Depuis quelques temps le gouvernement utilise a tord et à travers le terme d’”erreur matérielle”. Bien pratique pour expliquer tout et n’importe quoi, c’est la mode !
Cela a commencé le 17 octobre 2008 par le remise en liberté d’un violeur récidiviste présumé. La révélation de l’affaire provoque un débat public houleux. Une enquête est menée par R. Dati qui révèle un mot “confirme” transformé par erreur en “infirme”. Le parquet général, après avoir officiellement déposé vendredi une "requête en rectification d'erreur matérielle" en "exécution des instructions" du garde des Sceaux Rachida Dati, a annoncé que la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris allait l'examiner le 31 octobre 2008. Une faute de frappe est-elle une erreur matérielle ?
En Avril 2009 alors que l’affaire d’espionnage de Greenpeace par des responsable d’EDF est a son comble, le responsable de la sécurité d’EDF, P. Durieux n’est finalement plus mis en examen pour espionnage en raison d’une erreur dans le procès-verbal de son audition de sa mise en examen pour “complicité d'introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données". Le juge a alors rendu une ordonnance en "rectification d'erreur matérielle" afin de rendre à Durieux son statut de simple témoin dans l'affaire.
Ensuite, a eu lieu une modification en douce de la loi annulant la possibilité de dissolution d’une personne morale (comme une secte par exemple) en matière d’escroquerie. L’affaire est passée inaperçue durant des mois lorsque le scandale a éclaté. La ministre de la Justice, M. Alliot-Marie, a alors déclaré sur Europe 1 : “Il s'agit là d'une erreur matérielle et elle sera corrigée dès que possible. Je vais effectivement déposer, à l'occasion du prochain texte pénal une mesure qui permettra de dissoudre notamment des associations, des groupes et des sectes". En effet le procès d’une secte bien connue devait se tenir quelques semaines après. Une partie de la gauche et les syndicats de magistrats estiment qu'il ne peut s'agir d'une erreur, la disposition en question ayant figuré dès le départ du processus. Ils soupçonnent une vote "sur mesure".
Il y a eu ensuite, le 23 Octobre 2009 un vote d’un amendement permettant d’ajouter une taxe de 10% sur le bénéfices des banques avec 44 voies pour et 40 contre. Evidemment ceci n’est pas du goût du gouvernement et a fait revoter l’amendement le lundi suivant : l’amendement est cette fois rejeté par 81 voix contre 51. La raison de ce “re-vote” d’un amendement déjà voté ? La ministre de l’Economie Christine Lagarde a une nouvelle fois justifié cette seconde délibération en arguant d’une "erreur matérielle d’ailleurs reconnue", sous les protestations des députés de gauche.
Le mardi suivant (le 27 octobre 2009), l’UMP Pierre Méhaignerie s'est abstenu lors du vote sur la partie "recettes" du projet de loi de finances pour 2010. Quelques heures après ce scrutin, son secrétariat a dit dans un communiqué que cette abstention "résulte d'une erreur matérielle" et que l'intéressé avait bel et bien "voté pour".
Le 21 décembre 2009, Jean-Jacques Pignard, sénateur centriste, suppléant de Michel Mercier, se trompe de bouton et voter contre le projet de modification des circonscriptions électorales du gouvernement ce qui a eu pour effet le rejet du texte. Une erreur matérielle est invoquée.
Et voila que le gouvernement remet cela le 14 octobre 2010: Le Sénat aurait rejeté (155 voix pour, 181 contre), à la suite d'une erreur de vote des centristes, l'article 4 de la réforme des retraites qui porte sur les modalités d'allongement de la durée de cotisation jusqu'en 2020. Rien que cela… Bien entendu le gouvernement ne pouvait pas en rester là : le ministre du travail, Eric Woerth, qualifie ce vote d’"erreur matérielle" et indique que "le gouvernement demandera en temps et en heure une seconde délibération sur cet article" (qui ne pourra intervenir qu’à la fin du vote complet du texte). La faute au sénateur centriste de Mayotte, Adrien Giraud, qui, accrochez-vous, avait la délégation de vote pour l'ensemble de son groupe, et qui se serait trompé dans la couleur des bulletins de vote. Cela se passe comme cela à l’UMP, un vote ne plait pas ? On revote. Ce qui est également incroyable est qu’un seul sénateur puisse représenter tout un groupe ! Encore un métier sympathique où l’on est dispensé de venir même lorsque l’on vote une loi majeure de la république. Cela en dit long aussi sur le sérieux de ces sénateur et sur l’estime qu’ils nous vouent…
En vérité la correction “d’erreurs matérielles” est une possibilité offerte par l’article 462 du nouveau code de procédure civile : « Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ». Ce terme, comme nous l’avons vu, est de plus en plus utilisé même hors contexte juridique et recouvre tout et n’importe quoi, de la faute de frappe au bouton “mal appuyé”. Pratique non ?
1 commentaire:
bonjour, moi, c'est une juge qui a transformé mes 1 mois de sursis en 5 mois sur papier, entre avril 2008 et novembre 2008. témoins journal local, extrait du "plumitif", le président du tribunal qui devait rectifier l'erreur matérielle, s'est assis dessus, ce 11 mai 2010. Il m'a même montré d'autres documents rédigés par des gens du tribunal prouvant que c'est bien 1 mois, tout en me disant qu'ils n'étaient pas signés (quel dommage!...). en fait d'après ce que j'ai compris, aucun document du tribunal n'est une preuve. et comme je vis à Calais où je suis militante, j'ai de grandes possibilités de (re)tomber sur les CRS pourchassant les réfugiés. c'est-dire que 5 mois de sursis, plus un autre mois de sursis, ça fait beaucoup. Je suis persuadée que la juge a transformé volontairement ma condamnation, tant j'eus l'occasion de la dénoncer pour ses propos et attitude envers les réfugiés. le président du tribunal m'a d'ailleurs conseillé d'aller la voir... (ce que bien sûr je ne ferai pas)
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