Le groupe américain Molex (30.000 personnes dans le monde) décide le 23 octobre 2008 de fermer son site de production de connecteurs automobiles de Villemur-sur-Tarn, portant à 283 salariés les victimes de cette fermeture. Mais, si la fermeture est douloureuse, la crise peut expliquer cette fermeture.
Suite à cette décision, le 28 novembre 2008 le conseil général assigne en référé Molex et exige la nomination d'un administrateur provisoire pour 3 mois. Décision refusée par le tribunal de commerce de Toulouse le 9 novembre.
Déconcertés, les salariés bloquent leur lieu de travail durant les fêtes de fin d’année 2008 afin d’éviter le déménagement des machines, car ils soupçonnent une délocalisation. La direction de Molex France dément.
Comme le dossier stagne, fin avril 2009, les salariés séquestrent le cogérant de Molex SARL (la filiale française), Marcus Kerriou, et Coline Colboc, deux cadres de l’entreprise. En parallèle, la bataille judiciaire continue et commence à donner des résultats : un report de quatre mois de la fermeture du site.
En mai 2009, le CE de l’entreprise publie un rapport produit par le cabinet d'expertise comptable SYNDEX qui montre que l’usine est rentable économiquement. Ceci donne lieu a la suspension par la justice du plan de restructuration pour défaut d'information et de consultation du CE. Les dirigeants, qui ne l’entendent pas de cette oreille, font appel.
La situation s’envenime en juillet 2009 et les salariés déposent un préavis de grève illimitée. Fin juillet, le gouvernement s’en mêle et il s'engage à négocier avec les dirigeants de Molex afin de trouver une solution de reprise pour l'usine. Mais en août, la situation dégénère et le directeur du développement de Molex est agressé à la sortie de l'usine. Cet évènement provoque la décision de Molex de gérer ce dossier directement des États-Unis. Ceci donne un espoir aux salariés qui stoppent la grève. L’entreprise indiquer travailler avec le gouvernement afin de trouver une solution. Mais la fermeture reste la seule solution proposée par la direction américaine. Puis le 28 août 2009, la direction déclare être en négociations avec une société susceptible de réindustrialiser le site de Villemur-sur-Tarn. Mais l’espoir est de courte durée lorsque début septembre le groupe annonce l’échec des négociations.
Les partenaires sociaux se sentent libres d’assigner Molex en référé pour non-paiement des salaires. L’espoir arrive cette fois du gouvernement qui indique être sur le point de signer un accord avec le fonds d'investissement américain HIG et la direction de Molex pour une reprise partielle du site. Mais l’espoir ne durera pas : l’usine ferme définitivement en octobre 2009.
En avril 2010, la justice donne raison aux salariés et au CE en condamnant à 6 mois de prison avec sursis deux anciens dirigeants pour entrave au bon fonctionnement du CE. Ce qui n’est vraiment pas cher payé si l’on considère le sort de 200 personnes.
Au final, c’est 188 dossiers qui sont déposés aux prud’hommes contre Molex. Ces dossiers provoquent la décision, en octobre 2010, de la liquidation judiciaire de sa filiale française Molex Automotive SARL. C’est un véritable scandale pour les Molex, car c’est cette filiale qui est chargée du paiement des congés de reclassement et du Plan de Sauvegarde de l'Emploi. La liquidation implique donc que le plan social ne sera plus financé ! Le groupe américain se sert de cette décision comme moyen de pression et indique qu’il refuse de revenir sur sa décision si les plaintes déposées aux prud'hommes ne sont pas retirées. La direction de Molex, qui a déjà financé 90% du plan (30 millions d'euros) et redoute de devoir payer plus avec les actions au prud’hommes. L’entreprise pourrait même devoir payer de 100 000 a 200 000 euros par salariés. Le plan social actuel prévoit 5 ans de salaire par employé.
Mais le vrai scandale est là : ce mercredi 27 octobre, le groupe annonce des bénéfices "record" au troisième trimestre qui décide d’augmenter de 14,8 % le dividende versé à ses actionnaires. Avec un chiffre d'affaires de 897,7 millions de dollars, en hausse de 33 % sur un an, et un bénéfice net de 75,1 millions de dollars, le groupe américain est bien loin de sa contre-performance de l’année dernière '(perte de 15,1 millions). Pour les Molex et le gouvernement, c’en est trop : le gouvernement annonce avoir demandé à Renault et PSA de ne plus avoir "le moindre échange commercial" avec Molex et de renégocier les contrats en cours. Belle réaction, qui fait scandale chez Molex USA, mais qui ne devrait pas, car nous pouvons douter que PSA ou Renault se prive, à l’avenir, de Molex si, sur certains produits, cet équipementier est moins cher que les autres. Les achats de Renault et PSA sont suffisamment forts dans leur entreprises respectives pour ne pas tomber dans ce piège. L'Etat détient 15% de Renault et 3% de Peugeot il n'a donc pas le pouvoir de les obliger à quoi que ce soit.
Nous avons donc un groupe américain qui décide de fermer une usine française rentable (surement pas assez, mais par rapport à quoi ?) en pleine période de crise et qui, parce que les salariés contestent en justice le non-respect par le groupe de la loi française, décide de ne plus payer le plan social. Dans le même temps, la crise est finalement passée et le groupe fait plus de bénéfices qu’avant la crise. Nous avons là tous les ingrédients du modèle ultralibéral que l’on nous vend en permanence dans les médias et qui ne cesse de prouver qu’il ne mène qu’à l’exclusif enrichissement des actionnaires et l’appauvrissement de tous les autres.
La preuve ? "Le ministre Estrosi a une nouvelle fois adopté une approche très agressive concernant notre situation en France. Nous sommes très surpris que le gouvernement français interfère dans nos relations commerciales" a déclaré la vice-présidente de Molex, Ana Rodriguez, en charge des ressources humaines, dans un entretien téléphonique à l'AFP. Pour elle, il s’agit uniquement d’une “interférence”. C’est normal puisque dans la doctrine ultralibérale, l’état ne fait presque plus rien et les société sont souveraines. De quoi se mêle-donc ce “petit ministre français” ?
D’ailleurs elle continue : "Il y a eu beaucoup de confusion entre les résultats que nous avons publiés pour l'ensemble du groupe et ce qui se passe en France", en effet, dissocier le groupe et la filiale française est pratique car quand la crise est là : on peut supprimer l’un sans que l’autre fasse faillite. Quand tout va bien, il n’y a plus aucun rapport financier entre les deux non plus. La vie des entreprises est simple dans le royaume ultralibéral : personne n’est responsable de rien, sauf pour récupérer les dividendes, dans ce cas cette lourde responsabilité n’incombe qu’aux seuls actionnaires. Facile !
Que représente une poignée de 200 salariés face à la gourmandise d’actionnaires exigeants des rentabilités à deux chiffres ? Molex nous le rappelle : ils ne représentent ab-so-lu-ment rien !
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