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mardi 30 novembre 2010

Un patron « trop social »: épinglé par l'URSSAF à cause d’avances sur salaires à plusieurs salariés

A lire dans L’est Républicain.fr:

L’histoire se passe à Giromagny, dans le Territoire de Belfort. Claude Goudron, patron d’une petite PME spécialisée dans la fabrication d’échafaudages en aluminium reçoit la visite, début juillet 2010, d’un l’inspecteur de l’Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (URSSAF), Ismail Ekinci.

Le président et fondateur de l’entreprise ULTRALU qui emploie une trentaine de salariés n’a rien à craindre : sa comptabilité est transparente. Voilà pourquoi il est très surpris lorsqu’il reçoit, trois semaines plus tard, la lettre d’observations de cet inspecteur. Ce dernier écrit : « J’ai constaté que vous prêtiez de l’argent à vos salariés sans intérêt… En effet, ceux-ci vous remboursent le montant du prêt principal en fonction des capacités de chacun sur une durée plus ou moins longue. L’absence d’application d’un intérêt d’emprunt est un avantage bénéficiant au salarié. » L’inspecteur recalcule donc « l’assiette des contributions et cotisations » en incluant les intérêts des prêts et applique, au passage, une pénalité au chef d’entreprise.

Erreur grossière

« J’ai pris ça en pleine gueule » reconnaît Claude Goudron. « J’ai avancé de petites sommes à mes gars. L’un d’eux, marié et père de deux enfants en bas âge a connu une période difficile. C’est un ouvrier formidable, toujours de bonne humeur. Il était en surendettement, on allait l’expulser de son appartement, il pouvait ne plus venir travailler. Il lui fallait 3.000 € tout de suite. Je les lui ai avancés et il me rembourse 100 € par mois. »

Sans intérêt, évidemment. Sinon le patron d’ULTRALU aurait pu être poursuivi pour exercice illégal de la profession de banquier.

Claude Goudron n’aurait sans doute pas contesté ce redressement ubuesque si l’inspecteur n’avait commis une erreur grossière dans le calcul des intérêts. En effet, il applique un taux d’intérêt annuel et non mensuel dans son tableau récapitulatif. « Me réclamer 2852 € de charges sociales pour un total prêté sur 3 ans de 10.262,25 € avec un montant total d’intérêt de 5.152,84 €, c’est ahurissant », répond le chef d’entreprise le 6 août 2010 en contestant ce redressement. Il ajoute : « Plus jamais je ne viendrai au secours de l’un de mes salariés » et lorsque l’un d’eux sera en difficultés « je me permettrai de vous l’envoyer pour que vous lui expliquiez pourquoi il m’est impossible de le secourir. »

Réponse d’Ismail Ekinci le 22 septembre : je maintiens ma décision, vous pouvez saisir la Commission de recours amiable. Ce que fait Claude Goudron. Mais le 8 octobre il reçoit une mise en recouvrement avec un majoration de 270 € !

Joint au téléphone, le directeur de l’URSAFF Belfort/Montbéliard, Jean-Louis Torrigiani explique que « la procédure est respectée. La Commission des recours examinera ce dossier au cours du premier trimestre 2 011 ».

D’ici là, l’inspecteur de l’URSAFF peut aller prendre quelques cours d’arithmétique à l’école communale du coin.

Marcel GAY

samedi 27 novembre 2010

Planète finance : pas besoin de délocaliser en Inde!

A lire sur Finance-Investissement.com:

Les multinationales des technologies, dont des québécoises, sont toutes présentes en Inde. Et si la délocalisation était plus avantageuse dans notre propre cour? Pourquoi CGI ne privilégierait pas Cloridorme ou même Kuujjuaq au lieu de Bangalore?

C'est le constat que fait, à l'échelle américaine, le magazine Bloomberg BusinessWeek avec un texte intitulé « Rural Outsourcers Vs. Bangalore » (Délocalisateurs ruraux contre Bangalore).

C'est que la délocalisation de l'industrie de l'informatique change de visage aux États-Unis. Au lieu de se faire uniquement en Inde, elle se réalise désormais dans des bleds perdus d'États américains reconnus davantage pour le maïs ou le canola que la haute technologie.

Il se constitue rapidement une industrie américaine de la délocalisation, notamment sur les réserves indiennes. Une star de cette nouvelle industrie: Cayuse Technologies, de la réserve Umatilla, dans l'Oregon : 200 employés, ventes de 7,7 M$ en 2009, croissance dans les deux décimales.

Ces nouvelles entreprises offrent un avantage que n'aura jamais l'Inde : la proximité culturelle. Beaucoup d'entreprises sont mécontentes de la délocalisation dans le pays de Gandhi pour toutes sortes de raisons : problèmes de langue, de visas, de distance. Les compagnies situées en sol américain peuvent aussi mieux se conformer aux lois sur la protection des renseignements personnels.

Parce que le coût de la vie en région est peu élevé aux États-Unis, faire affaire avec un fournisseur basé en Inde revient moins cher. Autre avantage important, il est généralement plus aisé de transiger avec un partenaire qui partage votre culture.

Cela dit, la délocalisation vers l'Inde n'a pas à craindre des compétiteurs situés en région rurale. En effet, l'industrie indienne engrange 50 G$US par année, des revenus qui vont tripler d'ici 2020. Les délocalisateurs ruraux américains, eux, affichent des revenus estimés à 100M$ cette année.

Ces derniers ont toutefois des atouts, car les gouvernements, encouragés à créer ou maintenir des emplois aux États-Unis, peuvent leur accorder des contrats. De plus, les travailleurs informatiques de l'Inde, de la Russie ou de la Chine tentent actuellement d'améliorer leurs salaires et conditions de travail, ce qui influencera à la hausse les tarifs de leurs employeurs.

Certains croient qu'un jour, lorsque les salaires auront augmenté sensiblement dans le BRIC, les délocalisateurs ruraux auront un avantage indéniable sur leurs compétiteurs à l'international. Entre-temps, les délocalisateurs locaux transforment les chômeurs des anciennes aciéries ou de la construction en programmeurs informatiques, dans des formations intensives qualifiées de « boot camp ». Et il ne manque pas de candidats : un quart de la population américaine habite en région rurale.

Duluth et Thetford Mines, même combat!

jeudi 25 novembre 2010

Au chômage ? C’est la faute à la Chine !

A lire dans Le Courrier International.com:

Le chômage continue de s’accroître et inquiète les Américains. A l’approche des élections législatives, les candidats des deux camps opposés désignent à coups de pub un bouc émissaire à cette situation : la Chine, relate le New York Times.

A l’heure où tant d’Américains s’inquiètent de l’état de santé de leur économie, les candidats des deux grands partis se sont trouvé un nouvel ennemi : la Chine. Républicains et démocrates s’accusent d’avoir laissé des emplois américains filer chez leur rival. Depuis le début du mois d’octobre, au moins 29 candidats ont diffusé des messages laissant entendre que leurs opposants auraient été trop conciliants avec la Chine et que les Américains en auraient souffert.
Ces clips ne sont pas seulement remarquables par leur nombre, mais également par leur ton accusateur.
Cette avalanche de vidéos, dont le coût total devrait se chiffrer en dizaines de millions de dollars, survient alors que les responsables politiques s’efforcent de répondre à la principale préoccupation des électeurs : le chômage.
Ces campagnes sont tellement acrimonieuses et généralisées que certains s’inquiètent d’une possible montée du sentiment antichinois et de la survenue de nouvelles complications dans les relations déjà tendues entre les deux pays.
Robert Kapp, ancien président de l’US-China Business Council (USCBC), a déclaré que s’il y avait déjà eu des tensions par le passé, jamais la Chine n’avait servi de bouc émissaire aux responsables politiques américains.
“Le fait de pointer du doigt un pays sur tant de sujets alors que nous arrivons à la fin de la campagne est quelque chose de nouveau, c’est un calcul, explique-t-il. Je trouve ça lamentable. C’est dégradant.”

Tous les messages ne parlent pas de la Chine, certains mentionnent également l’Inde ou le Mexique. Dans un de ses derniers clips, la sénatrice [démocrate] Barbara Boxer accuse Carly Fiorina, ancienne responsable de Hewlett-Packard, d’avoir délocalisé des milliers d’emplois “vers Shanghai au lieu de San Jose [Californie] ou vers Bangalore au lieu de Burbank [Californie]” et de “fièrement estampiller ses produits ‘made in China’".
Ce n’est pas un hasard si les démocrates s’en prennent tout particulièrement à la Chine. Cet été, plusieurs figures démocrates, dont Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, ont incité les candidats à aborder le sujet. De fait, un sondage révélait le fort soutien des électeurs en faveur de la suppression des réductions d’impôt accordées aux entreprises présentes en Chine.
Qu’importe si personne ne s’accorde vraiment sur ce qu’est précisément une délocalisation ou sur le nombre d’emplois qui auraient pu rester aux Etats-Unis. Les démocrates citent des études de l’Economic Policy Institute (EPI), un centre de recherche marqué à gauche, selon lesquelles trois millions d’emplois auraient été délocalisés en Chine depuis 2001 en raison du déséquilibre croissant des échanges commerciaux.

Pour les républicains, ainsi que certains spécialistes, ce chiffre est très exagéré. D’après Scott Kennedy, directeur du Research Center for Chinese Politics and Business (RCCPB) à l’université de l'Indiana, la plupart des emplois créés en Chine grâce à des investissements étrangers venaient de Taïwan, de Hong Kong ou de Corée du Sud, non des Etats-Unis.
Toutefois, certains républicains se saisissent de cet argument eux aussi : ils affirment que le plan de relance de l’administration Obama a permis de créer pour deux milliards de dollars d’emplois dans le secteur des éoliennes en Chine, ce que contestent le Trésor ainsi que l’American Wind Energy Association (AWEA).
Si l’économie chinoise a légèrement ralenti récemment, elle devrait encore connaître une croissance de 10 % cette année, poursuivant sur sa lancée de trente ans de croissance à deux chiffres.

Les candidats qui jouent sur le malaise des Américains face à la Chine moderne ont largement recours à des visions dépassées, pour ne pas dire à des clichés. Ainsi, dans la nouvelle vidéo de Joe Sestak, candidat au poste de sénateur en Pennsylvanie, on entend un gong retentir et une voix off affirmer que son rival républicain, Pat Toomey, est un homme qui “se bat pour l’emploi… en Chine”.
Les conseillers des deux partis suivent les sondages et les réactions des électeurs afin d’évaluer l’efficacité de ces messages et de savoir combien de temps les diffuser. Vu les passes d’armes entre les candidats, ce thème n’est pas près de disparaître de la campagne.

Le travail inutile gangrène nos entreprises !

Je suis tombé par hasard sur un article étonnement lucide qui décrit une nouvelle tendance dans les grandes entreprises : la profusion de travail inutile et sans valeur ajoutée. Petite visite au pays du travail sans valeur ajoutée qui s’insinue dans notre vie au bureau sans que nous y prenions garde !

