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jeudi 24 février 2011

Porsche, la fin du luxe ?

On ne présente plus l’entreprise Porsche, fleuron de l’industrie automobile de luxe. Pourtant depuis 2007, l’entreprise a supporté de nombreux soubresauts, véritable effet domino d’une décision folle et ridicule du dirigeant de l’époque. Nous verrons comment une simple décision erronée peut conduire un constructeur de luxe à envisager de fabriquer en Chine ses Porsches !

Fondé en Allemagne en 1947 par Ferry Porsche, fils de Ferdinand du même nom qui fut le créateur de la première Wolkswagen. Porsche est aujourd’hui le constructeur automobile et le groupe d’entreprises le plus rentable au monde du point de vue de la marge. Avec 11,63 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour un bénéfice de 9,8 milliards d’euros, l’entreprise est principalement aujourd’hui encore une entreprise familiale. Les familles Porsche et Piëch possèdent la totalité des droits de vote même si l’entreprise est soutenue à 50 % tout de même par des investisseurs institutionnels ou privés.

Pourtant, cette histoire idéale pour les actionnaires est mise à mal en 2007 par une idée, que l’on sait ridicule maintenant : prendre le contrôle de Volkswagen. Pour ce faire, Porsche avait emprunté 10 milliards d’euros à court terme. L’affaire s’est très mal passée et finalement Volkswagen et Porsche ont dû entamer une fusion.

Porsche qui avait plus ou moins discrètement acheté trop d’action Volkswagen est contraint par la loi allemande en mai 2007 de faire une OPA sur ce dernier, car il a dépassé 30 % du capital. Comme on pouvait s’y attendre, l’OPA forcée est un échec. Porsche dispose désormais de seulement 30,97 % de Volkswagen. Pourtant, les bénéfices de Porsche explosent, car Volkswagen dans le même temps a triplé son bénéfice net.

Les actions Volkswagen qui avaient fortement augmenté auraient dû faire plaisir à Porsche, pourtant, en vertu d’une loi allemande sur les plus-values, Porsche se devait de reverser une somme très importante au Trésor Public allemand. Ce fut le départ d’une incroyable succession d’erreurs et de manque de chance pour la famille Porsche.

Porsche crée une holding pour gérer les deux entreprises et devient une société européenne. Mais la discorde commence : le comité d’entreprise de Volkswagen porte plainte contre Porsche qu’il accuse de noyauter la holding. En 2008 Porsche monte à 35,1 % et obtient l’autorisation d’aller jusqu’à 50 %. L’opération est globalement risquée, car c’est un petit (11 000 personnes) qui prendrait le contrôle d’un géant de 324 000 personnes.

Porsche doit remettre à plus tard sa prise de contrôle en raison d’un cours de bourse difficilement maitrisable pour l’action Volkswagen, il devient officiellement propriétaire de Volkswagen qu’en janvier 2009. Cette précipitation étonne tout le monde, mais l’affaire est faite. Porsche possède 50,75 % de Volkswagen !

Encore un aléa de la loi Allemande, la prise de contrôle de Porsche sur Volkswagen implique que Porsche doit faire une OPA sur Scania (constructeur de camions) dont Volkswagen est actionnaire. Évidemment, cela n’intéresse pas Porsche et l’opération est préparée pour échouer, ce qui fut le cas.

Si dans un premier temps les profits de Porsche s’envolent, la dette de ce dernier est inquiétante. Il lui faut de l’argent frais rapidement pour rembourser son achat. Sa stratégie est simple et classique : faire payer a Volkswagen le propre prêt qui a servi à l’acheter. C’est une manière de procéder classique des investisseurs sans scrupules. Pour ce faire, Volkswagen doit être saigné à blanc et “cracher” tout le “cash” possible. La situation dérape lorsque l’impact de la crise touche à la fois les résultats de Porsche et de Volkswagen. La holding manque cruellement de liquidité pour rembourser ses prêts.

