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vendredi 10 juin 2011

Thalès-Safran : un échange d’actifs à hauts-risques pour l’emploi

Les échanges d’actifs, dont la presse s’est fait écho sont en cours de négociations entre les deux spécialistes de l’aéronautique. Après l’échec d’un accord l’année dernière, les discussions entre les deux groupes ont repris récemment, pourtant, la facture risque d’être lourde pour Thalès (on parle de 500 millions d’euros) et cette opération voulue et décidée par le gouvernement débouchera inévitablement sur des licenciements.

L’État, actionnaire commun des deux entreprises, voudrait un échange d’actifs, devinez pourquoi ? Pour former une super entreprise de défense ? Pas du tout ! L’explication officielle est de réduire les dépenses des bureaux d’étude en période de contraction budgétaire. Élégante manière de dire que l’on prendra le meilleur des deux R&D et que le reste, lui, restera sur le carreau ! De plus, les sites R&D des deux entreprises sont suffisamment différents pour que ce montage soit générateur d’importantes mobilités géographiques qui amèneront de nombreuses pertes d’emplois.

L’idée du gouvernement est de réunir chez Safran (groupe issu de la fusion Snecma-Sagem) les activités de navigation inertielle ainsi que celle de génération électrique, tandis que l’optronique (drones tactiques, capteurs, systèmes de missiles, modernisation des avions de combat) ira chez Thales. Pourquoi cette somme de 500 millions d’euros évoquée par la presse ? Simplement parce que les activités apportées par Safran seront plus importantes que celles de Thales. Ce dernier devra donc une compensation d’environ 500 millions d’euros.

La presse parle également d’une coentreprise qui réunirait les activités avioniques de Thales et de Safran ou bien d’une spécialisation de Thalès dans la défense et de Safran dans l’avionique. Sur le papier, cette dernière hypothèse à l’air d’avoir un sens.

Si les financiers trouvent un sens à ce montage, les syndicats, eux, sont inquiets : séparer l’optronique et l’inertiel serait une merveilleusement ridicule idée tant les deux spécialités vont de pair dans l’électronique de défense : “les synergies industrielles entre ces 2 activités sont essentielles à la différentiation technologique et à la compétitivité de chacune d’elles. La maitrise des techniques inertielles permet d’intégrer de manière optimisée les fonctions supplémentaires (localisation, orientation, stabilisation) associées aux équipements optroniques modernes. SAFRAN est un des 2 industriels au monde (le 2e étant américain) à posséder ce facteur de compétitivité qui explique largement le succès commercial de ses équipements. Les quantités importantes de composants inertiels, utilisés dans les équipements optroniques contribuent à améliorer la maitrise de cette technologie de pointe et à rentabiliser un outil industriel complexe.” et pointe du doigt une perte de compétitivité programmée. Du coup, les syndicats ont organisé le mercredi 8 juin une manifestation à l’esplanade des Invalides à Paris.

Pourtant, les analystes financiers applaudissent, car ils pensent que Thales en sortira grandie, les activités de défense étant les plus rémunératrices… Cela ne semble pas être l’avis du PDG de Thales, Luc Vigneron, qui semble freiner des quatre fers. Premier point bloquant : il ne veut pas signer de chèque de 500 millions d’euros. Ce manque de motivation depuis deux ans que traine ce dossier, a conduit l’état à vouloir la tête de Luc Vigneron. Si bien que certains se demandent si cette dernière tentative n’est pas un piège pour ce dernier. Luc Vigneron a été mis en place par Dassault Aviation qui possède 25,9 % du capital de Thales. Contestés au gouvernement et également en interne par une équipe dirigeante qui n’a jamais admis ce parachutage, les jours de Luc Vigneron semblent compromis.