Au départ, les administrations étaient réputées pour avoir une grande part de paperasseries inutiles, redondantes ou qui ne servent à rien au final. Cette dérive paperassière a permis à certains d’affirmer que l’entreprise privée est certainement plus efficace que les administrations et que c’était une raison nécessaire et suffisante pour tout privatiser. Tout le monde gagnerai en efficacité. Pourtant, force est de constater que cette gangrène touche tous les secteurs, toutes les type d’activité des entreprises dès qu’elles ont une certaine taille. Les PME sont épargnées car, elle n’ont pas la possibilité de perdre du temps et de l’argent, sinon, soyez sur qu’elles le feraient ! Ainsi, des administrations et des grandes entreprises, aucune des deux n’est aujourd’hui vraiment la plus efficace. La palme de l’efficacité revient donc aux PME malgré le manque (parfois) cruel d’outils, de méthodes et de personnel bien formé qui foisonne en revanche dans les grandes entreprises. Le comble du travail inutile est que dans les grandes entreprises, non seulement la paperasse sans intérêt est abondante mais elle s’accompagne de tâches ridicules et sans valeur ajoutée. Exemples ?

Calculer une myriade d’indicateurs que personne n’utilise et qui grossit d’année en année au point d’occuper des troupes entières à les compiler. Un nouveau problème, une nouvelle dérive est constatée ? Hop, la contre-mesure de quelques managers obscures est d’ajouter un indicateur pour surveiller le problème. Souvent l’indicateur n’est choisi que parce qu’il semble bon mais sans penser à la difficulté et au temps nécessaire pour le calcul de se dernier, ni a ce qu’on en fera lorsqu’il sera calculé. Comme personne ne se préoccupe de tous ces indicateurs qui s’accumulent, personne ne s’occupe de l’obsolescence de ces derniers ni de leur redondance. La compilation de toutes ces données prend parfois plusieurs jours. Il arrive que certains oublient de le faire, puis parfois devant l’absence de réaction du destinataire, le rapport finit par disparaître définitivement. C’est l’issue la plus optimiste et la plus rare de cette course aux indicateurs. La plupart du temps, ils sont réclamés et leur absence est sévèrement reprochée au fautif. Croyez-vous que, puisqu’ils sont attendus, ces rapports sont utiles ? Souvent ce n’est pas le cas. D’abord parce que si les indicateurs étaient réellement bons et utiles, ceux qui sont coupables en cas de mauvais chiffres, ont tout intérêt à les trafiquer afin de ne pas être inquiétés. C’est le cas par exemple du taux de résolution des affaires dans les commissariats. Alors qu’une enquête sur une organisation criminelle est longue et coûteuse en temps, arrêter un SDF et le relâcher immédiatement  compte autant dans le calcul de l’indicateur ! Lorsqu’au contraire les indicateurs sont mauvais et inutiles, l’ensemble de l’activité autours de ces indicateurs est inutile ! Ainsi se construit le travail inutile dans l’entreprise.

Autre exemple classique dans les grandes entreprises. Pendant la crise nous avons tous entendu dire de la bouche des patrons “cash is king” : l’argent frai est roi. En effet, les actionnaires demandant des rentabilités fortes aux entreprises, elles doivent se focaliser sur le “cash”. Or cette course au cash est fortement génératrice de gâchis et de travails inutiles. Le cash est faible en ce moment ? Pour remédier à cette situation sévèrement surveillée par la direction des actions contre-productives sont faite : comme supprimer tous les prestataires de services. Sur le moment cela donne effectivement une bouffée de cash mais pour l’organisation du travail et les projets en cours c’est à la fois un danger et une grande perte de rendement. Surtout si la situation devient si fragile qu’il faut d’urgence reprendre tous les prestataires (du moins ceux qui sont encore libres !) quelque semaine plus tard sous peine de perdre les clients de l’entreprise ! Autre conséquence du règne du cash : les circuits de signatures sans fin. Dans les entreprises que je visite, je vois parfois jusqu’à trente signatures pour une simple demande d’achat de 1000€. Imaginez quelle est la valeur ajoutée de tout ce circuit ou la très grande majorité des signataires ne sont que des gratte-papier dans cette opération. De quelle efficacité parlons-nous si l’un des derniers signataires finalement refuse de signer ? Nous sommes précisément dans le monde du travail inutile.

Nous ne citerons pas les nombreux autres exemples que tout le monde connaît : réunions sans but ni résultat. Réunions sans compte rendu et plan d’action. Plan d’action non suivis qui, de fait, ne servent a rien. Réunions d’équipes qui durent parfois jusqu’a 4 heures et qui mobilisent une quinzaine de personnes. Réunions de projection de PowerPoint sans intérêts et dont chaque planche est écrite en police 8pt. Organigrammes d’une hauteur vertigineuse qui ne sont créés que pour surélever et rendre artificiellement plus puissants ceux qui ont injectés des couches hiérarchiques sous eux.

Oui, l’auteur du site www.lifestyleignition.com a vu juste : “Le travail inutile est un cancer. Le travail inutile tue”. Comme disait Albert Camus : “Il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir”. Je vous laisse découvrir ce petit article que j’ai eu grand plaisir à traduire tant il est caricatural de la situation des grandes entreprises modernes.

Le travail inutile s'est insinué dans votre bureau et dans les tous les recoins de votre activité. Et il détruit l'Amérique ! (NDLT: et la France !)

Travail Inutile (TI): Un projet ou une tâche qui maintient une ou plusieurs personnes occupée mais qui n'a pas de valeur ajoutée. Il sert à maintenir l'illusion vivante qu'il y a encore quelque chose de productif en cours de réalisation.

Le travail en bureaux paysagers a rendu le TI célèbre. Votre entreprise a fait du travail inutile une partie intégrante des activités de la journée quotidienne de travail. Nous en rions parce que c'est drôle. Nous en rions parce que c'est vrai.

Et nous l'acceptons. "Travailler pour l'amour du travail".

Parfois, nous savons que nous faisons du TI. Parfois, le TI est idéalement déguisé. D'autres fois, nous ne voulons pas savoir que nous en faisons. Il peut même être rassurant d'avoir des montagnes de travail inutile, des projets inutiles, et les tâches inutiles parce qu'alors nous nous sentons plus en sécurité. Votre première réaction pourrait être : Mais de quoi, bon sang, parle-t-il ?! Je ne fais pas de travaux inutiles ! Vous pouvez même faire du travail inutile en le sachant et vous sentir à l’aise avec cela. Vous êtes payés pour à la fin du mois. Le Travail Inutile fait partit de l’ADN des processus des grandes entreprises.

Combien de fois avez-vous été chargé d'une tâche ou d’un projet et vous avez pensé:

Comment cela peut-il encore être productif ?

Est-ce que c’est vraiment ce qu'ils veulent me voir faire?

Quel est le but de tout cela?

Je ne peux pas croire à quel point c'est inefficace! Il doit y avoir une meilleure méthode.

Les travaux inutiles rendent les cadres brillants en apparence, car il semble que leurs subalternes sont occupés et occupés avec des projets importants qui apporte une valeur ajoutée. Il donne une bonne image des employés, car il semble que quelque chose de substantiel est en train d’être accompli. Cependant, le travail inutile ne fait rien d’autre que de pomper l'argent, les ressources et le temps d'une organisation. Combien des 40, 60 ou 80 heures de la semaine de travail sont dédié à un travail efficace ? Avec tous les "importantes" réunions, conférences téléphoniques, les flots d’e-mail sans fin, et les messageries vocales, il peut être difficile de faire la distinction entre le travail réel et travail fictif. Bien souvent, le travail fictif et le vrai travail se ressemble. Vous pourriez même ne pas reconnaître que votre travail est inutile et n’en vaut pas la peine. Vous assumez qu’il y a un but à votre travail, mais vous ne savez pas lequel. Vous ignorez que votre travail n’a aucune valeur. Tout le monde dans la hiérarchie de l'entreprise qu'ils en soient conscients ou non est impliquée d'une certaine façon dans la l’engrenage du travail inutile.

De usines de travail inutile à travers le monde “pondent” rapports préliminaires sur rapports préliminaires que personne ne verra. Les gens assistent à des réunions inutiles et sans programme clair dont le seul aboutissement est généralement la programmation d'autres réunions. Des projets sans fin sont commencé sans une vision claire ou un plan de mise en œuvre. Et la fin de ce processus infernal n’est pas visible.

Le travail inutile est un cancer qui n’a pas  de traitement connu.

mardi 23 novembre 2010

Dans les plantations de thé, les pesticides tuent

A lire sur Et voila le travail !

La Fédération internationale des travailleurs de l’agriculture (UITA) a présenté début octobre les conclusions d’une enquête menée à la suite du décès de trois travailleurs d’une plantation de thé de l’Etat de Assam, au nord-est de l’Inde.

Dans son rapport, intitulé In Cold Blood : Death by Poison, Death by Bullets, le syndicat dénonce les conditions de travail et la violation des droits humains et sociaux des travailleurs d’une plantation de thé appartenant au célèbre conglomérat indien Tata, qui commercialise son thé sous la marque Tetley. L’enquête syndicale a été menée à la suite de la mort le 28 mai dernier d’un travailleur de 25 ans, Gopal Tanti, survenue alors qu’il répandait des pesticides dans la plantation. Ce décès avait provoqué un mouvement de protestation spontané des travailleurs, immédiatement réprimé par la police. L’intervention des forces de l’ordre avait conduit à la mort par balle de deux autres travailleurs.

En matière de santé et de sécurité au travail, l’enquête de l’IUTA a mis en lumière l’absence totale de mesures de prévention des risques. Les travailleurs chargés d’asperger des produits toxiques sur les plantations ne sont équipés ni de masque, ni de gants, ni de vêtements de protection. Lorsque Gopal Tanti est tombé inconscient, il ne portait qu’un short, un t-shirt et des sandales en caoutchouc. L’enquête a permis d’établir que cela faisait 75 jours d’affilée que la victime consacrait de 8 à 12 heures par jour à l’épandage de pesticides. Selon le père du jeune homme, à aucun moment son employeur ne lui a fourni d’équipement de protection. Lorsque Gopla Tanti s’est effondré, le contremaître a interdit à ses collègues de lui porter secours, révèle le rapport. Ce n’est qu’une heure plus tard qu’un membre de la direction s’est inquiété de l’état de santé de la victime, alors que celle-ci était déjà mort.

Lire le rapport (en anglais)

lundi 22 novembre 2010

Le grand malaise des classes moyennes

A lire dans Le Parisien:

Une enquête de l'IFOP sur les classes moyennes met en lumière leurs attentes, mais aussi une vraie peur de l'avenir. Bousculées par la crise, elles pourraient arbitrer les échéances électorales de 2012.

Un Français sur deux estime en faire partie. Entre les cités HLM et les quartiers chics, à mi-chemin de l’ouvrier et du notable, la classe moyenne, ce sont ces millions d’employés, de cadres, de commerçants, de fonctionnaires qui travaillent pour s’offrir un pavillon, mettre leurs enfants dans une bonne école et partir en vacances en famille.

