A lire dans La Tribune.fr:
Les chefs d'entreprise de l'Isae Executive Club "lancent un cri d'alarme" sur la situation du métier d'ingénieur en France. Ils publient un livre blanc qui formule douze propositions.
Ces derniers mois, la situation du métier d'ingénieur a suscité nombre de contributions, parfois polémiques : proposition de labelliser les formations universitaires (avorté face à la levée de boucliers des écoles), rapport de l'institut Montaigne préconisant de rénover la formation, mobilisation des doyens européens des formations en ingénierie pour favoriser les pratiques innovantes (La Tribune du 25 février 2011). A sont tour, l'ISAE Executive Club, collectif qui regroupe une centaine de cadres dirigeants et de chefs d'entreprise, vient de lancer un "cri d'alarme" en publiant un livre blanc ("Réinventer le métier d'ingénieur pour en valoriser le rôle dans la société"). Ils formulent "douze propositions pour sauver le métier d'ingénieur" et éviter à terme "la perte de la maîtrise des technologies et de l'innovation" pour la France.
"La France - et l'Europe - n'aime plus son industrie. L'industrie (hors services à l'industrie) n'y représente plus que 16% du PIB contre 22% en 1998", énonce l'ouvrage en préambule. En cause, "une sorte de désertion d'un trop grand nombre d'ingénieurs formés et diplômés en France, qui boudent l'exercice des métiers scientifiques et techniques". Beaucoup alertent d'ailleurs depuis plusieurs années sur une pénurie d'ingénieurs. "Il n'y a pas à proprement parler de pénurie. La France en forme 30.000 par an ce qui correspond aux besoins du pays. Mais il y a un véritable désamour, nombre de diplômés exerçant finalement d'autres métiers notamment dans la finance", analyse Jacques Lefèvre, co-auteur du livre blanc. Le président de l'Isae Executive Club attribue cette désaffection à l'image vieillotte et austère véhiculée par la profession, la baisse de rémunération dont sont victimes les jeunes diplômés (hormis ceux des très grandes écoles) qui intègrent les bureaux d'études et la production ou encore le manque de pratique des enseignements. "La technologie de fait plus rêver", déplore Jacques Lefèvre.
Développer l'entreprenariat
Le livre blanc propose donc trois axes de mobilisation. Renforcer la dimension internationale tout d'abord. "Il faut passer de l'école PME à l'école multinationale, suggère Jacques Lefèvre. Les écoles doivent se regrouper pour créer des pôles ayant une masse critique de 5.000 diplômés par an." Il s'agit aussi de profiter par exemple des grands programmes industriels réalisés à l'étranger pour créer sur place (en Chine, au Brésil...) des sites de formation en label propre. Si le modèle très spécifique de l'ingénieur à la française fait la différence à l'étranger, il souffre toujours "d'un déficit d'image au démarrage", note Jacques Lefèvre. Le danger est donc de voir à terme les diplômés des pays émergents prendre le dessus. Autre axe d'action, le développement de l'innovation et de l'entreprenariat. La faiblesse de ces deux thématiques ont maintes fois été soulevées.
"Les jeunes ont des idées mais ne bénéficient pas de l'environnement nécessaire. Nous proposons d'utiliser les chefs d'entreprise comme stimulateurs d'innovation et créateurs de liens avec les PME innovantes", poursuit Jacques Lefèvre. De fait, les carrières en PME ne sont pas assez rendues attractives. Afin de soutenir l'industrie au niveau local, l'idée est de créer des actions sur les bassins d'emploi (prix innovation...) et de développer le maillage territorial. Enfin, le troisième cheval de bataille est de rapprocher les formations d'ingénieurs et le doctorat, sachant qu'à l'international, c'est généralement le doctorat qui le diplôme de référence. "Le rapprochement entre le monde de la recherche et les écoles d'ingénieurs doit devenir naturel", suggère Jacques Lefèvre. Un mouvement en phase d'amorçage, les écoles commençant à passer des partenariats avec les universités afin que leurs diplômés s'engagent dans des thèses.
Outre une revalorisation du métier aux yeux des jeunes, l'objectif est aussi que les ingénieurs "prennent place dans les débats de société et soient promu comme image du progrès", milite l'Isae Executive Club. Cela commence dès l'école primaire, au sein de laquelle des actions sont prévues en partenariat avec le ministère de l'Education nationale. Dans le sillage de son livre blanc, le collectif compte aussi "porter des actions en commun avec le syndicat professionnel Ingénieurs et scientifiques de France (IESF, ex-CNISF) et la conférence des grandes écoles, sans oublier le lobbying auprès du monde politique, à commencer par le ministère de l'enseignement supérieur. L'enjeu est taille : freiner la désindustrialisation de la France et éviter que les technologies d'avenir deviennent l'apanage des pays émergents.
Clarisse Jay - 13/04/2011, 09:31
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire