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Fournisseur des plus grandes multinationales de l’électronique (Apple, Dell, Nokia, Sony…), le géant taïwanais Foxconn a-t-il transformé ses usines chinoises en «camps de concentration de travailleurs du XXIe siècle»? C’est l’une des conclusions d’une étude menée par des universitaires et des étudiants chinois, hongkongais et taïwanais qui fait grand bruit ces jours-ci.
Mardi, un second rapport, mené par le Student and Scholars against Corporate Misbehavior (Sacom), une ONG hong kongaise, dénonçait les conditions de travail «illégales et contraires à l’éthique» dans un rapport intitulé «Les travailleurs machines: la gestion militaire de Foxconn».
En juin dernier, Steve Jobs, le patron d’Apple, avait pris la défense de Terry Gou en qualifiant l’usine de Shenzhen d’endroit «plutôt chouette». Depuis lors, les clients de Foxconn s’inquiètent des répercussions d’image et rappellent qu’il existe un code de conduite pour l’industrie électronique. Apple a admis que l’emploi excessif de stagiaires était une violation des principes régissant le secteur.
Foxconn, ce seront bientôt 1,3 million d’employés chinois dans divers sites de production dont plus d’un demi-million dans la base industrielle de Shenzhen, au coeur de l’«usine du monde». C’est surtout une organisation très particulière du travail mise en place par son patron, Terry Gou, qui a permis de réduire au maximum les coûts de production. Inconnu du grand public jusqu’en juin dernier, le groupe taïwanais s’est soudain rendu célèbre par une multiplication de suicides (17 depuis le début de l’année).
Pression psychologique
La direction du groupe a réagi, tardivement, en promettant des hausses de salaire (jusqu’à 70%) et un soutien psychologique à ses travailleurs qui accumulent les heures supplémentaires, tout en laissant entendre que ces suicides seraient dus à des échecs sentimentaux. Les deux études menées dans plusieurs usines et se basant sur des centaines d’interviews avec des ouvriers décrivent une tout autre réalité: si les jeunes employés mettent fin à leur jour c’est essentiellement dû à des surdoses de travail, une discipline de fer et une culture du travail qui crée de très fortes pressions psychologiques. Evaluations permanentes, bonus et déductions salariales, atomisation des travailleurs, humiliations publiques, culte du patron et mise en compétition permanente de l’ensemble des employés mènent au désespoir des plus fragiles.
L’enquête de Sacom indique par ailleurs que les promesses de hausses salariales n’ont toujours pas été tenues et que les heures supplémentaires (plus de 80 heures par mois par employé en moyenne) dépassent largement les quotas autorisés, contrairement à ce qu’affirme le groupe. Celui-ci est par ailleurs accusé de recruter des étudiants stagiaires (représentant jusqu’à 40% des employés) qui seraient sous-payés et ne bénéficiant pas des mêmes avantages sociaux que les travailleurs réguliers.
Foxconn a répliqué lundi par un communiqué de presse expliquant qu’il respectait en tout point la réglementation chinoise sur les conditions de travail. Le groupe précise que les augmentations de salaires entrent en vigueur en ce début octobre et dément les chiffres sur les heures de travail supplémentaires et l’emploi de stagiaires.
«Les limites et les trous dans les lois et règlements chinois offrent clairement un avantage aux entreprises», explique Lin Xinqi, professeur à l’Université du peuple de Pékin cité dans le Global Times. Reste ce constat: les candidats se pressent toujours pour trouver un emploi chez Foxconn.
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