A quoi rêvent ces classes moyennes, c’est justement le thème du colloque organisé aujourd’hui par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol).

A cette occasion, l’IFOP a réalisé une vaste étude sur ces classes moyennes. Une plongée dans l’univers de ce que l’on appelait autrefois la petite bourgeoisie. Tout n’y est pas noir, loin de là. La majorité considère gagner correctement sa vie avec un revenu moyen oscillant entre 2317 € et 5274 € par mois et par foyer. Car, il n’y a pas une, mais des classes moyennes. Et « elles ne vivent pas dans le même monde », souligne Dominique Reynié, directeur général de Fondapol.
Mais les membres des classes moyennes ont un point commun. Ils sont inquiets. S’ils mènent une vie plus confortable que celle de leurs parents, la crise a fait voler en éclats leur espoir d’ascension sociale. Désormais, l’avenir leur fait peur. Peur du déclassement social, du chômage, de l’immigration, de la mondialisation et de son cortège de délocalisation.
Une catégorie qui s’estime oubliée du système de solidarité
Le malaise est palpable. Se défiant des institutions, se vivant comme les oubliés du système de solidarité, sceptiques sur la capacité de l’Etat à répondre à leurs inquiétudes, les classes moyennes ont le moral en berne. Elles voudraient à toute force préserver leur accès à la propriété, aux soins, à l’éducation et qu’on les rassure sur l’avenir de leurs enfants. A défaut, l’angoisse d’une partie des classes moyennes pourrait venir nourrir le vote des extrêmes. L’un des enjeux de l’élection présidentielle de 2012 est là.

dimanche 21 novembre 2010

Les ingénieurs, le nécessaire retour

Dans la série des articles sur les ingénieurs comme “Les ingénieurs frappés par la Crise économique” ou “On achève bien des ingénieurs” ou “Entreprises: facile d’être mis au placard, dur d’en sortir” et enfin “Un ingénieur Japonais meurt de surmenage”, je vous recommande cet article du journal Le Monde:

Grandeur et décadence des ingénieurs. Après les avoir négligés, sinon méprisés, ne faudrait-il pas enfin s'inquiéter de la quasi disparition des ingénieurs dans les directions générales des entreprises, comme de la haute administration ? La désindustrialisation de la France, n'aurait-elle pas un lien avec la transformation de nos grandes écoles d'ingénieurs ?

Depuis le début des années 1970, le pouvoir est allé aux MBA, aux financiers, aux juristes, aux anciens élèves de l'ENA. Or, ils ont comme caractéristiques communes de mal connaître les métiers des entreprises ou des administrations qu'ils dirigent. Non seulement ils ignorent les enjeux de la recherche mais aussi, à quelques exceptions, la complexité des processus industriels ou de la technique des secteurs qu'ils sont censés gérer ou réglementer. Aussi, les brillants élèves de nos grandes écoles d'ingénieurs comprennent vite là où il ne faut pas aller ! A quoi bon des études scientifiques difficiles qui ne seront pas valorisées ? Ainsi, les plus prestigieuses d'entre elles voient leurs jeunes diplômés choisir d'autres domaines ou d'autres fonctions que ceux pour lesquels ils ont été sélectionnés : la finance oui, la mécanique, l'électronique, le génie civil, l'informatique non. Sur les 25 000 ingénieurs que produit annuellement notre système éducatif, la tête est perdue pour la technologie et l'innovation. Pourtant, qui crée la richesse ? Des ingénieurs comme Bill Gates ou Steve Jobs, ou les traders des salles de marché ?

Jamais nous n'avons autant parlé de désindustrialisation. Jamais les pertes d'emplois industriels n'ont été aussi fortes. Nos hommes politiques se désolent de l'état de nos PME à l'exportation ainsi que de leur faible nombre ; certes elles sont l'objet des attentions des pouvoirs publics, mais tout d'abord cela ne suffit pas et, à l'expérience, on peut se demander si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Il n'y a pas d'industrialisation sans ingénieur, Marcel Dassault ou Francis Bouygues n'étaient pas des financiers, mais d'abord des hommes de la technique et de l'innovation, des organisateurs d'équipes. Même s'ils ont l'un et l'autre gagnés beaucoup d'argent, cela n'a rien à voir avec les champions du mécano financier, les yeux rivés sur le dividende des actionnaires et le cours de bourse pour leurs stock-options. Pour eux, les employés ne sont pas des être humains mais des gains de productivité potentiels, quant à l'attachement au territoire, il est nul. D'où les délocalisations, et la désindustrialisation.

Il est choquant pour un ingénieur de qualifier cette crise de "systémique" alors que les règles les plus élémentaires de cette systémique ont été piétinées par les banquiers et les autorités financières avec la complicité au moins tacite de gouvernements qui n'ont rien vu venir.

A l'aube de la révolution industrielle, les facteurs essentiels de l'industrialisation ont été l'hybridation des connaissances scientifiques et des savoir-faire de l'artisan. Puis la révolution française a accéléré le mouvement, avec la création de l'école Polytechnique, toujours la référence de nos grandes écoles, mais aussi premier endroit au monde, bien avant les universités allemandes, où sont venus enseigner des "savants". Dès lors le modèle de formation des ingénieurs "à la française" est établi. Ils vont jouer pendant deux siècles un rôle central dans l'industrialisation du pays.

La fonction des ingénieurs consiste à utiliser les connaissances scientifiques disponibles pour fabriquer des produits/services de qualité au meilleur coût, en mettant tout le monde au travail. La nécessaire maîtrise des connaissances scientifiques et techniques doit donc être complétée par une capacité à organiser le travail et à valoriser les hommes par l'exemple. De surcroît on sait aujourd'hui que les pays où la durée de vie professionnelle est la plus longue sont ceux où les personnes ont pu acquérir une formation longue (plus de six mois) entre 35 et 45 ans, d'où l'importance de la formation tout au long de la vie, comme celle dispensée au Conservatoire national des arts et métiers.

Les enjeux de l'humanité ne manquent pas, la France doit y contribuer. Pour faire vivre 9 milliards d'habitants sans asphyxier la planète, les problèmes vont être immenses. La façon de les aborder ne pourra pas être qu'idéologique. Or la complexité est aujourd'hui dans les objets de la vie courante, elle est donc aussi dans les projets d'entreprise et leurs organisations. C'est tout aussi compliqué de faire aussi beau et simple à l'usage, que de fabriquer des avions modernes ou des téléphones portables. Les Français sont excellents dans certains domaines, pourquoi pas dans tous, à commencer par l'informatique mobile ? Il appartient aux ingénieurs français de redonner confiance dans la capacité de notre pays à résoudre ces problèmes. Le Viaduc de Millau, Ariane ou l'Airbus A380 sont des exemples, il faut les généraliser.

Les pays émergents ont fait le choix de miser sur leur jeunesse, en créant des formations scientifiques, et plus particulièrement les formations d'ingénieurs. Ce qui a pris 150 ans en occident se fera chez eux en quelques décennies. Il suffit de voir, par exemple, comme la ville chinoise se transforme ; or le besoin en énergie de ce pays pour satisfaire la demande légitime de sa population, est de 300 centrales nucléaires. Pour l'instant, ils utilisent le charbon et ouvrent tous les quatre jours une nouvelle centrale thermique ! Plus de la moitié des doctorats américains dans les domaines scientifiques sont obtenus par des étudiants étrangers, asiatiques pour la plupart. Certes certains restent en Amérique du nord mais la majorité retournent chez eux, créent des écoles, ouvrent des laboratoires de recherche, accompagnent des entreprises.

Les efforts français en matière de recherche et les suites du grand emprunt sont prometteuses, mais il ne me semble pas encore que la classe politique ait pris toute la mesure du problème et ait compris qu'il faut revaloriser les formations scientifiques et techniques. C'est une urgence nationale et une condition de survie pour les emplois de notre jeunesse.

Jacques Printz, professeur émérite du Conservatoire national des arts et métiers

samedi 20 novembre 2010

Deux rapports accablent l’usine du monde Foxconn

A Lire dans Le Temps.

Fournisseur des plus grandes multinationales de l’électronique (Apple, Dell, Nokia, Sony…), le géant taïwanais Foxconn a-t-il transformé ses usines chinoises en «camps de concentration de travailleurs du XXIe siècle»? C’est l’une des conclusions d’une étude menée par des universitaires et des étudiants chinois, hongkongais et taïwanais qui fait grand bruit ces jours-ci.

Mardi, un second rapport, mené par le Student and Scholars against Corporate Misbehavior (Sacom), une ONG hong kongaise, dénonçait les conditions de travail «illégales et contraires à l’éthique» dans un rapport intitulé «Les travailleurs machines: la gestion militaire de Foxconn».

En juin dernier, Steve Jobs, le patron d’Apple, avait pris la défense de Terry Gou en qualifiant l’usine de Shenzhen d’endroit «plutôt chouette». Depuis lors, les clients de Foxconn s’inquiètent des répercussions d’image et rappellent qu’il existe un code de conduite pour l’industrie électronique. Apple a admis que l’emploi excessif de stagiaires était une violation des principes régissant le secteur.

Foxconn, ce seront bientôt 1,3 million d’employés chinois dans divers sites de production dont plus d’un demi-million dans la base industrielle de Shenzhen, au coeur de l’«usine du monde». C’est surtout une organisation très particulière du travail mise en place par son patron, Terry Gou, qui a permis de réduire au maximum les coûts de production. Inconnu du grand public jusqu’en juin dernier, le groupe taïwanais s’est soudain rendu célèbre par une multiplication de suicides (17 depuis le début de l’année).

Pression psychologique

La direction du groupe a réagi, tardivement, en promettant des hausses de salaire (jusqu’à 70%) et un soutien psychologique à ses travailleurs qui accumulent les heures supplémentaires, tout en laissant entendre que ces suicides seraient dus à des échecs sentimentaux. Les deux études menées dans plusieurs usines et se basant sur des centaines d’interviews avec des ouvriers décrivent une tout autre réalité: si les jeunes employés mettent fin à leur jour c’est essentiellement dû à des surdoses de travail, une discipline de fer et une culture du travail qui crée de très fortes pressions psychologiques. Evaluations permanentes, bonus et déductions salariales, atomisation des travailleurs, humiliations publiques, culte du patron et mise en compétition permanente de l’ensemble des employés mènent au désespoir des plus fragiles.

L’enquête de Sacom indique par ailleurs que les promesses de hausses salariales n’ont toujours pas été tenues et que les heures supplémentaires (plus de 80 heures par mois par employé en moyenne) dépassent largement les quotas autorisés, contrairement à ce qu’affirme le groupe. Celui-ci est par ailleurs accusé de recruter des étudiants stagiaires (représentant jusqu’à 40% des employés) qui seraient sous-payés et ne bénéficiant pas des mêmes avantages sociaux que les travailleurs réguliers.

Foxconn a répliqué lundi par un communiqué de presse expliquant qu’il respectait en tout point la réglementation chinoise sur les conditions de travail. Le groupe précise que les augmentations de salaires entrent en vigueur en ce début octobre et dément les chiffres sur les heures de travail supplémentaires et l’emploi de stagiaires.

