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mercredi 25 mai 2011

Les motivations suspectes de la campagne pour relancer l’industrie en France

A lire sur le blog de Philippe Silberzahn (professeur d’entreprenariat et d’innovation à EMLYON Business School et à l’Ecole Polytechnique de Paris):

Le vent de panique qui saisit nos élites face au différentiel de croissance entre nos deux pays s’est récemment traduit par des appels à la relance de l’industrie en France. En effet, le tissu de PME industrielles très focalisées et très performantes est clairement identifié comme l’une des grandes forces de l’économie allemande. Bien sûr, tout le monde ne peut qu’être favorable au développement de l’industrie française. En outre, de nombreuses entreprises ont touché aux limites de la délocalisation à l’extrême et un mouvement de « relocalisation » se dessine, tirant avantage des coûts de transport, de l’instabilité géographique et de l’avantage qu’il y a à produire près de ses clients, notamment au niveau de la réactivité. Mais espère-t-on vraiment qu’on reviendra aux temps glorieux de la manufacture?

Paul Krugman, prix Nobel d’économie, observe qu’en 1970, les américains consacraient 46% de leurs dépenses dans l’achat de biens (manufacturés, agricoles ou miniers). En 1991, ce chiffre était tombé à 40,7%, les gens consacrant une proportion de  plus en plus importante de leurs revenus aux services de santé, voyages, loisirs, honoraires d’avocats, restauration rapide etc. Et Krugman d’ajouter « Il est peu surprenant que l’industrie devienne une partie de moins en moins importante de l’économie ». Et nous suivons la même tendance. Nous allons donc vers une société du service et il est illusoire de penser que nous renverserons la tendance. Dit autrement, les emplois industriels qui sont partis ne reviendront pas, un point c’est tout, comme l’observe David Audretsch dans son excellent livre sur la société entrepreneuriale. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’avenir pour l’industrie en France, bien au contraire, mais plutôt que l’industrie qui persistera sera à valeur ajoutée et que les sources de croissance seront essentiellement dans le service.

Mais voilà, le service n’intéresse personne, et en particulier pas la grande bureaucratie pompidolienne qui a vécu son heure de gloire avec les grands projets industriels, ceux qu’on nous ressort en permanence: le TGV, le nucléaire, les usines Renault, etc. Le service, c’est trop petit, pas assez techno, et cela n’intéresse pas les technocrates que le monde entier nous envie. Pire, ce monde qui se dessine, en France plus lentement qu’ailleurs mais qui se dessine certainement, n’aura pas besoin d’eux. Alors la prochaine fois que vous entendrez ou lirez un aristocrate de l’ancien régime, celui de l’économie techno-dirigée, plaider pour le retour de l’industrie, sachez qu’il n’y a rien derrière d’autre qu’un long cri d’incompréhension devant le nouveau monde et de rage quant à ce qu’il implique, à savoir la disparition de leur pré-carré.

Note: la référence à Paul Krugman provient de l’excellent blog Analyse Economique. L’original de l’article de Krugman est ici.

2 commentaires:

Bertrand Buisson a dit…

Ce que des Krugman et des Silberzhan ne comprennent pas, c'est que les services sont fait pour servir l'appareil productif. Sans cela, on ne parle que de services financiers, de la com', de audiovisuelle, du web, etc. qui sans la vision à long terme d'une société de producteur sont voués à parasiter le développement de la société et de ses jeunes en particulier. Sans la production, les services sont des sévices!

L'industrie ce n'est pas simplement des usines avec des ouvriers dedans. La productivité y est avant tout déterminée par les infrastructures environnantes, le niveau technologique de la production de l'énergie, le niveau général d'éducation, le développement culturel, le système de santé, la recherche, et le système de crédit public qui permet de le financer.

La véritable création de valeur (celle capable de maintenir cette dynamique de productivité) ne se fera jamais dans les services, ceux-ci étant dans le virtuel (relativement à cet impératif physique de développement).
La véritable "valeur" ne se mesure pas en terme monétaires et comptables, mais bien dans le gain de productivité physique du travail qui donne le pouvoir à une société de vivre mieux et plus nombreux, en préparant toujours la prochaine étape de développement.

M.H. a dit…

Buisson,

Je crois que vous avez grand besoin de lire des ouvrages d'économie de base. Ce sont les fantastiques gains de productivité des secteurs industriels qui recquièrent moins de main d'oeuvres, et laquelle main d'oeuvre se concentre dans les services. Une autre explication, c'est que ce genre de produits est d'un genre très inélastique, donc même si les prix baissent, les gens n'en achètent pas plus; c'est le cas de la nourriture. Les préférences évoluent, et la structure de l'emploi s'adapte. Les services gonflent dans la part du PIB, la production industrielle diminue dans la part du PIB.

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