Pourtant, Porsche avait oublié encore un autre détail, Volkswagen ne lui appartient qu’à 50,7 % et dans les investisseurs restants il y à la région du Land de Basse-Saxe qui possède tout de même 20 %. Or cet investisseur n’est évidemment pas d’accord pour autoriser ce “pillage” qui le spolierait ainsi que les emplois de la région. Porsche ne peut donc faire main basse sur toutes les liquidités de Volkswagen.

La situation est alors critique pour Porsche : il doit trouver de l’argent au plus vite et n’a d’autre choix que de chercher un partenaire investisseur. Il lui cèderait alors le contrôle de Volkswagen. Ces dernières années d’efforts ont été anéanties très rapidement et il se trouve dans une situation pire qu’avant…

La situation catastrophique de Porsche implique celle de Volkswagen, ils sont dans la “même galère” maintenant et les deux familles sont contraintes d’unir leur force. Deux options sont alors évoquées : la famille Porsche propose que les deux groupes fusionnent dans une nouvelle holding et trouvent des investisseurs extérieurs pour obtenir de l’argent frais, la famille Volkswagen propose que “leur entreprise” (Volkswagen) prenne le contrôle de Porsche !

Finalement, c’est bien la dernière solution qui sera choisie même si l’intervention d’un investisseur extérieur est inéluctable. La dette de Porsche dépasse le 16 milliards d’euros et si Volkswagen “racle les fonds de tiroirs” pour pouvoir injecter 3,3 milliards dans l’achat de 42 % de Porsche, ce n’est tout de même pas suffisant. Le fond Qatar Holding débourse 7 milliards d’euros et devient le troisième actionnaire de Volkswagen.

Mais les ennuis ne s’arrêtent pas là pour les deux entreprises : les effets de la crise de 2008 associés à ceux de cette abominable saga font que Porsche essuie ses premières pertes depuis 1990 : 4,4 milliards d’euros manquent dans les caisses. Pour s’en sortir, Porsche doit encore céder de la place à la Qatar Holding qui monte à 17 % du nouvel ensemble. C’est (enfin !) le coup de grâce pour le patron de Porsche, Wendelin Wiedeking, et cette dernière catastrophe lui coute son poste. Il est remplacé par le numéro 2 de Volkswagen, Michael Macht.

En décembre 2009, Volkswagen possède enfin 49,9 % de Porsche pour la modique somme de 3,9 milliards d’euros. Porsche devient donc la dixième marque de Volkswagen.

Mais notre histoire est loin d’être terminée. En janvier 2010, des fonds d’arbitrage anglo-saxons attaquent Porsche en justice pour manipulation du cours de bourse sur l’action Volkswagen. Ils veulent 1 milliard de dollars, car ils reprochent à Porsche d’avoir menti en 2008 sur son intention de prendre le contrôle de Volkswagen et d'avoir ainsi berné le marché. Le cours de l’action Volkswagen avait alors fortement varié à la hausse (plus de 1000 euros l’action) entrainant des pertes chez leurs clients qui avaient parié à la baisse ! (NDLA: il faut tout de même être gonflé ! Jouer au casino et attaquer en justice lorsqu’on perd).

Volkswagen qui n’a toujours pas fini de financer son acquisition forcée de Porsche lève 4,1 milliards d’euros en avril 2010. Cette dernière place un homme de confiance à la tête de Porsche et Michael Macht est remplacé par Matthias Müller. Malheureusement, Volkswagen doit encore investir 3,3 milliards d’euros dans le rachat nécessaire de la filiale de distribution internationale de Porsche...

Janvier 2011, l’affaire des fonds d’arbitrage anglo-saxons n’est toujours pas réglée, ils sont maintenant au nombre de 39 et demandent 2 milliards de dollars. Porsche indique pour sa part qu’il va se défendre énergiquement contre ces attaques.

Mais Porsche doit encore 6 milliards d’euros et il est encore obligé de demander 5 milliards d’euros à ces actionnaires. La fusion n’est pas encore réalisée et il faudra attendre 2012 pour qu’elle soit terminée. Mais la chance sourit de nouveau à Porche : ses ventes 2010 sont en hausse de 25 % grâce à la reprise économique qui fait revenir en masse les acheteurs, en particulier chinois.