«Les limites et les trous dans les lois et règlements chinois offrent clairement un avantage aux entreprises», explique Lin Xinqi, professeur à l’Université du peuple de Pékin cité dans le Global Times. Reste ce constat: les candidats se pressent toujours pour trouver un emploi chez Foxconn.

Rue89: L’experte de la souffrance au travail “discriminée” puis virée

L’article est disponible ici.

Créatrice de la première consultation sur la souffrance au travail, Marie Pezé est victime de tensions liées à son handicap.

Avec son livre « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés », la psychologue Marie Pezé a contribué à rendre public le problème de la souffrance au travail.

C'est du passé : sa consultation est condamnée depuis qu'elle a reçu, mardi, une lettre de licenciement après des années de bras de fer avec la direction de l'hôpital qui l'employait.

Son histoire est d'une ironie confondante : alors qu'elle reçoit des salariés en souffrance au Centre d'accueil et de soins hospitaliers (Cash) de Nanterre (Hauts-de-Seine), Marie Pezé est licenciée après avoir tenté, en vain, d'obtenir des aménagements de son poste de travail, qui la faisait souffrir.

Psychanalyste et docteur en psychologie, Marie Pezé a créé sa consultation, la première de France, en 1997. Elle est handicapée à 80%, un handicap physique qu'elle nous demande de ne pas évoquer. « La première fiche de la médecine du travail date de 1999 », raconte-t-elle. « Il y en a eu trois au total. A chaque fois, mon cas s'était aggravé. »

L'hôpital ne réalise pas les aménagements demandés

Voici par exemple ce que préconise en 2003 un médecin du travail qui la déclare « apte sur poste aménagé » :

  • « pas de port de charges,
  • aide à la gestion des dossiers, courriers et photocopies,
  • déplacements limités : aide, vestiaire à proximité,
  • pas de gestes fins et répétés : dictaphone pour courrier, utilisation d'oreillette téléphonique,
  • secrétariat aidant. »

Mais la direction du Cash n'effectue pas les aménagements demandés par la médecine du travail pour ce poste à mi-temps. Marie Pezé est souvent en arrêt maladie. Quand elle exerce -sa consultation accueille 900 patients par an, dont un tiers travaillent dans le même hôpital qu'elle-, ses patients la voient répondre au téléphone, faire des photocopies, porter des dossiers…

Outre ses patients, des magistrats, des médecins du travail ou des psychologues constatent aussi ses conditions d'exercice : pour obtenir le certificat de spécialisation en psychopathologie du travail, dont Marie Pezé est responsable pédagogique, ils assistent à ses consultations.

Des journalistes et des parlementaires la sollicitent

Des élus, des documentaristes ou des personnalités diverses, intéressés par les pathologies que la psychologue a contribué à mettre en lumière, viennent aussi, avec l'accord des patients.

L'automne dernier, le journaliste Jean-Robert Vialet l'interroge dans sa très belle série documentaire sur France 2, « La Mise à mort du travail », qui obtient le prix Albert-Londres 2010. Les députés UMP auditionnent Marie Pezé dans une commission parlementaire et l'interrogent pour leur site Lasouffranceautravail.fr. (Voir la vidéo)

Mais au Cash, seuls les médecins ont droit à un secrétariat et à une imprimante dans leur bureau. Marie Pezé, malgré son handicap, doit aller au bout du couloir, et porter ses dossiers elle-même : quoique docteur, elle n'est pas médecin.

Début 2009, une psychologue du travail qui recevait les employés de l'hôpital (1 500 fonctionnaires, médecins et contractuels) s'en va. Elle n'est pas remplacée avant 18 mois.

« Depuis son départ, j'ai récupéré les salariés qu'elle prenait en charge », raconte Marie Pezé.

Le Cash doit faire des économies

Le 7 avril 2010, elle écrit au directeur de l'hôpital pour, une fois de plus, lui « faire mesurer la nécessité de recruter rapidement un psychologue du travail en remplacement » de la précédente. Deux pages de rappel à la loi et de détails, dont ceux-ci :

« Les agents du Cash sont, du fait même de la population prise en charge par l'institution, confrontés à des situations de violence qu'il ne faut pas banaliser : incendies avec morts, crimes, tentatives de meurtre, viols, coups et blessures, injures, insultes, provocations, incivilités… »

Le directeur, nommé un an plus tôt avec mission de faire des économies, répond le jour-même :

« Madame,
Vous avez oublié parmi les destinataires le premier président de la Cour des comptes. Cette noble institution pense qu'il y a aussi des efforts à faire dans les hôpitaux en matière de gestion. »

Marie Pezé n'est donc pas la seule à souffrir des restrictions budgétaires.

Le 16 juin 2010, un médecin du travail la déclare « inapte définitive ». « Inapte à mon poste, pas à mon travail », dit la psychologue.

« Je faisais le même tableau clinique que mes patients »

La direction du Cash ne communique pas sur le licenciement de Marie Pezé. C'est l'avocate de l'hôpital, Me Anne-Françoise Abecassis, qui s'en charge :

« Mme Pezé a été licenciée en raison d'une inaptitude physique constatée par le médecin du travail. Elle ne souhaitait pas être reclassée. Au contraire, elle a clairement exprimé qu'elle attendait ce licenciement. Les écrits en témoignent. »

Pour des raisons juridiques, Marie Pezé refuse de commenter les propos de l'avocate. Simple réponse :

« Je faisais le même tableau clinique que mes patients. »

A propos des demandes d'aménagement du poste de travail de Marie Pezé, que l'hôpital était légalement dans l'obligation d'effectuer, l'avocate botte en touche :

« Je ne connais pas l'historique de ce dossier, j'en ai été saisie très récemment. Mais elle a refusé un autre bureau, car elle voulait un environnement très immédiatement médicalisé. »

Marie Pezé répond qu'elle reçoit des patients « qui font des poussées d'hypertension et des malaises ».

La direction : « C'est une perte pour l'établissement »

Ils iront désormais les faire ailleurs, puisque Me Abecassis confirme que la consultation de Marie Pezé, qui a la particularité d'être psychologue clinicienne, sera supprimée :

« Mais tout le monde s'accorde à dire que c'est une perte pour l'établissement. »

L'avocate rappelle que la psychologue « a exprimé qu'elle est très fatiguée physiquement, psychiquement » et ajoute, énigmatique, qu'elle n'a pas envie d'en dire plus que ce que Marie Pezé dit elle-même sur son état.

La psychologue, renvoyée à un an et demi de la retraite, perd du même coup tous les emplois afférents : ses fonctions de responsable pédagogique, d'experte devant les tribunaux, et d'enseignante à l'université.

Elle s'apprête à déposer plainte contre l'hôpital. Ses avocats réfléchissent au motif : « Harcèlement » ? « Discrimination au handicap » ?

Voir également nos articles sur : Stress au travail, Bilan, Quand le travail use…, et aussi : La fin des ingénieurs, et Deux loi et un principe pour décrire le Management.

jeudi 18 novembre 2010

L'incroyable maquis des 697 comités Théodule

A lire sur le Figaro:

Alors que les administrations sont soumises à la rigueur, ces structures aux missions parfois cocasses coûtent près de 25 millions d'euros.

«Pour enterrer un problème, nommez une commission», disait déjà Clemenceau. Depuis, les gouvernements ont, au gré de l'actualité, créé de nouveaux comités Théodule sans jamais ou presque… en supprimer. En 2010, on en compte pas moins de 697 et encore, c'est sans compter avec les quelque 600 opérateurs de l'État -entendez la Halde, l'Hadopi ou l'organisme des appellations d'origine contrôlées!

Un véritable maquis, que l'on déchiffre à grand-peine dans les annexes du projet de loi de finances 2011 (PLF) que les députés examinent cette semaine. Les données sont spartiates. Une liste de noms, parfois cocasses, souvent ronflants: beaucoup de hauts comités ou de commissions supérieures, avec pour seules indications de performance, un budget et le nombre de réunions tenues. Tandis que les administrations sont soumises à une cure d'austérité, «Avons-nous réellement besoin de 700 comités dont ne savons rien?» s'emporte le député UMP Richard Mallié, questeur à l'Assemblée, parti en croisade cette année contre «ce mal français» et la «gabegie» qu'il pressent.

La liste tient de l'inventaire à la Prévert. Il y a ce Comité de la prévention et de la précaution (on n'est jamais trop prudent), qui affiche un budget de 80.000 euros en 2009, pour dix réunions. Plus exotique, le Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens se réunit, lui, tous les deux ans. Il compte 38 membres et coûte 150.000 euros. On découvre également, entre le Comité des finances locales, la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibiers ou le Comité stratégique du calcul intensif… le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels maritimes et du bien-être des gens de la mer, ou encore la Commission spécialisée de terminologie et de néologie en matière juridique (chargée d'enrichir la langue française).

Ces structures se sont multipliées d'autant plus facilement qu'elles semblent peu coûteuses. Leurs membres sont généralement bénévoles et les réunions sont abritées dans les ministères. Mais cette apparente gratuité «ne tient pas compte des frais réels d'organisation, de secrétariat, de mise à disposition de fonctionnaires et de frais de déplacement», souligne Lionel Tardy, député UMP de Haute-Savoie. Par ailleurs, d'autres voient leurs budgets croître, sans que l'on sache très bien pourquoi. Au total, si l'on additionne les montants présentés sur les documents du PLF, ces comités représentent près de 25 millions d'euros. Un chiffre approximatif, car ces structures sont souvent trop petites pour tenir une véritable comptabilité. «Beaucoup ignorent leurs véritables dépenses», explique Richard Mallié. Quant aux ministères, ils se montrent «peu pressés de répondre aux questions des parlementaires», raille le questeur qui a envoyé, en vain, des dizaines de questions écrites sur la «taille des locaux, la mission, le nombre de fonctionnaires».

Lobbying

À l'opacité budgétaire, s'ajoute celle des missions. Certains ministères regorgent de comités dont on peine à distinguer les différences: quatre structures sont chargées du nucléaire, de l'éducation, deux pour la statistique publique, deux pour la navigation de plaisance… Le Conseil d'analyse de la société «fait des rapports sur les mêmes sujets que le Crédoc», détaille Richard Mallié. Le Conseil d'analyse économique se penche lui sur des sujets passionnants… mais, semble-t-il, déjà étudiés par le Conseil économique et social ou le Conseil d'orientation pour l'emploi. Ce dernier coûtait en 2008 810.000 euros «pour trois rapports, trois avis depuis sa création et l'organisation d'un colloque», martèle Lionel Tardy. Cette charge a, semble-t-il, conduit à une réduction du budget en 2009.

Régulièrement, des députés bataillent contre la prolifération des commissions. En 2006, le gouvernement avait lui-même décidé de toiletter ce maquis. Par décret, il avait imposé à ces comités de se «recréer» d'ici à 2009, cette fois pour cinq ans. Ceux qui n'avaient pas justifié leur existence auraient dû disparaître dans ce grand ménage. Mais le big bang n'a pas eu lieu. La plupart des députés ignorent jusqu'à l'existence de ce décret. Seuls 225 comités ont été supprimés à cette occasion. D'autres perdurent… en toute illégalité. Sans que le gouvernement ne s'en préoccupe franchement.

