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mardi 12 avril 2011

Nucléaire, peut-on encore faire confiance aux autorités nucléaires ?

Dans un entretien au journal Le Monde daté d'aujourd'hui, Thierry Charles, responsable des questions de sureté à l'IRSN, indique que la situation est stable et que le "pire est passé". Or, manque de chance, dans un autre article du même journal le même jour la gravité de l'accident est passée du niveau 5 au niveau 7 (sur 7). D'où la question évidente de la pertinence du jugement de l'IRSN.

Dans un entretien dans le journal Le Monde du mardi 12 avril, Thierry Charles, responsable des questions de sureté à l'IRSN, indique que "Depuis dix jours, la situation est à peu près stabilisée" même s'il modère ses propos en ajoutant, plus loin, que "Cela peut prendre des semaines, voire des mois." Pour une stabilisation définitive. Il ajoute ensuite que la zone d'exclusion "a été élargie à 30 km. Cela correspond à la zone postaccidentelle, où l'on observe des dépôts de radioactivité au sol. Nous pensons que c'est une mesure raisonnable." Puis enfin :"L'iode 131 est un radioélément a durée de vie assez courte, elle décroit d'un facteur 2 chaque semaine. Dans trois mois, son niveau sera complètement secondaire et les habitants pourront théoriquement revenir."

Interrogé sur la gestion de la crise par Tepco, il juge cette gestion correcte vu l’amplitude de la catastrophe « Il faut se mettre à leur place. Ils venaient de subir une énorme catastrophe naturelle où ils avaient potentiellement perdu des membres de leur famille lorsqu'ils ont dû faire face à une situation nucléaire inédite, avec plusieurs réacteurs endommagés en même temps. Leur principale erreur, c'est d'avoir tout misé sur le refroidissement des cœurs et d'avoir négligé les piscines de combustible au début de la crise. Avec plus de recul, on pourra analyser comment ils auraient dû réagir idéalement. ». Rien à reprocher à Tepco donc.

Cette déclaration laisse penser que l'accident est en bonne voie de résolution et que dans trois mois les habitants reviendront vivre près de la centrale. Déclaration idyllique, mais hélas très loin de la réalité ! Comble du sort pour monsieur Thierry Charles, le même journal, le même jour donne un tout autre son de cloche ! Les deux articles trônent cote à côté dans la rubrique Japon. On y apprend, les faits suivants :

Le Japon a placé ce mardi 12 avril l’accident nucléaire de Fukushima au même niveau de gravité que celui de Tchernobyl, le niveau 7, soit le plus haut de l’échelle. L’Agence de sureté nucléaire nippone ne peut pourtant pas être soupçonnée de surévaluer l’accident et a plutôt été jusqu’à présent plutôt très modérée. Elle avait en effet classé l’accident au niveau 5 alors que l’IRSN le classait au niveau 6. Elle indique aujourd’hui que les émissions radioactives restaient, jusqu’à présent, inférieures à celles de la catastrophe de 1986 (rejets évalués à 10 % environ). Mais, dans le même temps, la montée jusqu’au niveau de gravité maximum de 7 indique des « rejets majeurs de matières radioactives » avec « des effets considérables sur la santé et l’environnement ». 

Cette montée de la gravité nous prépare à une aggravation des conséquences de l’accident plutôt qu’à une stabilisation. Position confirmée par l’agence qui craint qu’à terme les « fuites radioactives » ne « dépassent finalement celles de Tchernobyl » ! Il n’est donc pas du tout question de revenir habiter autour de la centrale dans trois mois dans ce contexte. Les réacteurs ou leurs piscines fuient, pour preuve : des traces de strontium, un élément hautement radioactif produit par la fission nucléaire dans les réacteurs, ont été trouvées pour la première fois dans les sols et dans des plantes près de la centrale…

L’augmentation de la gravité se base sur les nouvelles mesures effectuées près du site : elle a été décidée « sur la base des mesures d'iode et de césium relevées dans l'environnement » indique l’agence japonaise. « Nous allons continuer de surveiller la situation. C'est un niveau provisoire ».

