Suite à mon article sur le « Burn-Out », j’ai voulu en savoir plus sur le stress au travail et ses conséquences. J’ai pris un rendez-vous avec la médecine du travail afin d’en savoir plus. Dans cet article, je vous livre un récapitulatif de ce que j’ai appris sur le sujet.
Le stress, un mot-valise multifactoriel
Avant de parler de stress, il faut se mettre d’accord sur ce mot qui est une sorte de fourre-tout. Le stress est multifactoriel et multisectoriel. Le stress se caractérise par des symptômes variés :
- sentiment d’impuissance,
- manifestations somatiques (boule au ventre, chutes de cheveux, troubles respiratoires, pleurs, sueurs, diabète, montée d’adrénaline, diarrhée, insomnies, pertes de mémoire, troubles musculo-squelettiques…),
- irritabilité,
- perte du sens du travail,
- usure au travail,
- violences verbales,
- ruminations,
- maladie cardiovasculaire…
Rien que cela ! Le ton était donné…
Les causes du stress
Le stress se définit également par ses causes :
- Environnement de travail (nuisance physiques, inadaptation du poste de travail),
- contexte socio-économique (compétitivité nationale et internationale, mauvaise santé de l’entreprise),
- travail en permanence dans l’urgence,
- pressions diverses,
- quantité de travail sans cesse croissante,
- violence et harcèlement (moral ou sexuel),
- horaires incompatibles avec la vie sociale et familiale,
- travail alterné de jour et de nuit,
- objectifs à atteindre flous, trop nombreux ou impossibles,
- entretiens individualisés mal conduits,
- absence de perspective d’avenir ou de promotion,
- absence de reconnaissance du travail accompli,
- précarité…
Une cause importante de stress est la sensation par les employés de ne pas faire un travail de qualité, de bâcler leur travail, de faire des actions contraires à l’éthique. La transgression des procédures en vigueur par manque de temps, de moyens ou de formation est fortement anxiogène.
Les conséquences du stress
Les conséquences sont également nombreuses et peu sympathiques. Pour l’entreprise :
- Arrêts-maladie courts et fréquents,
- Turn-over,
- Nombreuses mutations internes demandées,
- Augmentation de demandes de bilans de compétences,
- Augmentation des demandes de formations,
- Violences verbales,
- Dégradations du matériel et/ou des locaux,
- Accidents du travail,
- Dégradation du climat social,
- Mauvaise image de l’entreprise,
- Baisse d’efficacité et démotivation,
- Risques juridiques
Pour l’individu, ce sont :
- Prise de psychotropes,
- Conduite addictive,
- Incidence sur la sphère privée,
- Isolement,
- Intégrité physique et mentale entamée,
- Risques de suicides.
Le suicide
Ce dernier point — le suicide — est parfois utilisé par les individus trop stressés, car il offre l’illusion d’échapper à une souffrance devenue intolérable. Lorsqu’un individu pense, « Je ne peux plus supporter cette situation », c’est que la perspective d’un possible suicide pointe son nez. L’incidence des problèmes du travail sur la sphère privée peut également aggraver la situation des personnes en situation de stress et y ajoutant des problèmes familiaux et des divorces. Les individus qui ont pris la décision de se suicider passent d’un état général mauvais à un état d’apaisement, de sérénité et — presque — de bonheur apparent. La raison de ce changement est simple : le suicide étant décidé, la certitude de l’arrêt de la souffrance annihile les effets du stress. Bien entendu, cet état est l’indicateur d’un suicide imminent.
Bon stress ou mauvais stress ?
Nous entendons souvent parler de bon ou de mauvais stress au travail. La vérité est que le bon stress est rare, car il doit être temporaire et modéré (seuil différent suivant les individus), et ne pas se cumuler avec tout autre type de stress, comme ceux de la sphère privée, par exemple. Ainsi, nous voyons bien qu’il est difficile de générer que du bon stress, car cela dépend des individus.
Nous avons tous à perdre quant au stress
Les symptômes, aussi bien pour l’entreprise (ou un service particulier d’une entreprise), que pour les employés, sont autant d’indicateurs du stress qui peuvent être utilisé comme détecteurs. La vérité est que si les entreprises, comme les individus, ont beaucoup à perdre avec le stress, peu s’en préoccupent. La loi sur le stress au travail mise en place par le gouvernement est donc une excellente chose, car elle force aussi bien les entreprises que les individus à y réfléchir. Évidemment, si la direction d’une entreprise n’est pas convaincue de l’utilité de cette démarche, la loi sera peu utile pour cette dernière. Mais en cas de problème de stress grave et avéré, la responsabilité de cette entreprise sera d’autant plus engagée qu’elle aura mal traité le sujet.
Alors que faire quant au stress ?