Car dissoudre un comité est une source d'ennuis. On se met à dos ceux que l'on espérait se concilier. Et puis nombre de comités sont fort utiles. Ils servent de groupe de travail pour l'administration, de lieux de consultation paritaire. Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale réunit tous les représentants pour définir les statuts, les grilles, les évolutions. Les commissions ouvrent des espaces de discussions. Elles servent aussi au lobbying. Des secteurs entiers y plaident leurs dossiers. Pour l'administration, comme pour le gouvernement, c'est parfois une façon de déléguer les décisions. Ainsi quand le Conseil d'orientation des retraites remet un rapport alarmant sur les déficits à venir, il contribue à asseoir l'idée d'une réforme inéluctable. Mais lorsque certaines instances semblent faire obstacle à la volonté politique du moment… forte est la tentation de créer une autre commission!

mardi 16 novembre 2010

Cette année le père Noël est déjà passé !

François Fillon à l’Assemblée nationale ce mardi a donné l’essentiel de sa feuille de route. Autant dire tout de suite que le père Noël est passé le mardi 16 novembre cette année ! Joyeux Noel à tous ! Ce soir, Nicolas Sarkozy a voulu reprendre la main et s’est félicité des résultats déjà obtenus. Du grand art.

D’après le nouvel-ancien premier ministre, qui grille la politesse et la priorité au président, la feuille de route sera la suivante : Endettement, Chômage, Injustice, Insécurité. Comme je l’avais annoncé (un remaniement en trompe l’œil), si Fillon a accepté un renouvellement de mandat alors que cela lui est assez peu profitable pour son avenir, c’est bien parce qu’il reprendra du service dans des conditions bien meilleures que lors de la première partie de son mandat. Maintenant, il ne se laisse plus manipulé par le président, il décide de lui-même de ce qu’il communique et de quand il communique. Le président en sort amoindri.

D’ailleurs, ce mardi soir, à la télévision, Sarkozy a fait des efforts pour paraître plus modeste, moins bling-bling. Nous avons eu droit a une copie de “La force tranquille” de Mitterrand. Il parlait d’un ton bas, chuchotant presque, tout en justifiant calmement et point par point son bilan : retraites, économie, économie, impôts, ISF, bouclier fiscal, sécurité, identité nationale, ROMs, surveillance des journalistes, super-avion présidentiel… En revanche presque rien sur la crise qui n’en finit plus. Trois petites minutes seulement sur le chômage et des solutions à ce fléau éculées.

Sa défense a été souvent insuffisante comme lorsqu’il parle de l’écoute des journalistes : d’après lui, il n’est pas raisonnable qu’un président se préoccupe “des portables perdus… ou volés” par des journalistes. D’après lui, il n’est pas non plus nécessaire d’espionner les journalistes, car “il suffit de lire la presse pour savoir ce qu’ils pensent le lendemain…”. Un peu court tout de même, car tout le monde sait que les écoutes illégales des journalistes n’avaient évidemment pas pour but de savoir ce qu’ils pensent, mais de connaître les noms de leurs sources ! Quant à l’allusion que les journalistes auraient éventuellement perdu leurs portables alors qu’ils ont été volés. Perdu et volé, vous voyez bien que ce n’est pas le même mot tout de même ! Insinuer que, si cela se trouve, les-dit journalistes auraient perdu leurs portables tiens vraiment de la manipulation grossière. Sur le plateau de télévision, aucun journaliste ne relève.

Autre exemple concernant le coûteux avion présidentiel, Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à nous expliquer, tout en douceur, que le personnel navigant d’un gros avion coutait moins cher que celui des deux anciens avions réunis. Comme si les deux avions volaient systématiquement ensemble ! Quand bien même ce serait le cas, il suffirait, pour faire des économies, d’emmener moins de personnes lors des déplacements présidentiels ! Les Français doivent se serrer la ceinture, mais pas le gouvernement… Quant au fait qu’un gros avion coute moins chers que deux, nous savons bien que, dans ce cas précis, c’est faux.

Autre exemple : les Allemands auraient supprimé leur bouclier fiscal affirme le président, pourtant tout le monde sait bien que l’Allemagne n’en a jamais eu ! Cela serait bien que le président se renouvelle, car l’entendre répéter inlassablement les mêmes idées fausses devient lassant. Sur le plateau de télévision, tous les journalistes savent que c’est faux mais aucun journaliste ne relève. Ce sujet permet au président de préparer l’opinion à l’énorme cadeau fiscal (3,6 milliards) fait aux riches, que représente la suppression annoncée ce soir du bouclier fiscal ET de l’ISF. J’en avais déjà parlé dans cet article : Arnaque en cours : Bouclier fiscal publié dans Marianne2. Cette fois nous y sommes !

Dernier exemple lié au précédent : le président indique que les impôts n’augmenteront pas malgré les déficits publics énormes. Comme les journalistes feignent de s’étonner de cette annonce, le président indique que la France a déjà le plus fort taux d’imposition (de quoi d’ailleurs ?) et qu’il serait contre-productif de faire payer plus de 50 % d’impôts à des contribuables. Évidemment, tout cela est faux. La vérité est que le bouclier fiscal s’applique avant la déduction des niches fiscales. Ainsi, de nombreux riches contribuables ne paieraient que 30 % d’impôts. Cette astuce permet d’ailleurs à 7076 contribuables (en 2007) disposant d’un revenu de 97 500 euros (plus de 9 ans de SMIC) de ne pas payer d’impôt ! Parmi ces 7076 riches contribuables, 671 ont économisé 231 000 euros (plus de 20 ans de SMIC économisés par année d’imposition !) par foyer en moyenne. Le bouclier fiscal a bénéficié à 14 000 foyers ont reçu en 2008 un chèque de 33 000 euros en moyenne (soit plus de 2 ans de SMIC). Les 13 riches foyers fiscaux (parmi les 7076) les plus malins ont réussi à ramener leur revenu imposable à 3763 euros et ne payent donc pas d’impôt ! Plus généralement sur les 10 000 plus riches contribuables de 2007, 150 n’ont pas payé d’impôt. Alors, dans notre pays le seuil des 50 % est très, très loin pour certaines personnes riches…

La combativité n’était pas absente, même si présentée de manière bien plus modeste que d’habitude : point par point, il attaque les socialistes sur les retraites, l’appel à la grève des étudiants, les écoutes téléphoniques. Il a ainsi pris a parti les journalistes : le déficit public date de 1972 et ne peut pas lui être imputé. Pourtant, il oublie que, durant sa présidence, celui-ci a explosé. Depuis 2002, il a augmenté de 25.000 euros par ménage ! Les cadeaux fiscaux aux riches et à certains électeurs ont coutés chers à la France. Le blog économique et social dénonçait déjà cela en 2009 dans l’article “dépensons sans compter”.

Ne nous trompons pas. Il ne s’agit pas ici d’un “nouveau Nicolas Sarkozy”, ceux qui croient que le président, parce qu’il chuchotait, a changé se trompent : il est bien exactement le même et garde la même feuille de route déconcertante qui choque tant les Français en ces temps de crise. Le Blog économique et social l’avait prévenu dans “La chienlit s’installe, durablement !” : “Nous pouvons également nous attendre, jusqu’à la fin du mandat, à une ribambelle de mesures (et le retour des contre-mesures) toutes plus injustes que discutables, mais plaisant à une droite dure et aux amis personnels du gouvernement et de l’UMP en général. Autant dire que cela va être Rock’n Roll !. N’ayons pas la mémoire courte, le coup du nouveau président, Sarkozy nous l’avait déjà fait ! Sa prestation était très centré sur lui-même et pratiquement pas sur les Français. Il n’a pas changé, d'ailleurs, il l’avoue : “ma détermination n’a pas changé”. À méditer sur les difficultés auxquelles seront soumis les Français dans les mois qui viennent…

Pour en revenir à Fillon, s’il est plus libre qu’avant, sa feuille de route, justifiée ce soir par le président, est la même qu’avant : Endettement, Chômage, Injustice, Insécurité. Les Français savent bien aujourd’hui qu’ils sont plus que jamais endettés, au chômage (la crise n’explique pas tout), que la France est de plus en plus injuste (retraite, emploi, fiscalité) et que l’insécurité n’a que rarement été aussi forte (et les policiers moins nombreux)… D’ailleurs, si l’UMP en général, et le gouvernement en particulier, avait un quelconque savoir-faire sur ces sujets nous l’aurions déjà vu depuis le temps qu’ils sont au pouvoir…

Ainsi aujourd’hui, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’à la télévision, nous avons eu le droit au passage du père Noël avant l’heure. Maintenant, quant à savoir quels seront les cadeaux sous le sapin, nous savons que ce seront les mêmes que l’année dernière ! Joyeux Noël, chers compatriotes !

Update du 7/02/11: Comme je l’indiquais sur ce blog, ce jour, le journal Le Monde indique le coût énorme du nouvel avion présidentiel. Cela prouve bien que l’argument du président sur la vente de l’ancien avion n’était de du vent.

lundi 15 novembre 2010

Un remaniement en trompe l’œil

Le président de la République nous avait prévenus depuis six mois qu’un remaniement aurait lieu. C’est fait. Pourtant, il faut être honnête, les Français n’attendaient plus rien de ce remaniement. En vérité, le président a raté un créneau facile : le remaniement aurait pu sortir le gouvernement de la contestation sur les retraites de manière honorable. Il n’en a rien fait. À force de trop traîner, cette annonce est devenue ridicule.

Ridicule d’autant plus que les résultats annoncés hier n’ont de spectaculaire que le mode théâtral sur lequel ils ont été annoncés : samedi le gouvernement Fillon donne sa démission et contrairement aux coutumes en vigueur, il aura fallu attendre le dimanche matin pour connaître la re-nomination de Monsieur Fillon ! Comme si le président s’était décidé dans la nuit !

Théâtral aussi le retour prématuré du G20 du président pour préparer un évènement qui était déjà annoncé depuis six mois et sur lequel presque aucun Français ne comptait ! Pourtant le G20 avait été annoncé comme capital pour l’avenir de la France et du monde. Il faut croire que, finalement, le G20 n’avait aucune importance. Ce qui est d’ailleurs confirmé par les faibles résultats de ce meeting.

En revanche le contenu du remaniement, connu dimanche en cours de journée, n’a rien de théâtral. À part quelques-uns qui sortent, le contenu reste globalement inchangé. Il n’y a plus d’ouverture à gauche, moins de représentativité des femmes, de la diversité et des centristes.

Ainsi, le nouveau contenu du gouvernement est proche de la constitution d’un bataillon UMP (donné perdant) pour les prochaines élections de 2012, plutôt qu’une écoute réelle de la contestation des Français. Le président, dont la popularité plafonne à 30%, ne risque pas de voir cette dernière monter. Non seulement la politique sera dans la continuité, mais de plus ce qui avait charmé les Français en début de mandat (les femmes, la diversité et l’ouverture au centre et à gauche) n’est plus d’actualité.

