolescence programmée est un concept très peu connu. C'est un sujet beaucoup plus connu dans les pays anglo-saxons, en particulier au Royaume uni.
Cette tendance à l'obsolescence des appareils répond-elle, de la part des fabricants, à une volonté de faire des économies dans la fabrication, c'est-à-dire avec des technologies moins évoluées, ou dans la qualité des matériaux utilisés dans la fabrication?
Elle répond surtout à un souci de vendre plus, parce qu'il y a eu quand même des avancées technologiques. Mais nous sommes dans une ère de consommation de masse. L'idée, c'est de vendre des grandes quantités et le plus souvent possible. Les appareils ménagers sont donc volontairement fabriqués pour durer moins longtemps
Vous voulez dire que les fabricants font volontairement fabriquer des choses plus fragiles?
Concernant la qualité, il y a eu, comme vous le savez, une délocalisation massive de la production hors d'Europe, majoritairement en Asie, pour réduire les coûts, notamment en ressources humaines. Quant à la fragilité des produits, elle résulte de matériaux de moins bonne qualité. On peut aussi réduire la durée de vie d'un produit en faisant en sorte qu'il ne soit pas démontable: par exemple quand la batterie, au lieu d'être vissée, est soudée. Dans ce cas, le réparateur ne pourra pas intervenir, car il y a un sceau qui l'engage en terme de responsabilité s'il la dessoude puis la ressoude. Ou alors parfois il est même impossible de dessouder et donc de procéder à la réparation.
Cette tendance à rendre les produits non-réparables est-elle nouvelle ou s'accélère-t-elle?
Les réparateurs de chaînes hifi que nous avons interrogés nous ont dit qu'à partir des années 90 les appareils sont devenus plus difficilement réparables. Il y a eu une baisse des prix sur le bas de gamme qui fait que les produits ne sont pas réparables ou du moins ce n'est pas rentable économiquement de les réparer par rapport au prix d'achat de neuf.
Vous avez interrogé cinq fabricants (But, Carrefour, Casino, Conforama, Darty) sur votre constat. Quelle est leur réponse et vous satisfait-elle?
Non. La plupart sont restés assez vagues dans leurs réponses. La conclusion qu'on en tire, c'est que leurs services après-vente sont des vitrines pour rassurer le consommateur et lui signifier qu'il y a une relation client et qu'ils sont joignables. Mais concrètement, les réparateurs de ces enseignes ont comme consigne de ne pas passer plus de vingt minutes chez les clients qui les appellent pour des pannes. Ils ne vont pas chercher avec application à faire le maximum de réparations possibles. Ils font le service minimum.
Vous voulez dire qu'ils sont dans la vente à outrance et pas du service au client?
Exactement. En France, on a un modèle économique par rapport à la réparation qui ne va pas. On attend des revendeurs et des distributeurs qu'ils fassent en même temps la réparation. C'est le fameux service après-vente. Il y a un côté un peu schizophrène là-dedans. Moi, si je suis revendeur, je vais essayer de vendre, de faire du chiffre.
Que préconisez-vous?
Il faut un circuit économique de la réparation qui soit plus sain. Nous sommes en train de réaliser des guides locaux de la réparation et du réemploi.
Les pouvoirs publics sont-ils au courant de la situation que vous dénoncez? Quelle est leur politique en la matière?
On dénonce le fait qu'ils aient donné carte blanche depuis une trentaine d'années aux fabricants, et qu'ils les aient laissé petit à petit diminuer la durée de garantie des produits comme une peau de chagrin. Là où avant on avait des garanties de dix ans, maintenant vous avez une mini garantie de un an. Et si vous voulez rallonger la garantie, vous devez payer en plus. C'est devenu un business. Et ces distributeurs ont mis en place leur propre service d'assurance privée. Ce n'est plus l'assurance du constructeur.
Que suggérez-vous aux pouvoirs publics qui sont censés protéger le consommateur?
On pense que les pouvoirs publics devraient imposer un rallongement de la durée de la garantie constructeur. Ils pourraient aussi davantage soutenir le secteur de la réparation. On a bien défiscalisé en partie les services d'aide à la personne. Les emplois liés à la réparation ne sont pas délocalisables, c'est de la main d'œuvre française.
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