Évidemment, vu le tableau que nous venons de dépeindre, c’est la question que vous vous posez tous ! Il n’y a pas de solution miracle, évidemment, mais une grappe de solutions. Doit-on d’abord rappeler que pour appliquer des remèdes, il faut que les problèmes de stress soient détectés ? Un questionnaire interne peut être adressé à toute l’entreprise ou un service particulier. Il ne faut pas en attendre de miracles, mais c’est un des moyens de détection. Le grand classique, qui peut être utilisé comme base de départ, est le questionnaire KARASEK qui fait référence. Il est souhaitable de passer par un cabinet spécialisé pour réaliser et analyser cette enquête. Une fois détecté, ou en action préventive, un comité interne à l’entreprise sur le stress au travail peut être lancé. Il peut être animé avec l’aide de la médecine du travail dont c’est le rôle. Cette dernière apportera méthodologie et expertise médicale. Un individu soumis à un stress excessif peut donc en premier lieu en parler à son responsable hiérarchique. Ensuite :
- Formaliser par écrit le contenu des entretiens qu’il a eu,
- garder une copie de tous ces courriers et emails relatifs à ce problème,
- monter un dossier objectif et si possible concret,
- obtenir des témoignages de collègues ou témoins,
- faire noter la situation dans son dossier médical,
- informer tous les acteurs qui peuvent aider, d’une manière ou d’une autre, à résoudre le problème
- Médecine du travail,
- Médecin de famille,
- CHSCT,
- Délégués du Personnel,
- inspection du travail,
- syndicats,
- associations,
- mairie,
- police/gendarmerie…
La médecine du travail peut également fournir de médiateur du travail, rôle sans cadre légal ou contraignant, mais qui peut aider deux parties en conflit à trouver une solution. Ce recours est intéressant dans les cas de parties ne se parlant plus, mais qui sont de bonne volonté.
La psychodynamique du travail
Une entreprise active sur le sujet peut, avec l’aide de la médecine du travail, lancer une démarche de psycho dynamique du travail. Cela consiste à réunir de petits comités de quatre à douze personnes qui font le même métier ou qui partagent une tâche commune sans représentant hiérarchique. Le comité recueil des données et observations sur le métier ou la tâche que le groupe réalise. Cette partie est normalement à faire sur le terrain. Le médecin réalise alors une analyse de la situation qui est discutée en groupe durant 6 réunions espacées de quelques semaines. Le but est de repérer ce qui, dans un métier ou une tâche donnée est vécu comme anxiogène et comment éliminer et améliorer cette caractéristique. Souvent, une petite partie d’une activité pose problème, le « diable se loge dans les détails ». Les enjeux sont donc de :
- Redonner du sens au travail,
- d’éviter l’isolement d’un individu,
- de favoriser les échanges de savoir-faire,
- créer les conditions d’une coopération dans l’entreprise.
Le déni est facile
Il n’est jamais agréable pour une entreprise d’être accusée de détériorer la santé de ses salariés, que cette détérioration soit volontaire ou involontaire. L’attitude facile lors de la détection de stress au travail ou de suicides est le déni. Le plus courant est de nier le rôle principal du travail sur le stress en parlant de causes personnelles ou familiales. Comme nous disons trivialement, il n’y a pas de fumée sans feu, c’est exactement le cas du stress au travail, rares sont les cas ou la raison est purement personnelle. À plus forte raison lorsque plus d’un cas est à déplorer dans la même entité ou le même métier. La récurrence des problèmes est bien entendu un indicateur à prendre en compte. Autre idée pratique : il s’agit d’une défaillance personnelle, la personne n’était pas compétente, ne résistait pas au stress, avait trop de problèmes, etc. Il faut combattre cette idée, le stress n’est jamais dû à une défaillance personnelle, mais bien un dérèglement de l’entité. Stigmatiser un individu est un moyen pratique d’évacuer un problème de stress au travail sans trouver de vraies solutions. Le refus de parler d’une autre organisation du travail est également une facilité. L’organisation du travail est toujours discutable/négociable et est souvent la cause du stress. C’est donc une variable à prendre sérieusement en compte. Le dernier point de déni classique : organiser une formation ou un séminaire de gestion du stress. Le stress permanent n’est pas normal comme nous l’avons vu. Il n’est donc pas normal de devoir apprendre à le gérer, car il s’agit, au mieux, d’un aveu d’impuissance de l’entreprise, au pire, d’une volonté affirmée de ne pas traiter le problème à la racine.
Je pense qu’avec ces précieux conseils, nous sommes tous mieux armés pour détecter, comprendre, combattre, aider et nous sortir d’une situation de stress au travail. Je dois également remercier la médecine du travail pour toutes ces informations précieuses et l’interview qu’ils ont bien voulu m’accorder.
Notes:
Voici un lien menant à d’autres questionnaires dont le questionnaire SUMER 2009 qui est également intéressant. Voici un autre lien très intéressant sur le sujet avec un programme informatique sur le stress.
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