Cette saga peu reluisante n’empêche pas le groupe Porsche de “fanfaronner” dans les médias : pour eux, l’issue chaotique est encore meilleure que celle escomptée pour Porsche à l’origine. Porsche pourra puiser dans les équipements déjà développés par Volkswagen pour ses futures voitures au lieu de développer les siens. Argument, soit dit en passant, qui n’intéresse que les actionnaires, mais en aucun cas les clients, car, je pense que s’ils achètent une Porsche, ce n’est pas pour avoir le même GPS que l’Audi A8 dedans (malgré tout le bien que je pense de l’A8) !

Mais cela ne fait que confirmer une chose : Porsche se “Volkswagenise” et non l’inverse ! Heureusement pour Porsche Volkswagen est plutôt reconnue comme une marque de qualité, mais tout de même ! Cela sera peut-être du gout des clients de Volkswagen, mais certainement pas de ceux de Porsche. Souvent classé N°1 de la fiabilité par ses clients, il se pourrait que cela ne dure pas. L’enquête Allemande menée par l’ADAC (association automobile allemande également, sont-ils influencés ?), classe en effet la Porsche 911 au premier rang de la satisfaction client, vient ensuite l’Audi A5 (Volkswagen, donc), puis Nissan Qashqai, puis la Porsche Boxter pour finir avec deux BMW.

Pourtant, l’ombre de la finance plane. Matthias Müller indique à la presse qu’il pourrait fabriquer ses futurs véhicules Porsche en Chine ! Certes, la Chine est aujourd’hui un de ses gros clients, mais cela prouve qu’il n’a pas compris ce qu’est l’industrie du luxe.

Le Chinois achètent des Porsches non pas parce qu’elles sont chères ou parce qu’elles sont fabriquées en Chine, mais au contraire parce qu’elles sont chères ET fabriquées en Allemagne ! La qualité chinoise, les Chinois l’ont déjà (sans critique de ma part). Les riches veulent du cher pour prouver leur réussite, mais également de la qualité étrangère. Acheter étranger est le top en Chine, car les Chinois ont été longtemps privés de produits étrangers… De même, les produits étrangers étant forcément plus chers, cela fait plus “branché”.

Il y a aussi un autre point que le président de Porsche n’a pas compris, le plus gros. Les Porsches étaient de bonne qualité, car fabriquées à la main par des ouvriers qualifiés et mieux payés que des ingénieurs en France. Lorsque vous passez devant l’usine de Porsche à Stuttgart en Allemagne, le parking en est rempli. Pourtant, il ne s’agit pas la production du jour, mais bien des voitures du personnel. Offrir à tous ses employés la possibilité de conduire une des voitures qu’ils produisent à la main est la clef du succès de Porche en terme de qualité. Chaque ouvrier se sent concerné, car il imagine qu’il construit “sa” voiture. Penser qu’il pourra en être de même en Chine est bien évidemment ridicule. Müller s’en doute et indique « Il n’y a aucun problème, tant qu’on peut affirmer que les véhicules seront conçus par Porsche. », lorsqu’il parle de “conception” il s’agit bien sûr de  recherche et développement, mais évidemment pas de fabrication, or il faut évidemment les deux et je doute qu’il fasse rouler les ouvriers Chinois en Porsches.

Pourquoi cette idée ? Simplement pour partager les facilités de production de Volkswagen en Chine. En effet le petit SUV compact Cajun de Porsche partagera sa plateforme avec l’Audi Q5 prévue pour être fabriquée en Chine. De plus, comme il faut gagner (beaucoup) d’argent l’objectif de vente de 200 000 voitures par an est fixé pour 2018 ! Tout est dit. C’est la fin d’un mythe à cause de l’appétit ridiculement grand d’un dirigeant. Le libéralisme mondial n’avait pas encore broyé les chanceux ouvriers de Porsche, ce n’était pas normal, maintenant c’est fait ! (sic !)

1 commentaire:

briquetporsche a dit…

Porsche représentera toujours le luxe. Pas de souci à se faire!

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