La semaine dernière, nous avons appris que le fond de la cuve du réacteur N° 1 était percé. Le combustible aurait fondu et serait prêt si ce n’est déjà fait) à se répandre sur la dalle de béton.
Le phénomène se serait produit en fait une vingtaine d’heures après que le refroidissement du réacteur a été coupé par le tsunami. Les barres auraient totalement ou partiellement fondu et auraient suinté vers le fond de la cuve. Cette dernière n’aurait pas résisté et se serait fissurée. L’injection d’eau de refroidissement dans le réacteur n’aurait pas donné satisfaction dans la mesure ou la cuve était percée. D’où une inondation d’eau fortement radioactive dans les sous-sols du réacteur dont nous avons entendu parler. TEPCO parle d’une température de fond de cuve de 120 °C ce qui parait trop raisonnable vu les circonstances.
Quels risques ?
La cuve percée va ou a déjà laissé passer le combustible fondu appelé corium. Il s’agit d’une sorte de lave de matériaux radioactifs en réaction permanente lui permettant d’entretenir une chaleur intense pendant des centaines d’années. Ce corium issu de la fusion du matériel combustible est bien entendu considérablement radioactif et nocif. À l’air libre, il va polluer fortement l’air de la centrale. Ceci va limiter ou même rendre impossible les opérations de diminution du risque. C’est pour cela que l’on entend parler de la construction d’un sarcophage. Sans ce sarcophage, la centrale serait une gigantesque source de pollution radioactive permanente.
Est-ce la solution ?
La construction du sarcophage n’est qu’une réponse à une dissémination aérienne de particules radioactives. Elle mettra des années à être construite et au prix de nombreuses vies humaines. Sa durée de vie n’excèdera pas 40 ans et comme pour la centrale de Tchernobyl il faudra tous les 40 ans reconstruire une nouvelle enveloppe. C’est donc un beau cadeau que nous faisons a nos enfants, aux enfants de nos enfants et à leurs enfants, etc.…
Mais surtout la pollution de l’eau est celle qui est le plus à craindre. Le cœur fondu une fois étalé sur le béton, va l’attaquer progressivement. Nul ne doute que la dalle de béton ne résistera pas très longtemps aux centaines de degrés du corium. D’autant plus qu’elle a surement été fragilisée par le tremblement de terre, voire qu’elle est déjà fissurée. Le béton percé, le corium atteindra le sol et vu sa température migrera vers les profondeurs. Bon débarras s’écrirons certains ! En effet, le centre de la Terre étant lui-même constitué d’une « sorte de corium », la radioactivité retournera d’où elle vient !
Hélas, il est plus que probable que le cœur rencontre une nappe phréatique sur son passage. Imaginez l’explosion qu’il pourrait s’en suivre ? Rencontre entre un corium en fusion et une eau froide. Sur ce dernier point, explosion ou non, nous n’avons aucune expérience d’un cas similaire, il est donc impossible de faire un pronostique fiable. La lave naturelle qui s’écoule sous la mer ne provoque pas d’explosion (ou très peu) finalement… Le vrai problème, avéré celui-ci, de ce contact est que l’eau potable et marine risque d’être polluées pour des dizaines de siècles. Scénario catastrophe, mais probable : les poissons et fruits de mer ne seront plus comestibles. Pire les animaux terrestres se nourrissant de produits de la mer (comme les oiseaux) seront contaminés. Leurs déjections seront contaminées. Les cultures également. À terme toute la chaine peut l’être…
Une chape de béton également sur l’information
La situation est grave voir désespérante. Remarquez que les médias en France n’en parlent plus. Il est plus croustillant de parler des possibles écarts de DSK mais pas seulement. Il est clair qu’en France un sarcophage est construit autour des informations sur le nucléaire. Nous ne savons rien. Les Japonais en savent un peu plus, mais pas beaucoup. J’avais déjà signalé le témoignage vidéo d’un expatrié français qui montrait, en pleine crise de Fukushima, le contenu des émissions de télévision : que du divertissement.
Les nombreuses erreurs japonaises
Les erreurs japonaises sont nombreuses. Elles vont de la construction de la centrale à sa gestion puis à la gestion de l’accident. Les responsabilités sont privées (TEPCO), mais également gouvernementales. Revue de la somme incroyable des erreurs.
- La centrale n’aurait jamais dû être construite en bord de mer. Cette implantation permet de simplifier la technologie du réacteur, mais le rend moins sûr en cas de problème.
- La centrale n’aurait jamais dû être située en zone sismique.
- La centrale était prévue pour résister à des tremblements de terre de niveaux 7 dans un pays qui a déjà vu le niveau 9 au moment de la construction
- Des ingénieurs japonais avaient averti de l’insuffisance des normes de construction sismique. Ils n’ont jamais été écoutés.
- La centrale n’était pas résistante à une double défaillance (tremblement de terre qui coupe l’électricité et tsunami qui met en panne les générateurs diésel). Double catastrophe pourtant hautement prévisible ! Un tsunami accompagne, hélas, souvent un tremblement en bord de mer
- La maintenance de la centrale était hasardeuse. Le nombre d’incidents sur les centrales de TEPCO au japon (et de ses concurrents également) étaient grand, les gravités des accidents également. Ces anomalies étaient souvent dissimulées.
- La centrale utilisait du MOX qui contient du plutonium (1 milligramme est mortel pour l’homme)
- La centrale de Fukushima a été prolongée, en fait elle aurait dû être arrêtée au moment du tremblement de terre. Notez que cet arrêt, s’il avait eu lieu, n’aurait peut-être pas évité un accident
- La catastrophe étant arrivée, TEPCO a mis en place des moyens ridicules et n’a pas été à la hauteur. Son président a disparu de la circulation, deux semaines après la presse dévoile qu’il est en arrêt maladie.
