David Cameron en Angleterre s’est engagé dans une violente course au désengagement de l’état qui n’est pas sans rappeler l’époque Tatchérienne qui à fortement appauvrit le pays voir notre article sur les privatisations). Éducation, budget des ministères, privatisations, etc. La mesure symbolique de son idéologie : mettre les chômeurs en fin de droit au travail dans des missions d'intérêt général. Il s’agit en fait de 30 heures de travail hebdomadaires et obligatoires, sur quatre semaines « seulement ». Ceux qui ne viendront pas travailler verront leurs allocations chômage supprimées pendant trois mois. Si le sujet excite fortement les néolibéraux et les UMP de tous poils, il révolte les autres. Mais qu’en penser ?
Pour se faire une opinion de cette proposition, il est nécessaire d’examiner les opinions favorables et défavorables au projet et de les regrouper en opinions justes ou erronées.
Les plus de la réforme
- Le travail obligatoire de 30 heures sur quatre semaines n’est pas très contraignant, mais assez pour que les faux chômeurs soient démasqués !
- Remettre au travail des chômeurs longue durée peut redonner du courage à ceux qui, lassés, n’y croient plus.
- Avoir une utilité sociale, même limitée à 4 semaines pour redynamiser les exclus de la société.
- Ces travaux peuvent, éventuellement, améliorer un CV un peu vide.
- Ces heures peuvent aider des associations qui, sans elles, ne peuvent faire correctement faire leur travail.
Les moins de la réforme
- Compliqué à mettre en place, car trouver un emploi utile a plusieurs millions de personnes n’est pas aisé. Par exemple, il ne sera pas souhaitable de demander à un chômeur ayant BAC+5 de balayer les rues.
- Risque de dérive si le travail fourni remplace celui d’une autre personne qui aurait pu être embauchée, ce système ne doit être appliqué que pour des travaux non monnayables sinon il agirait comme une sorte de « délocalisation intérieure »
- Un chômeur doit se consacrer à 100 % à sa recherche d’emploi. Même 30 heures par semaine sont une charge trop grande pour permettre une recherche d’emploi active. Argument minoré, toutefois, par la durée de 4 semaines seulement et qu’en fin de droit, un chômeur passe moins de temps à chercher un emploi.
- Les aides pour les chômeurs en fin de droits sont assez ridicules pour que l’on ne puisse pas vivre seulement avec cela, une journée de chômeur en fin de droit est une bataille quotidienne pour trouver des ressources supplémentaires.
- Cette proposition fait partie d’un ensemble de mesures dont le but est de supprimer, à terme, tout ce qui reste encore des avantages sociaux.
- Réforme très démagogique taillée sur mesure pour les néolibéraux.
Les mauvais arguments pour ou contre la réforme
- C’est une évidence de devoir fournir un salaire si l’on reçoit une rémunération : non, les aides sociales ne sont pas une rémunération, mais une aide. En aucun cas il ne s’agit d’un salaire. Il s’agit en fait d’une aide caritative destinée à définir un seuil minimum de pauvreté. S’exprimer ainsi est comme faire l’aumône, mais en exigeant un service en retour ! Ceux qui pensent ainsi sont comme Sophie de Menton qui indiquait sur Arte le 19 novembre 2009 : « il y avait un homme […] en train de mendier à la gare de Lyon l’autre jour et je lui donne un euro et je lui dis soyez gentil montez-moi ma valise et […] il m’a rendu mon euro et m’a dit je suis mendiant et pas larbin ».
- C’est un retour de l’esclavage sous forme moderne : que l’on soit d’accord ou pas avec cette mesure, on ne peut pas dire que travailler 30 heures pendant 4 semaines n’est tout de même pas un esclavage ! Ceux qui disent cela devraient se renseigner sur ce qu’était réellement l’esclavage. Tout ce que l’on peut dire est que si une tâche est effectuée sans salaire c’est bien un cas d’abus de faiblesse.
- Si l’on considère le travail comme une servitude c’est que nous sommes décadents : faux débat, il n’est pas question ici de servitude ni même de travail d’ailleurs puisque pour qu’il y ait travail, il doit y avoir salaire.
- Tout salaire mérite travail : faux dans ce cas, car ce n’est pas un salaire. Si l’on qualifie une aide sociale à un salaire, alors il faut qualifier une rente à un salaire et donc mettre les rentiers au travail !
- Quand celui qui travaille ne vit pas mieux que celui qui ne travaille pas, pourquoi se lèverait-il tôt le matin ? Faux, il suffit de voir comment vivent les gens qui bénéficient des minimums sociaux pour comprendre qu’ils sont bien loin d’un niveau de confort élevé leur permettant de se passer de travail. Personne ne vit mieux au chômage qu’en travaillant sauf si l’on triche !
