A lire dans Le secours Catholique.
À Arinthod, la crise a limité les dégâts grâce à la reprise de Smoby, le plus gros employeur, et à la réactivité des entreprises.
À Arinthod, bourgade jurassienne de 696 habitants, l’usine de jouets tourne à plein régime. Smoby fabrique durant l’été les produits destinés à la période de Noël. Le nouveau propriétaire de Smoby-Majorette, l’Allemand Simba, a décidé de développer ce site de production du numéro un français du jouet. Ici, tout le monde s’en réjouit. 110 personnes travaillent sur le site d’Arinthod et l’effectif devrait monter à 180 travailleurs avec l’extension de l’usine prévue pour 2011, estime Michel Berthelon, élu CGT au comité d’entreprise. Mais les célèbres petites voitures Majorette, elles, restent pour l’instant délocalisées en Thaïlande.
Cette prospérité a des conséquences : la cadence a augmenté sur les chaînes d’Arinthod. « Aujourd’hui, j’ai monté 136 chaises hautes de poupées à l’heure », déclare une salariée qui apprécie peu d’être chronométrée. Elle gagne 1 300 à 1 400 euros nets par mois. Mais elle ne se plaint pas vraiment. La politique sociale s’est d’ailleurs améliorée depuis la reprise par la société allemande. « Avant Simba, il n’y en avait pas, témoigne Michel Berthelon. C’était la dictature, tandis qu’avec les Allemands, on peut au moins dialoguer. »
Smoby, le plus gros employeur d’Arinthod, survole la crise mondiale. « La boutique tourne bien », estime même le représentant de la CGT. Le secteur du jouet est “sanctuarisé” par les consommateurs. « On se privera toujours pour acheter un jouet à son gamin », remarque Danielle Didier, ex-attachée commerciale chez Smoby.
Et pourtant, Smoby revient de loin. La société a été vendue il y a trois ans à la suite du détournement massif de fonds dont son ancien PDG est soupçonné. Les conséquences ont été dramatiques. Plusieurs usines du groupe ont fermé dans le Jura. Seuls 400 salariés sur 1 200 ont gardé leur emploi sur les quatre sites français restants. Une partie du personnel a été regroupée sur Smoby Arinthod, sauvé, semble-t-il, par ses équipements modernes, la qualité de sa main-d’œuvre et sa spécialisation dans le soufflage de gros produits.
Les autres entreprises d’Arinthod réussissent elles aussi à traverser la crise sans grave dommage. L’économie de la plasturgie, qui règne sur cette partie du Jura, reste porteuse. La société Plastique franc-comtois (PFC), créée en 2007 dans le grand bâtiment spécialement construit par la communauté de communes du secteur, se porte bien. PFC loue le bâtiment à la collectivité. L’usine emploie 28 personnes, sans qualification pour la plupart. Les ouvriers travaillent au recyclage de chutes de plastique achetées à des producteurs de fenêtres. « Les perspectives d’activité sont bonnes, nous sommes passés de 70 tonnes traitées à 300 et quelques tonnes en trois ans, et on va encore se développer », annonce le jeune chef d’entreprise, Jérôme Darit.
Heures supplémentaires.
Cette production peu automatisée ne requiert pas de qualification particulière. Deux salariés sont par exemple entrés dans l’usine en emploi aidé et sont aujourd’hui embauchés en contrat à durée indéterminée. Alain Verne est l’un d’eux. Ancien cuisinier, ancien forain, il est content d’avoir trouvé cet emploi. « À 50 ans, confie-t-il, j’étais considéré comme trop âgé partout où je me présentais. On ne m’a d’ailleurs jamais proposé Smoby. Et maintenant, je fais des heures supplémentaires le samedi pour mettre du beurre dans mes épinards », déclare-t-il en souriant.
Jean-Charles Grosdidier, patron de la société de transports éponyme et maire d’Arinthod, réussit lui aussi à préserver son entreprise et ses 90 salariés. Adaptation et reconversion sont ses armes anti-crise.
La plasturgie automobile de la “Plastic Valley” jurassienne est en difficulté ? Les transports Grosdidier se réorientent vers l’agroalimentaire, biscuits dans la région parisienne, fromages en Franche-Comté… Face à la concurrence des transporteurs d’Europe de l’Est, ils opposent la qualité. « Nous avons perdu des clients, mais pas de volume de marchandises », constate le chef d’entreprise. Du coup, il en est « presque » à recruter des conducteurs de poids lourds et du personnel administratif.
Le maire-entrepreneur n’est pas à court de projets. « Un importateur s’est installé ici récemment en créant un entrepôt qu’il lui était impossible de construire dans la région parisienne », déclare-t-il. Et il y a encore ce projet de production de fûts à bière en plastique pour les particuliers… À chaque fois, ce sont quelques emplois créés, si bien que les trois ordinateurs et la liaison Internet destinés aux chômeurs par la communauté de communes sont loin de la surchauffe.
Malgré son apparente prospérité, Arinthod affiche un taux de chômage aux alentours de 10%. « Mais beaucoup de chômeurs sont des intérimaires qui travaillent six à neuf mois dans l’année », nuance Nathalie Darit, secrétaire générale de la mairie.
Globalement, le département du Jura semble s’en sortir plutôt bien, notamment grâce au retour de productions délocalisées en Europe de l’Est ou en Chine il y a quelques années. Ainsi les finitions de lunettes de grandes marques. Le “made in France” a la cote chez les consommateurs. Mais le phénomène se fait discret pour l’heure. Le triomphalisme n’est pas de mise, car pour les patrons ayant choisi la délocalisation, c’est « quelque part un constat d’échec », reconnaît-on à la Direction régionale du Travail et de l’Emploi de Franche-Comté.
Au-delà de la recherche de qualité et d’économies sur les transports, les aides publiques ont compté dans ce retour de balancier, précise-t-on à la chambre de commerce et d’industrie du Jura. Mais on n’en saura pas plus sur l’importance du phénomène, en raison de son caractère « stratégique et confidentiel »… Une tendance d’une ampleur relative, qui semble néanmoins se dessiner sur l’ensemble du territoire français.
François Tcherkessoff
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