Seule conséquence réelle : le président, en maintenant son premier ministre, perd une grande partie de son pouvoir au profit de ce dernier. C’est un aveu d’échec pour Monsieur Sarkozy qui ne pourra plus contrôler autant qu’avant la politique du pays. Car il faudrait être naïf pour croire que le premier ministre ait accepté d’être reconduit sans contrepartie alors que cette nouvelle nomination diminue ses chances d’être présidentiable à coute échéance.

Woerth, débarqué, non pas pour ses déboires avec la justice (mais pourquoi, alors, au juste ?) va enfin pourvoir se consacrer à sa défense tout en étant bien au chaud derrière son immunité parlementaire. Même si ce dernier clame haut et fort qu’il ne l’a jamais demandé, ce n’est pas pour autant qu’il n’en profitera pas… Roseline Bachelot, lors de la passation de pouvoir de Monsieur Woerth, nous a fait verser une petite larme tant le soldat Woerth a bien “tenu” sous les feux des critiques : elle s’est déclarée « surprise » d’une telle ténacité. Nous aussi madame Bachelot, croyez-le bien.

Bref, ce remaniement fait l’effet d’une manœuvre tactique, d’un tour de magie éculé, réalisé par le président mais sans réelle conséquence pour la vie des Français. Et ce, au moment même où la vie de nos compatriotes devient de plus en plus compliquée. Nouvelle preuve, s’il en faut, que le gouvernement ne s’attaque pas vraiment aux problèmes du pays et préfère les effets de manches peu coûteux. Ce qui est triste, c’est que la plupart des journalistes sont tombés dans le panneau : émissions spéciales, flash info, supputations, pronostiques… C’est bien triste, car pendant que ces journalistes s’activaient vainement, les Français ignoraient profondément cette agitation. Il n’y a pas que l’état qui soit en décalage avec les problèmes du peuple, les journalistes y participent activement !

Retraite et Dignité par Tahar Ben Jelloun

A lire dans Le Monde:

Une vieille dame d'au moins 80 ans est derrière le comptoir d'un grand magasin à New York, ses mains tremblent un peu, peut-être souffre-t-elle d'un début de Parkinson, elle tient la caisse. Je la regarde, pensant que c'est une cliente qui s'était trompée de côté. Non, elle est vraiment caissière, une étiquette avec son nom l'atteste. Elle s'appelle Ellen. Avec lenteur, elle déchiffre le code-barres de la marchandise, enlève les étiquettes puis a du mal avec les antivols, prend ma carte bancaire, la glisse dans la machine, me demande de signer, met les affaires dans un sac qu'elle agrafe péniblement, me le tend et me remercie en disant d'une voix à peine audible, "Next" ("au suivant").

Je suis resté un moment en retrait, interloqué et choqué, face à cette dame qui travaille plus de quarante heures par semaine. On a envie de lui demander de rentrer chez elle se reposer, mais on sait que si elle travaille encore c'est parce qu'elle en a besoin, qu'aucune retraite ne lui est versée. Elle ne fait pas ça par plaisir, d'autant plus que c'est un dimanche.

Vue d'Amérique, la France qui se bat pour un système de retraites juste et équitable apparaît comme une anomalie. Le New York Times du 23 octobre titre sur toute une page "Au moment où les Français font sauter les digues, les Britanniques gardent leur calme et vont de l'avant" ! L'article est illustré par une photo datant de 1979, au moment où Londres était en grève. Cet amalgame veut simplement dire : on ne comprend pas ce qui se passe en France. On aurait aimé leur répondre : qui supporterait de voir sa mère ou grand-mère travailler jusqu'à la mort ? Ce que la France est en train de sauver, c'est une qualité de vie, une autre vision du monde, une humanisation des rapports marchands.

Par ailleurs, on ne comprend pas pourquoi le gouvernement est si psychorigide face aux millions de citoyens qui sont plusieurs fois descendus dans les rues pour réclamer plus de justice. Est-ce si indigne de s'asseoir autour d'une table et de se parler ? Pourquoi la France s'installe facilement dans le conflit et le rapport de force ? A quoi est dû cet entêtement ? De quelle fierté est-il le nom ? Cela rappelle le cas de ces vieux couples qui ne s'entendent plus et qui ne communiquent que par des éclats de voix.

L'image de cette vieille dame m'a obsédé durant quelques jours. C'est l'image d'une société où l'individu est mis en avant, parfois avec arrogance, où l'argent est étalé sans honte, sans pudeur, où un travailleur peut être renvoyé à n'importe quel moment et sous n'importe quel prétexte, où la retraite dépend d'une assurance privée que tout le monde ne peut pas se permettre de souscrire. Certes, l'Amérique a de quoi fasciner, mais son système social est inadmissible. Le capitalisme sauvage domine partout. Les librairies ne mettent en avant que des livres destinés à devenir des best-sellers. On mène une lutte fanatique contre le tabac et on permet aux enfants d'avaler n'importe quoi au point de devenir obèse avant leur majorité ; la précarité est dans l'air, elle menace quiconque n'a pas su exploiter sa chance. C'est une autre manière de vivre et de mourir. Est-ce ainsi qu'on aimerait que les Français vivent ?

Ce qui est étrange, c'est que personne ne semble comprendre le combat des Français de ces dernières semaines. J'ai entendu des réflexions du genre : "Ce sont des enfants gâtés !" ; "ils ne sont jamais contents !" ; "ils veulent toujours plus !" ; "déjà qu'ils ne travaillent que 35 heures et ils protestent !" Décidément, plus que jamais, la France apparaît comme une exception culturelle dans ce monde de brutalité et d'égoïsme exacerbé.

Mais la France de Nicolas Sarkozy, et même de ses prédécesseurs, ne réalise pas sa chance. Alors elle brade ses valeurs et se retire de la scène culturelle du monde. C'est de l'Afghanistan qu'elle devrait vite se retirer, rapatrier ses soldats promis à une débâcle certaine (à présent que c'est Ben Laden qui l'exige, les 3 750 soldats français ne rentreront pas de sitôt). Non, la France officielle ne cesse de réduire le budget de ses instituts culturels dans le monde. Elle abîme son image, réalise quelques économies (il en faut pour payer la présence en Afghanistan), mais elle fait fausse route, elle fait une grave erreur. C'est avec la culture, avec ses productions littéraires, théâtrales, musicales, picturales, cinématographiques, avec ses valeurs humanistes, son héritage des Lumières qu'elle assurera une belle présence, laquelle lui faciliterait des réalisations économiques importantes. Le pari sur la culture est le seul qui vaille. Or, le ministère des affaires étrangères fait des économies ridicules tout en continuant à espérer que la voix de la France sera entendue et respectée. Calcul de petit épicier sans envergure, sans vision à long terme.

J'ai rencontré des intellectuels américains qui se souviennent avec nostalgie de l'époque où la France était célébrée dans les universités à travers des visiteurs comme Michel Foucault, Jacques Derrida, Alain Robbe-Grillet, Mohammed Arkoun et d'autres. Aujourd'hui, ils se demandent ce qui se passe en France, pourquoi sa voix n'est plus entendue.

Je reviens à la vieille dame américaine. Je revois son expression fatiguée, ses bras frêles, sa voix faible. En France, elle serait dans une maison pour personnes âgées. Peut-être serait-elle entourée de ses enfants et petits-enfants, peut-être serait-elle triste d'avoir été mise à l'écart dans un hospice, mais elle ne serait pas caissière dans un magasin de fringues. Piètre consolation. Car si le système des retraites n'est pas réformé en se basant sur les propositions des syndicats et des partis qui défilent dans les rues, nous serons tous un jour cette vieille dame devant travailler jusqu'au dernier jour de sa misérable vie.


Ecrivain et poète, Tahar Ben Jelloun est membre de l'Académie Goncourt depuis 2008. Il a reçu le prix Goncourt pour "La Nuit sacrée" (Points Seuil) en 1987. Derniers livres parus, "Jean Genet, menteur sublime" et "Beckett et Genet, un thé à Tanger" (Gallimard).

dimanche 14 novembre 2010

Chez Lidl, Kaiser's et Atac, un faux pas et c'est la faute grave

A lire dans Rue89:

En août, une palette d'aliments frais subit une rupture de la chaîne du froid dans un magasin Lidl, à Libramont au Sud de la Belgique. Dans ce genre de cas, les consignes de l'enseigne hard discount d'origine allemande sont claires : ces produits doivent retourner vers la centrale pour être détruits. Sauf que, comme l'explique une employée :

« L'assistante-gérante nous a invité à reprendre de la marchandise parce que, de toute façon, c'était pour la poubelle. » (Voir la vidéo)

Plusieurs produits sont donc emportés par certains membres du personnel, avec l'accord, selon les dires de ces derniers, de leur supérieur hiérarchique.

Un membre du personnel s'est dénoncé, amenant ses collègues à devoir s'expliquer face à la direction. Cinq employés sont licenciés. Pour faute grave, rien de moins.

Allemagne : une caissière de Kaiser's récupère deux bons d'achats

Cette histoire n'est pas sans rappeler le cas de cette caissière allemande qui, en 2008, avait été licenciée par la chaîne de magasins Kaiser's, accusée d'avoir utilisé deux bons d'achats -d'une valeur totale de 1,30 euros- oubliés par un client.

Arguant d'« une rupture de la relation de confiance » avec son employée, la chaîne Kaiser's n'a cependant pas obtenu gain de cause devant un tribunal fédéral allemand, qui a jugé que la confiance accumulée après plus de trente ans de service par l'hôtesse de caisses ne pouvait être ruinée par une si modeste faute.

France : une caissière d'Atac « vole » des avantages-fidélité

Début 2008, une employée de l'enseigne Atac -devenue Simply Market-, se voit remerciée car elle aurait « volé » 0,40 euros par la technique du « cagnottage » comme l'expliquait à l'époque Libération :

« Marie-Christine aurait profité du passage d'un client à sa caisse pour enregistrer sur sa propre carte fidélité les réductions auxquelles les achats donnaient droit. Quarante centimes d'euros, donc. »

En 2009, les Prud'hommes ont obligé Atac à verser la somme de 16 558 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle.

La faute grave pour « faire passer un licenciement économique »

Selon Maître Marie Rueff, avocate à l'époque de l'employée, de tels motifs de licenciements n'ont pas de réelle valeur :

« Dans mon dossier, et dans d'autres d'ailleurs, je me suis demandée s'il n'y avait pas un motif déguisé derrière ce licenciement sans commune mesure avec la faute dont ma cliente était accusée. C'est un bon moyen de faire passer dans l'ombre un licenciement économique.

Qui plus est, en recourant à l'argument de la faute grave. Parce que dans un tel cas, l'entreprise n'est pas tenue de payer des indemnités de rupture. C'est un moyen de se séparer de certains membres du personnel à peu de frais.