Le versement de 500 millions d’euros par Thales à Safran montre un montage peu équilibré, mais qui risque pourtant de se retourner au désavantage de SAGEM qui en cédant son optronique à Thales risque fort de se retrouver fragilisé n’ayant plus de compétence forte propre. Dans ce cadre nous ne donnons pas cher de SAGEM qui pourrait bien disparaitre rapidement. Le tour de passepasse du gouvernement permettrait donc de faire le ménage discrètement et de se séparer de ceux dont on ne veut plus : cette opération ressemble à s’y méprendre au dé tricotage de la fusion Sagem-Snecma opérée cinq ans plus tôt. Quant au reste du groupe Safran, il est difficile de dire ce que lui coutera cette opération risquée : actuellement “leader” en Europe dans les drones et l’optronique, le montage du gouvernement risque de ne pas lui porter chance…

Autre interrogation : L’intégration d’un millier de salariés issus des usines Safran dans Thales, groupe sans usine, se traduirait, à terme, par la disparition d’emplois, voire la fin de toute production en France ! Un comble pour un gouvernement qui fait semblant de lutter contre la disparition du tissu industriel français, mais qui prend chaque jour des décisions contraires.

Ainsi, le montage imaginé par le gouvernement ressemble, sous cet angle, à s’y méprendre un bricolage mal ficelé (comme beaucoup de choses que fait ce gouvernement) qui donne dès à présent un avant-gout amer. Opération risquée pour l’emploi, risquée pour la compétitivité de Thales et de Safran et suicidaire pour les anciennes activités de SAGEM : Décidément, ce bricolage n’est séduisant que de loin !


Un lecteur m’indique que “SAFRAN est au TGI de Chambéry pour l'illégalité d'un PSE suite a l'externalisation d'une ancienne activité SAGEM, SAGEM MOBILES via une PSE SAFRAN en 2008 a un fonds d'investissement SOFINNOVA. Une affaire avec les mêmes acteurs qui ressemble étrangement a MOLEX.” Lien.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher journaliste "Eugène",
Il serait bon de savoir que le patron de Thales n'est pas Thierry mais Luc Vigneron.

Anonyme a dit…

Le PDG de Thales se nomme Luc Vigneron et pas Thierry Vigneron.
Cordialement

Anonyme a dit…

Très intérréssante analyse, qui repose néanmoins sur un certain nombre d'inexactitude et de parti pris.
Je ne prone pas perso pour quoi que ce soit mais les gabegies vuent les années passées sur certain marché de défenses avec des rivalités franco française nont plus leurs places aujourd'hui (du point de vue du contribuable....)
Nous n'avons pas les moyens de tergiverser, ce genre de lutte nous a couté chere et continue encore pour exemple la problématique DRONE. Nous devons absolument faire émerger des champions avec des spécialités qui seront a même de travailler ensemble pour être compétitif sur les marchés export.... et qui seront synonyme d'emploi en France et a l'etranger pour des etrangers mais aussi des francais...

Anonyme a dit…

Faire émerger des champions. Mais cela va-t-il créer plus d'emploi en France, et surtout ne pas en détruire à court terme. Personnellement, je trouve que de ne vouloir que des leaders mondiaux a tué toute le tissu industriel français, mettant des millions de personnes au chômage et ne donnant plus de perspectives pour nos enfants. Je travaille dans l'industrie et franchement je fais tout pour que mes enfants ne choisissent pas cette voie, et je regrette aujourd'hui ce choix que j'ai fais avec beaucoup de passion il y a une trentaine d'années. Ne faut-il pas mieux avoir des entreprises fortes sur des niches où les grands champions ne veulent pas se lancer car pas assez rentable pour eux ?
Pour le projet THALES-SAFRAN, même s'il fallait absolument faire un champion de l'optronique, pourquoi le créer chez THALES, qui représente beaucoup moins que Sagem en terme de chiffre d'affaire ? Peut-être parce qu'il faut essayer de sauver THALES ou de rentabiliser les investissements de la famille DASSAULT ? Si on veut créer un vrai champion français, pourquoi ne pas fusionner THALE, SAFRAN et DASSAULT dans un même groupe, qui alors serait comparable au plus grands groupes américains ? Pourquoi prendre l'optronique de SAFRAN et ne pas imposer à THALES de donner ses calculateurs avioniques à SAFRAN ? S'il faut faire des champions il faut être logique et aller jusqu'au bout et arrêter de faire survivre plusieurs grands groupes en France pour n'en avoir plus qu'un seul.
Maintenant, je reste personnellement persuadé que ce n'est pas en essayant d'imiter les américains que nous arriverons à sortir la France de son état actuel. Il faut peut être mieux regarder vers d'autres solutions, comme le tissus de moyennes entreprises allemandes par exemple.

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