- Madame Thatcher a toujours eu de bonnes idées. Cela éviterait peut-être à certains profiteurs professionnels de passer d'éternelles vacances aux frais des contribuables : madame Thatcher a été une catastrophe pour l’Angleterre. Destruction (il n’y a pas d’autres mots) du réseau ferré, privatisation à tour de bras, paupérisation de la société, destruction du syndicalisme et donc du dialogue social (5 lois), forte augmentation de la productivité jamais redistribuée aux salariés, dégradation de la situation de l’Irlande, incitation de l’immigration pour faire baisser les salaires, forte poussée du chômage, désindustrialisation précoce du pays, augmentation considérable des frais universitaires, instauration de la précarité de l’emploi… La liste des âneries de l’époque Thatcher est longue et a pour résultat l’état de pauvreté extrême du pays aujourd’hui. Quant à dire que le chômage est être en vacances, celui qui dit cela n’a jamais été au chômage de sa vie ou fait malhonnêtement référence (car ils sont minoritaires, heureusement !) à la partie des chômeurs qui trichent.
- L’allocation est reversée au titre d'une assurance qu'ils ont payée. On ne demande pas à celui dont la maison brûle qu'il travaille gratuitement pour l'assurance qui le rembourse. Faux, il ne s’agit pas de faire travailler tous les chômeurs, mais ceux qui sont en fin de droit seulement et pour quatre semaines. Nous ne parlons pas ici d’assurance chômage.
- Il ne s´agit pas de travail gratuit, mais bien de "gagner sa croûte", on ne peut pas vivre toutes ces années en charge de la collectivité sans, en échange rendre un petit service. Comme nous l’avons vu, le service n’est peut-être pas si intéressant, si un chômeur prend la place d’un travailleur (nous avons vu que c’était très difficile à organiser correctement), c’est finalement une diminution de la richesse du pays ! Quant à gagner sa croute, nous en avons déjà parlé : les minimums sociaux ne sont pas un salaire, mais, finalement une aumône (même si le terme est un peu péjoratif).
- Elle les incite a retrouver un vrai travail: tant qu'a se lever le matin, autant gagner un salaire convenable et non une indemnité médiocre : Pourrait être vrai si les chômeurs de longue durée n’avaient aucun mal à trouver du travail. Ce qui n’est pas le cas. Dire cela comme cela est donc une manipulation
- Il faudrait tout de même se souvenir qu'après la guerre et jusque dans les années 60 les chômeurs étaient tenus de faire quelques travaux d'utilité publique. Il n'y a rien de choquant et encore moins d'esclavagisme dans le fait d'occuper des hommes et des femmes, il y va bien au contraire de leur dignité : de grâce, ne revenons pas en arrière socialement ! Quant à la dignité de celui qui, épuisé de ne pas avoir trouvé de travail durant des années, doit aller, de force, aider des associations sous peine de perdre son aide sociale, je ne crois pas que ce soit terrible !
- À la fin du dix-neuvième siècle, la route dite de "quarante sous" a été faite grâce aux 40 sous alloués journellement aux chômeurs qui y ont travaillé. Il n'y a rien d'anormal d'utiliser la main-d’œuvre des chômeurs. Il n'y a rien de vexant puisque la collectivité paie des droits aux chômeurs : cet argument ne tient pas, car la route en question a été construite par des ouvriers qui étaient payés 40 sous par jours. Faire une parallèle avec la mesure de Cameron est ridicule, car il s’agissait d’ouvrier employé et pas de chômeurs en fin de droit à qui l’on demandait une compensation à l’aide sociale qu’ils avaient (il n’y avait pas d’aide sociale à l’époque), ce n’était pas des chômeurs puisqu’ils étaient employés à la journée. C’était un travail précaire « équivalent » d’un SMIC d’aujourd’hui !
Qu’en conclure finalement ?
Simplement que le sujet déchaîne les opposants comme les partisans et que dans tous les cas il s’agit plus d’une « mesurette » propagandiste néolibérale qu’une vraie mesure destinée à aider les chômeurs. Il s’agit surtout d’un signal envoyé au peuple anglais pour lui faire comprendre, s’il en avait encore besoin, que l’état providence et bel et bien fini. Soyons certain que cette mesure électoraliste aura grand mal a être mise en place et si elle y parvient, paupérisera encore plus l’Angleterre.
Mais ce qui fait le plus froid dans le dos c’est surtout de se rappeler que cette mesure était dans le programme d’un certain Nicolas Sarkozy : Dans son projet pour la France page 7, section 4 intitulée "Réhabiliter le travail" il est écrit : « Je ferai en sorte que les revenus du travail soient toujours supérieurs aux aides sociales et que les titulaires d'un minimum social aient une activité d'intérêt général, afin d'inciter chacun à prendre un emploi plutôt qu'à vivre de l'assistanat. » (Nous voyons clairement d’où viennent certaines opinions ci-dessus). Le président réaffirme cette conviction dans de son manifeste "Ensemble" de mars 2007 à la page 140 : « Si je suis élu […], je ferai en sorte que plus aucun revenu d'assistance ne puisse être supérieur au revenu du travail et que plus aucun revenu d'assistance ne soit versé sans que soit effectuée en contrepartie, pour ceux qui le peuvent, une activité d'intérêt général qui leur converse le sentiment de leur utilité sociale.". Et encore dans son ouvrage « Témoignage », page 143 : « Le peuple de France sait ce qu'est le travail. Il n'en a pas peur. Mais l'inversion délibérément organisée des valeurs entre le travail et l'assistance a totalement perverti les repères […] Quand celui qui travaille ne vit pas mieux que celui qui ne travaille pas, pourquoi se lèverait-il tôt le matin ? ».