- Le premier ministre japonais ne se rend pas sur les lieux de l’accident et semble presque ignorer l’accident. Il le minore en tout cas. Il faudra attendre plus d’un mois pour le voir visiter la région.
- La gravité de l’accident a été largement minorée par TEPCO également pour finalement être reclassée au même niveau que Tchernobyl
- Le Japon a de nombreuses fois refusées toute aide internationale. C’est fort dommage, car une aide française et russe aurait été du plus grand secours. Le fait est que des étrangers sur place auraient vu de suite la gravité de la situation
- Le Japon aurait dû faire immédiatement appel aux Russes, forts de leur expérience
- Les mesures prises après l’accident sont inadaptées voir dangereuses
- L’eau fortement contaminée n’aurait jamais dû être rejetée en mer. La contamination de la chaine alimentaire étant à craindre au final. Sans oublier que poissons et fruits de mer sont une composante essentielle de l’alimentation des Japonais
- Les Japonais, numéro un mondial en robotique, se sont trouvés dans une situation ou aucun de leurs robots ne pouvait servir en de telles circonstances. Il a fallu une aide tardive américaine.
- Enfin, et surtout, la construction, la gestion et encore plus la gestion de la crise ne devait et ne pouvait pas être laissée sous la seule responsabilité d’une entreprise privée dont le seul but (comme toute entreprise privée) est de minimiser les couts et de maximiser les profits. On ne peut pas jouer à cela avec le nucléaire
Comment le Japon aurait-il dû gérer cet accident ?
TEPCO aurait dû être partiellement écarté et l’état et l’armée aurait dû prendre le contrôle de la situation. Un budget colossal aurait du être immédiatement alloué sur la base du cout de Tchernobyl. Une zone de cinquante kilomètres autour de la centrale aurait dû être bouclée immédiatement. L’armée aurait dû intervenir pour évacuer de forces toutes les personnes dans cette zone. Les animaux errants auraient dû être abattus, car ils sont vecteurs de pollution radioactive. Un générateur diésel de secours aurait dû être immédiatement mis en place. Une ou plusieurs routes de belle dimension auraient dû être construites pour accéder à la centrale. Une sorte de pont roulant aurait dû être acheminé sur place. Idéalement il aurait pu être télécommandé. Placé au-dessus des réacteurs, il aurait permis de déblayer les gravats, mais également d’extraire les combustibles usagés des piscines, soit 33 tonnes de MOX usagé. L’évacuation de ce combustible aurait pu être faite par mer. Il aurait même pu refroidir dans un port le temps que le Japon trouve le temps et les moyens de l’évacuer de la zone. Pour le cas des cuves, l’histoire est moins simple. Cela n’a jamais été fait dans de telles conditions. Les eaux contaminées auraient dû être évacuées par cargo. Un vieux cargo usagé et proche de la retraite aurait pu faire l’affaire. Ce bateau aurait pu être coulé au large. La radioactivité aurait été relâchée très progressivement dans l’océan sur des dizaines d’années.
Cette affaire est une des faillites du libéralisme économique mondial. Laisser une société privée gérer un tel potentiel de risque est plus qu’absurde. Le Japon paye et payera cher cette erreur basique. Le problème est que les populations, et pas seulement les populations japonaises, payeront également cher. L’accident a déjà et aura des conséquences de long terme sur la santé des populations de la région, mais aussi des régions éloignées. La pollution ne s’arrêtera pas à la frontière française. Lorsqu’un pays fait une telle erreur, c’est l’ensemble des populations de la planète qui risquent de payer, mais qui, elles, n’en ont jamais les bénéfices. Le nombre d’erreurs commises dans cette affaire est tel qu’il est purement et simplement incroyable.
3 commentaires:
Merci de continuer à parler de ce qui se passe à Fukushima et qui est bien plus important pour la survie de la planète que ce qui se passe dans certaines prisons US.
De plus, cet article est fort intéressant, je relaie.
Fukushima, c'est bien, mais il y a d'autres centrales nucléaires japonaises dans le même état ... notamment Monju où le système de manutention des combustibles (3 tonnes, 12 mètres) est tombé dans la piscine --> depuis octobre 2010 ... pas moyen de faire quoi que ce soit et c'est un surgénérateur à neutrons rapides ... Aucun article sur ce sujet, une chape de plomb qui pèse plusieurs tonnes, HONTE aux "journalistes", les affres de DSK, c'est plus vendeur ...
Merci aussi, de parler de fukushima,le silence mediatique,est en effet assez haullucinant, fukushima où 3 accidents nucléaires de niveau 7 sont toujours en cours, et avec une situation trés loin d'etre stabilisée, et toujours à la merci d'un nouveau tremblement de terre, non seulement l'industriel et les autorités japonaises sont incapables de reellement ,sur toute la ligne,correctement gerer la situation, mais la communauté scientifique mondiale non plus, et ce deni de transparence au japon et en france ,avec les stress tests bidonnés,sans experts independants, sans erreurs humaines et sans accidents exterieurs pris en compte, pour cause de campagne electorale , de tête dans le sable,et de catastrophe économique annoncée,au japon , amis en france aussi à terme, et un scandale d'une importance bien plus considérable, pour toutes les consequences sanitaires,sociologiques, economiques , financieres et industrielles que le fait divers "dramatique "de l'hotel sofitel, mais comme tous les faits divers où il y a atteinte à l'integrité d'un individu.
Pour suivre l'actualité au jour le jour de fukushima entre autres, le site wwww.acro.eu.org
est trés bien renseigné...
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