Et par la suite, oser aller en justice face à de si grands groupes doit en décourager plus d'un. Alors qu'ils sont dans leur bon droit. »

samedi 13 novembre 2010

Obama : la peur de l'offshore est dépassée

A lire dans Le MagIT:

En visite en Inde, le président américain a tenu un discours rassurant pour les grands outsourceurs du pays, inquiets de la montée du protectionnisme aux Etats-Unis.

En déplacement en Inde, le président américain a défendu l'offshore pratiqué très largement sur le sous-continent. Selon Barack Obama, la vision de centres de services dans des pays à bas coût détruisant les emplois aux Etats-Unis est dépassée. Et d'expliquer que les relations commerciales entre les deux pays améliorent tant le niveau de vie indien qu'américain.

Tenu dimanche devant un parterre de dirigeants à Mumbai, ce discours un brin convenu vise à calmer les inquiétudes des milieux d'affaires indiens qui s'alarment d'une montée du protectionnisme aux Etats-Unis. Un état comme l'Ohio a ainsi interdit le recours à l'offshore dans les contrats publics. En mai, Barack Obama avait également évoqué une réforme de la fiscalité, afin de limiter les délocalisations dans les pays à bas coût par les entreprises américaines.

Les grands outsourceurs indiens supportent également un renchérissement des visas de travail vers les Etats-Unis, décision prise par Barack Obama. Cette mesure, qui doit rapporter 600 millions de dollars, touche les entreprises de plus de 50 salariés dont plus de 50 % travaillent avec un visa.

mercredi 10 novembre 2010

Cameron porte parole des néolibéraux

David Cameron en Angleterre s’est engagé dans une violente course au désengagement de l’état qui n’est pas sans rappeler l’époque Tatchérienne qui à fortement appauvrit le pays voir notre article sur les privatisations). Éducation, budget des ministères, privatisations, etc. La mesure symbolique de son idéologie : mettre les chômeurs en fin de droit au travail dans des missions d'intérêt général. Il s’agit en fait de 30 heures de travail hebdomadaires et obligatoires, sur quatre semaines « seulement ». Ceux qui ne viendront pas travailler verront leurs allocations chômage supprimées pendant trois mois. Si le sujet excite fortement les néolibéraux et les UMP de tous poils, il révolte les autres. Mais qu’en penser ?

Pour se faire une opinion de cette proposition, il est nécessaire d’examiner les opinions favorables et défavorables au projet et de les regrouper en opinions justes ou erronées.

Les plus de la réforme

- Le travail obligatoire de 30 heures sur quatre semaines n’est pas très contraignant, mais assez pour que les faux chômeurs soient démasqués !

- Remettre au travail des chômeurs longue durée peut redonner du courage à ceux qui, lassés, n’y croient plus.

- Avoir une utilité sociale, même limitée à 4 semaines pour redynamiser les exclus de la société.

- Ces travaux peuvent, éventuellement, améliorer un CV un peu vide.

- Ces heures peuvent aider des associations qui, sans elles, ne peuvent faire correctement faire leur travail.

Les moins de la réforme

- Compliqué à mettre en place, car trouver un emploi utile a plusieurs millions de personnes n’est pas aisé. Par exemple, il ne sera pas souhaitable de demander à un chômeur ayant BAC+5 de balayer les rues.

- Risque de dérive si le travail fourni remplace celui d’une autre personne qui aurait pu être embauchée, ce système ne doit être appliqué que pour des travaux non monnayables sinon il agirait comme une sorte de « délocalisation intérieure »

- Un chômeur doit se consacrer à 100 % à sa recherche d’emploi. Même 30 heures par semaine sont une charge trop grande pour permettre une recherche d’emploi active. Argument minoré, toutefois, par la durée de 4 semaines seulement et qu’en fin de droit, un chômeur passe moins de temps à chercher un emploi.

- Les aides pour les chômeurs en fin de droits sont assez ridicules pour que l’on ne puisse pas vivre seulement avec cela, une journée de chômeur en fin de droit est une bataille quotidienne pour trouver des ressources supplémentaires.

- Cette proposition fait partie d’un ensemble de mesures dont le but est de supprimer, à terme, tout ce qui reste encore des avantages sociaux.

- Réforme très démagogique taillée sur mesure pour les néolibéraux.

Les mauvais arguments pour ou contre la réforme

- C’est une évidence de devoir fournir un salaire si l’on reçoit une rémunération : non, les aides sociales ne sont pas une rémunération, mais une aide. En aucun cas il ne s’agit d’un salaire. Il s’agit en fait d’une aide caritative destinée à définir un seuil minimum de pauvreté. S’exprimer ainsi est comme faire l’aumône, mais en exigeant un service en retour ! Ceux qui pensent ainsi sont comme Sophie de Menton qui indiquait sur Arte le 19 novembre 2009 : « il y avait un homme […] en train de mendier à la gare de Lyon l’autre jour et je lui donne un euro et je lui dis soyez gentil montez-moi ma valise et […] il m’a rendu mon euro et m’a dit je suis mendiant et pas larbin ».

- C’est un retour de l’esclavage sous forme moderne : que l’on soit d’accord ou pas avec cette mesure, on ne peut pas dire que travailler 30 heures pendant 4 semaines n’est tout de même pas un esclavage ! Ceux qui disent cela devraient se renseigner sur ce qu’était réellement l’esclavage. Tout ce que l’on peut dire est que si une tâche est effectuée sans salaire c’est bien un cas d’abus de faiblesse.

- Si l’on considère le travail comme une servitude c’est que nous sommes décadents : faux débat, il n’est pas question ici de servitude ni même de travail d’ailleurs puisque pour qu’il y ait travail, il doit y avoir salaire.

- Tout salaire mérite travail : faux dans ce cas, car ce n’est pas un salaire. Si l’on qualifie une aide sociale à un salaire, alors il faut qualifier une rente à un salaire et donc mettre les rentiers au travail !

- Quand celui qui travaille ne vit pas mieux que celui qui ne travaille pas, pourquoi se lèverait-il tôt le matin ? Faux, il suffit de voir comment vivent les gens qui bénéficient des minimums sociaux pour comprendre qu’ils sont bien loin d’un niveau de confort élevé leur permettant de se passer de travail. Personne ne vit mieux au chômage qu’en travaillant sauf si l’on triche !

- Madame Thatcher a toujours eu de bonnes idées. Cela éviterait peut-être à certains profiteurs professionnels de passer d'éternelles vacances aux frais des contribuables : madame Thatcher a été une catastrophe pour l’Angleterre. Destruction (il n’y a pas d’autres mots) du réseau ferré, privatisation à tour de bras, paupérisation de la société, destruction du syndicalisme et donc du dialogue social (5 lois), forte augmentation de la productivité jamais redistribuée aux salariés, dégradation de la situation de l’Irlande, incitation de l’immigration pour faire baisser les salaires, forte poussée du chômage, désindustrialisation précoce du pays, augmentation considérable des frais universitaires, instauration de la précarité de l’emploi… La liste des âneries de l’époque Thatcher est longue et a pour résultat l’état de pauvreté extrême du pays aujourd’hui. Quant à dire que le chômage est être en vacances, celui qui dit cela n’a jamais été au chômage de sa vie ou fait malhonnêtement référence (car ils sont minoritaires, heureusement !) à la partie des chômeurs qui trichent.

- L’allocation est reversée au titre d'une assurance qu'ils ont payée. On ne demande pas à celui dont la maison brûle qu'il travaille gratuitement pour l'assurance qui le rembourse. Faux, il ne s’agit pas de faire travailler tous les chômeurs, mais ceux qui sont en fin de droit seulement et pour quatre semaines. Nous ne parlons pas ici d’assurance chômage.

- Il ne s´agit pas de travail gratuit, mais bien de "gagner sa croûte", on ne peut pas vivre toutes ces années en charge de la collectivité sans, en échange rendre un petit service. Comme nous l’avons vu, le service n’est peut-être pas si intéressant, si un chômeur prend la place d’un travailleur (nous avons vu que c’était très difficile à organiser correctement), c’est finalement une diminution de la richesse du pays ! Quant à gagner sa croute, nous en avons déjà parlé : les minimums sociaux ne sont pas un salaire, mais, finalement une aumône (même si le terme est un peu péjoratif).

- Elle les incite a retrouver un vrai travail: tant qu'a se lever le matin, autant gagner un salaire convenable et non une indemnité médiocre : Pourrait être vrai si les chômeurs de longue durée n’avaient aucun mal à trouver du travail. Ce qui n’est pas le cas. Dire cela comme cela est donc une manipulation

- Il faudrait tout de même se souvenir qu'après la guerre et jusque dans les années 60 les chômeurs étaient tenus de faire quelques travaux d'utilité publique. Il n'y a rien de choquant et encore moins d'esclavagisme dans le fait d'occuper des hommes et des femmes, il y va bien au contraire de leur dignité : de grâce, ne revenons pas en arrière socialement ! Quant à la dignité de celui qui, épuisé de ne pas avoir trouvé de travail durant des années, doit aller, de force, aider des associations sous peine de perdre son aide sociale, je ne crois pas que ce soit terrible !

- À la fin du dix-neuvième siècle, la route dite de "quarante sous" a été faite grâce aux 40 sous alloués journellement aux chômeurs qui y ont travaillé. Il n'y a rien d'anormal d'utiliser la main-d’œuvre des chômeurs. Il n'y a rien de vexant puisque la collectivité paie des droits aux chômeurs : cet argument ne tient pas, car la route en question a été construite par des ouvriers qui étaient payés 40 sous par jours. Faire une parallèle avec la mesure de Cameron est ridicule, car il s’agissait d’ouvrier employé et pas de chômeurs en fin de droit à qui l’on demandait une compensation à l’aide sociale qu’ils avaient (il n’y avait pas d’aide sociale à l’époque), ce n’était pas des chômeurs puisqu’ils étaient employés à la journée. C’était un travail précaire « équivalent » d’un SMIC d’aujourd’hui !

Qu’en conclure finalement ?

Simplement que le sujet déchaîne les opposants comme les partisans et que dans tous les cas il s’agit plus d’une « mesurette » propagandiste néolibérale qu’une vraie mesure destinée à aider les chômeurs. Il s’agit surtout d’un signal envoyé au peuple anglais pour lui faire comprendre, s’il en avait encore besoin, que l’état providence et bel et bien fini. Soyons certain que cette mesure électoraliste aura grand mal a être mise en place et si elle y parvient, paupérisera encore plus l’Angleterre.

Mais ce qui fait le plus froid dans le dos c’est surtout de se rappeler que cette mesure était dans le programme d’un certain Nicolas Sarkozy : Dans son projet pour la France page 7, section 4 intitulée "Réhabiliter le travail" il est écrit : « Je ferai en sorte que les revenus du travail soient toujours supérieurs aux aides sociales et que les titulaires d'un minimum social aient une activité d'intérêt général, afin d'inciter chacun à prendre un emploi plutôt qu'à vivre de l'assistanat. » (Nous voyons clairement d’où viennent certaines opinions ci-dessus). Le président réaffirme cette conviction dans de son manifeste "Ensemble" de mars 2007 à la page 140 : « Si je suis élu […], je ferai en sorte que plus aucun revenu d'assistance ne puisse être supérieur au revenu du travail et que plus aucun revenu d'assistance ne soit versé sans que soit effectuée en contrepartie, pour ceux qui le peuvent, une activité d'intérêt général qui leur converse le sentiment de leur utilité sociale.". Et encore dans son ouvrage « Témoignage », page 143 : « Le peuple de France sait ce qu'est le travail. Il n'en a pas peur. Mais l'inversion délibérément organisée des valeurs entre le travail et l'assistance a totalement perverti les repères […] Quand celui qui travaille ne vit pas mieux que celui qui ne travaille pas, pourquoi se lèverait-il tôt le matin ? ».