Ce qui est bien avec Nicolas Sarkozy c’est qu’il est plein de ressources néolibérales et que ce que l’on croit le pire ne l’est jamais. Si les Français avaient vraiment lu le programme du candidat Sarkozy, je ne pense pas qu’il aurait été élu…
5 commentaires:
Cette mesure fait partie d'un ensemble de manoeuvre qui vise à mettre l'Etat dans une situation où il n'est plus en devoir de redistribuer de l'argent (chômage, retraite, etc), et du coup, l'Etat n'est pas en droit de réclamer de l'argent sous forme d'impôt ou de cotisation sociale...
Le principe est simple, les riches ne veulent pas payer d'impôt, tout simplement.
Il s'agit ici d'une mesure pour faire accroire que le chômage est dû uniquement aux chômeurs et pas au système économique...
Pour compléter mon petit speech sur la manière de résoudre le problème une fois pour toute et vite fait bien fait, après qu'on ait bien compris qu'ils (les patrons et compagnie) nous roulent dans la farine, il manque de préciser comment trouver les gars capables et désireux de créer leurs propres entreprises.
Voyons... Un peu plus de 10% de la population active dont 25% de jeunes sans expérience, très bien formés et/ou sachant travailler et qui ne demandent que ça: travailler pour acquérir de l'expérience. Très bien. Le type d'entreprises promu par l'Etat serait parfait pour débuter et leur fournir cette expérience sans laquelle ils n'intéressent nullement le secteur privé. Pas question pour autant de faire semblant. Ces entreprises seraient parfaitement viables, rentables et productrices de richesses. Elles seraient simplement gérées de manière juste et responsable. Y a-t-il là quelques petites choses qui restent à mettre au point ? Sans doute mais l'idée ne vaut-elle pas la peine d'être creusée ?
Ce qui me rappelle une histoire sinistre il y a quelques années, en France : une chômeuse s'est vue brutalement privée de droits parce qu'elle faisait du bénévolat aux Restos du Coeur et donc ne se consacrait pas pleinement à la recherche d'emploi...
L'esprit de réforme, sauce anglaise, à la chasse au renard ouvrier
L'Anglais standard est un type farci de bon sens. Comme il a deux mains, deux pieds, deux yeux, il sait, par expérience, que, dans la vie, tout va par deux: le haut, le bas, la gauche, la droite, Laurel et Hardy. Les borgnes, les estropiés et les manchots, évidemment, ne comprennent rien à cette extension foudroyante, en droits, de l'homme, dans l'espace public, et donc s'ils tentent, à leur corps défendant, de freiner la concurrence frénétique qui pour l'heure règne et divise entre eux les êtres humains, c'est qu'ils ont perdu tout sens commun. De ce don si précieux de sa personne à la common decency, l'Anglais de haute basse cour a toujours tiré les moyens de son gouvernement. Il y a deux sortes d'hommes, dans la vie, n'est-il pas! Le capitaliste que les lois empêchent, entravent, embarrassent et le prolétaire qui, sans la Loi, verserait, à toute vitesse, dans le caniveau. Nous venons de résumer plus de quatre siècles de philosophie anglaise, en matière d'organisation sociale, soucieuse de pendre les pauvres par milliers et d'imposer le travail forcé, où et quand sa mansuétude, à l'encontre des incapables économiques, l'exige.
Car nous ne cesserons jamais de le répéter, en dépit des tartufferies et jérémiades, à propos de la repentance, la colonisation des peuples, contemporaine de l'ouverture du monde au monde du commerce moderne, cette armada ininterrompue de marchandises matérielles et humaines, a commencé aussi, ici même, en Europe. Aussi est-il logique qu'on persiste à parler des aspects positifs du colonialisme, qui plus est, en appelant Marx à la rescousse, avec un toupet hors du commun, Marx qui n'a jamais dit que les classes capitalistes étaient révolutionnaires, en tant que telles, mais, et c'est plus qu'une nuance, que le mode de production capitaliste avait révolutionné les sociétés, ce que personne aujourd'hui ne songe à nier. Mais la goinfrerie inouïe des classes capitalistes, inquiètes de leur insatiable gloutonnerie, du moins du reflet, de l'image que cette dernière projette dans toutes les couches et classes de la société, y compris parmi l'élite qui s'emploie, quel qu'en soit le motif, à défendre leurs intérêts, les poussent à exiger beaucoup plus que la simple richesse matérielle. Elles veulent la reconnaissance qu'elles dénient aux classes sociales, sans lesquelles leur mode de vie disparaîtraient. C'est donc clôturer dans ses propres certitudes intimes, doublées d'une arrogance sans borne, que le pragmatisme tyrannique anglais, qu'un million de pingouins, en France, applaudissent, vient de réinstaurer le travail obligatoire.
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