Comment Thierry Charles justifie-t-il la presque réhabilitation de la zone dans les trois mois dans de telles conditions ? Il nous présente la situation vue uniquement de l’iode radioactif. Il n’est certainement pas sans savoir que l’iode radioactif n’est pas le seul rejet lors d’un accident nucléaire et que c’est indiscutablement celui qui a (et de très très loin) la plus courte durée de vie et le seul dont on puisse se protéger par absorption d’iode (non radioactif) de manière à saturer la thyroïde. Ne parler que du cas de l’iode est donc ridicule et forcément de nature à minimiser l’accident. Au même moment l’autorité sanitaire souhaite créer une surveillance sanitaire sur 10 ou 20 ans et dans Le Parisien il est rappelé que la région qui entoure la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, pourrait être « inhabitable pendant dix ou vingt ans », a affirmé Kenichi Matsumoto, conseiller au secrétariat du cabinet du Premier ministre japonais, Naoto Kan. Il est tout simplement ridicule de penser que, même si la situation ne s’aggrave plus à partir de maintenant autour de la centrale, on puisse y habiter de nouveau dans les prochains mois…

Que penser de la vision très rassurante de la stabilité de l’accident alors qu’au même moment la gravité augmente et que le Japon avoue la possibilité à terme de rejets pire de Tchernobyl ?

Que penser également de la volonté de ne pas critiquer même un tout petit peu la gestion de Tepco qui, nous la savons tous a présent, fait ce qu’il peut en ce moment parfois maladroitement, a pendant des années négligées la sécurité de la centrale, et ce, depuis sa construction. Il est de notoriété publique maintenant que la centrale de Fukushima et les autres gérées par Tepco ont eu leur histoire émaillée de divers incidents plus ou moins graves. Que la centrale fut construite pour résister à des séismes de niveau 7 dans un pays ou le niveau 9 est possible. Que la double catastrophe naturelle (tremblement et tsunami, qui font pourtant souvent de pair) n’a pas été prise en compte. Le problème de Tepco n’étant pas trop sa gestion d’aujourd'hui, mais surtout sa gestion d’hier. Alors, pourquoi ne parler que de Tepco en bons termes ? Peut-être parce que si nous comparions avec la liste des incidents variés dans les centrales françaises nous aurions froid dans le dos… Surtout que dans le même moment sont dénoncé dans la presse la gestion de la centrale de Chinon (Indre-et-Loire) : Après inspection de la plus ancienne centrale de l'hexagone, l'ASN a dénoncé ce mardi à Orléans une « rigueur d’exploitation insuffisante » et demandé à EDF de prendre « des mesures fortes » pour corriger les dysfonctionnements. En tout ce sont 58 évènements significatifs pour 2010 qui ont été relevés…

Il n’y a pas a dire, l’IRSN, établissement public, a toujours une position volontairement rassurante et sous-évaluée de la situation. Ils ne craignent pas d’être démenti, parfois le jour même, pas la réalité des faits… Si en France nous avons besoin du nucléaire et qu’avec toute la bonne volonté et les moyens du monde nous ne pouvions pas nous en débarrasser dans l’immédiat, il est regrettable de toujours, encore et encore, constater cette volonté de cette industrie de cacher la vérité, de minimiser les risques et de tenir les citoyens dans l’ignorance de ce qu’ils risquent.

À ce titre la France n’est pas la seule. Sur la télévision nipponne NHK passe en ce moment un petit film qui explique aux enfants la crise de Fukushima. D’après ce film, la centrale est un petit personnage, le « Nuclear boy » qui est malade du ventre et risque de faire caca partout (oui vous avez bien lu !). Son caca “pue” et doit être évité pour cette raison. Le Fukushima boy est réconforté par le “Tchernobyl boy” (qui a été guéri en mangeant du béton) et le “TMI boy” (Three Miles Ilsland). A la fin du film il est indiqué que tout va bien se passer et que tout rentrera dans l’ordre bientôt. Bien que ce soit un film pour les enfants, c’est tout de même un peu gros non ? D’ailleurs même les enfants japonais sont dubitatifs…

Pendant ce temps, la gravité croit au japon et les médias n’en parlent déjà presque plus. Pourtant, comme le montrent les mesures effectuées par le Blog Economique et Social, la radioactivité en France a augmenté de 0,04 % (elle est passée de 0,10*Sv/h à 0,14 mesure en Île-de-France avec un appareil de précision ± 16 %) depuis l’accident. Si, comme le pensent les Japonais, nous passions de 10 % de rejets de Tchernobyl à, disons, 120 %, les mesures en France passeraient de 0,10*Sv/h à 0,58*Sv/h (augmentation de 0,48). Dans ce cas de figure extrême, nous dépasserions la limite autorisée en France (1mSv/an/personne) avec un taux de 8,76 mSv/an (même avec une marge de 16% et en prenant la valeur basse nous sommes a plus de 7mSv/an)…

1 commentaire:

trice a dit…

L'IRSN est une institution solide et fiable je ne vois pas l'intérêt de douter de ses propos.

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