Ce qui est bien avec Nicolas Sarkozy c’est qu’il est plein de ressources néolibérales et que ce que l’on croit le pire ne l’est jamais. Si les Français avaient vraiment lu le programme du candidat Sarkozy, je ne pense pas qu’il aurait été élu…

mardi 9 novembre 2010

Comment les OGM envahissent la France

Un ami agriculteur me raconte une arnaque (nous avons cherché un synonyme sans le trouver) qu’il a subit et qui a cours en ce moment en Europe et plus particulièrement en France. Le subterfuge permet à de grands semenciers de se garantir une clientèle fidèle et captive tout en favorisant la diffusion d’OGM dans des pays comme la France qui sont réticents à leur culture.

Les agriculteurs naïfs tombent facilement dans le piège : un semencier vient les démarcher pour les proposer des semences pour leur prochaine récolte. Jusque-là tout va bien. La ou cela se complique c’est qu’ils proposent comme geste commercial, de ne se faire payer que lorsque la récolte a eu lieu. Cette proposition est alléchante, car, on le sait bien, les petits agriculteurs modernes ont de graves soucis de trésorerie.

Pourtant, ceux qui cèdent à la tentation de cette “facilité de caisse” risquent fort d’être tombés, en fait, dans l’arnaque la plus en vogue du moment, un piège qui va impacter toute leur vie. Pourquoi ? Simplement parce que ces arnaques se basent sur le fait que les semences qui auront été “avancées” ne donneront presque rien. Elles sont en fait de très mauvaise qualité ou carrément rendues inefficaces artificiellement.

Le piège se referme lorsque l'époque de la récolte est venue : le semencier, envoie un représentant pour réclamer son argent. Comme la récolte n'a rien donné faute de semences de bonne qualité, l'agriculteur est bien en peine de rembourser sa dette. Bien sûr, le semencier le sait et c'est pourquoi il envoie directement un avocat pour récupérer l'argent. L'avocat n'est là, en fait, que pour négocier un arrangement qui stipule que l'agriculteur, en vertu de sa dette, s'engage a acheter des semences, OGM cette fois, afin de se “refaire” et de rembourser ses dettes. En vérité, l'agriculteur ne se refera que très difficilement et sera condamné à acheter sa semence, forcément OGM, au même semencier pendant presque toute sa vie. Quant aux plus gros agriculteurs, il payent leur dette en jurant de ne plus jamais se faire prendre…

Ce type d'arnaque, répugnante, est assez classique : créer artificiellement une dette afin de profiter ensuite de cette dépendance et faire tout pour entretenir la dette dans le temps. Entre parenthèses, c’est le principe des maisons closes, comme décrit dans la série du même nom sur Canal+. Cette série retrace l’histoire d’une maison close imaginaire dans le Paris de 1871. Pour s’assurer de nouvelles filles, peu payées et fortement dépendante, une dette est artificiellement créée chez une femme pauvre, comme elle ne peut rembourser, elle travaillera donc dans la maison close qui se chargera mois après mois, d’augmenter la dette en y inscrivant toutes les dépenses quotidiennes plus des imaginaires…

Ce qui est moins classique, c'est que presque tous les semenciers OGM s'en servent aujourd'hui pour imposer leurs technologies et asservir les petits agriculteurs. Que l'on utilise encore ces procédés condamnables en 2010 fait réfléchir. Fermez la porte aux OGM, ils entreront par le soupirail !

Airbus : Sarkozy vend-il plusieurs fois les mêmes avions ?

lire dans Aujourd’hui La Chine:

L'Elysée annonce une avalanche de contrats à l'occasion de la visite d'Etat de Hu Jintao en France. Plus de 20 milliards de dollars pour l'industrie française… Mais en y regardant de plus près, le président français a peut-être surévalué sa performance commerciale.

Hu Jintao et Nicolas Sarkozy à Paris

Le communiqué de l'Elysée est triomphal. Vingt milliards de contrats. La plus grosse part pour Airbus : "Airbus a signé jeudi avec des compagnies chinoises un contrat portant sur 102 appareils pour un montant de 14 milliards de dollars, à l'occasion de la visite en France du président chinois Hu Jintao, a annoncé l'Elysée", affirme l'AFP.

Problème, le communiqué d'Airbus, lui, est assez en retrait. La compagnie espérait vendre 150 avions à la Chine, confiait en septembre un de ses dirigeants, qui préparait à Pékin la venue de Hu Jintao. Airbus aujourd'hui évoque bien 102 avions, mais seulement 66 nouvelles commandes.

Alors, quels sont ces avions commandés ?

Les dix A350 sont bien des nouvelles commandes. Ces avions étaient en négociation depuis plusieurs années, dans leur version large. Pékin attendait cette visite à Paris pour les annoncer. Cette fois le nouveau modèle Airbus perce pour la première fois en Chine continentale (il a déjà été vendu à Hong Kong).

Les cinquante A320 font partie des centaines d'avions de ce modèle pré-commandés par les Chinois, dans le cadre de l'implantation de l'usine de Tianjin. On les a donc déjà célébrés plusieurs fois. Et on oublie de dire qu'ils seront en majorité assemblés dans cette usine, en Chine, et non à Toulouse…

Enfin le gros morceau, les A330. Quarante deux modèles de ce long courrier. A un peu plus de 200 millions de dollars pièce, cela représente 8,4 milliards de dollars. Presque la moitié des contrats annoncés lors du voyage de Hu Jintao.
Problème, 36 de ces A330, soit 7,2 milliards de dollars, ont été vendus en 2007… Par Nicolas Sarkozy, en voyage déjà stratégique à Pékin. Un voyage qui lui avait permis à l'époque de "signer pour 20 milliards d'euros de contrats". On aurait donc visiblement tort d'additionner les commandes.

lundi 8 novembre 2010

GEA. Des systèmes de péage à la pointe de l'innovation

A lire sur LeJournalDesEntreprises:

GEA, bien que cotée en bourse, est une entreprise meylanaise méconnue, indépendante et très discrète. Leader de son secteur, elle fabrique des systèmes de péage pour les autoroutes et les parkings. Après quarante ans d'existence, elle reste à la pointe des technologies pour supplanter ses concurrents français et étrangers. Son fondateur a d'ailleurs reçu le mois dernier le prix de l'entrepreneur de l'année en Rhône-Alpes, catégorie innovation.
Anne-Gaëlle Metzger

Serge Zaslavoglou (Zass), président du conseil de surveillance et fondateur de la Grenobloise d'électronique et d'automatismes (GEA), a reçu fin septembre le prix de l'entrepreneur de l'année en Rhône-Alpes, catégorie innovation. Alain Briand, directeur du CEA Minatec et membre du jury Ernst & Young qui attribuait ce prix, souligne que le point important pour cette distinction est «la personnalité du fondateur: il n'a cessé d'innover et d'avoir des liens étroits avec la recherche». Depuis 1970, la société conçoit, fabrique et met en service des systèmes de perception de péage autoroutier, mais aussi de contrôle d'accès et de péage pour parkings. Grigori Zass, fils du fondateur et secrétaire général actuel de la société meylanaise, confirme que les investissements réalisés sont effectivement minimes sur le plan matériel, environ 300.000€ par an, mais conséquents en temps de R & D. «Nous investissons en général 5% de la masse salariale en R & D, soit un à deux millions d'euros par an. Le principal de l'innovation réside dans les développements informatiques et les équipements.» Par exemple, un nouveau badge de télépéage va demander 18mois de recherche et 1M€ d'investissement.
Innovations d'avenir
«GEA a récemment mis au point un système de classification automatique de catégorie des véhicules (poids lourds, véhicules légers,etc.) à base de rideaux optiques qui analysent le profil du véhicule, présente Grigori Zass. GEA est également la seule société au monde à avoir en exploitation des voies tout paiement: pièces, billets, cartes bancaires, télépéage et reconnaissance de dette. Nous développons également le télépéage ?free flow? (NDLR: sans arrêt et sans barrière, avec contrôle par photographie des plaques d'immatriculation).» Ce système, bientôt autorisé en France pour les camions, est déjà en vigueur dans d'autres pays. «Cela fait deux ans que nous le développons chez GEA, car ça représente un marché d'avenir. Mais ça a été une erreur de notre part de ne pas le faire plus tôt car la concurrence étrangère est déjà prête pour ce marché», admet Grigori Zass. GEA a toujours favorisé le déploiement national de ses innovations, pour pouvoir «gérer les difficultés de départ» avant de les lancer à l'international. D'ailleurs, le marché français reste essentiel pour GEA. «Il y a moins de nouvelles autoroutes, même s'il y en a encore quelques-unes, rappelle le secrétaire général. Mais il y a surtout des marchés d'évolution avec le renouvellement des équipements et la maintenance des systèmes. Nous vivons de ce marché d'évolution.» Ainsi, les systèmes seraient à mettre à jour tous les trois à cinq ans et à changer tous les dix ans. Quant à la privatisation des sociétés autoroutières, elle a amené une demande de plus de rentabilité et donc une accélération de l'automatisation des péages. «Depuis 2006-2007, les opérateurs routiers demandent l'automatisation en France. Et cela semble même être une tendance internationale», se réjouit le dirigeant.
Indépendance
Mais l'international n'est pas évident pour cette PME familiale. «Les marchés étrangers sont tous difficiles», avoue Grigori Zass. Ainsi, présente en Chine depuis 1990, la société s'est retirée du pays en 2000 après avoir subi la concurrence de ses partenaires locaux... Partenaires qui se sont à nouveau alliés à GEA lorsqu'il a fallu faire évoluer des systèmes dont seule la société française avait les codes sources! «Nous avons trouvé un nouvel intérêt commun à travailler ensemble, même si les coûts de production chinois sont imbattables. Seuls nos logiciels sont compétitifs.» C'est pourtant le développement à l'étranger, et le besoin de capitaux, qui a poussé GEA à entrer en bourse en 1994. «Nous ne voulions ni nous vendre à un groupe, ni emprunter aux banques. Notre indépendance est fondamentale.» Et jusqu'à présent, GEA gérait tout en interne. Mais depuis le début de l'année, une partie de la production est sous-traitée à cinq entreprises iséroises. «Nous avons besoin d'augmenter nos capacités de production. C'est une petite révolution pour nous. Nous avons dû revoir une partie de notre organisation et expliquer cette décision aux salariés. Mais il n'est pas question de délocalisation et nous gardons la maîtrise de la production malgré tout