Vous aimez ce blog? Dite-le en cliquant le bouton:

samedi 14 juillet 2012

PSA : le déclin de l’industrie française est-il une fatalité ?

L’annonce de 8000 postes supprimés et de la fermeture de l’usine d’Aulnay relance les discours sur toutes les radios de 2008 sur la fin de l’automobile française. Pourquoi l’industrie française est-elle dans un si mauvais état ? Que doit-on faire ?

Il faut d’abord dire que si la crise ne favorise pas les ventes automobiles, elle défavorise surtout les voitures moyennes-gamme. Le bas de gamme se porte pas trop mal, mais ne rapporte pas grand-chose et, de fait, nécessite des couts de production bas, à l’étranger. Ainsi, les petits véhicules et les véhicules bas de gammes sont plus ou moins condamnés à être délocalisés. À ce petit jeu, Renault a devancé PSA : il ne produit que 23 % de ses voitures en France contre 44 % pour PSA.

Échec du haut de gamme PSA et du développement international

Dans ces conditions il ne reste que le haut de gamme pouvant être produit en France. Concernant ce point nos constructeurs nationaux ont encore tout faux. Renault a réussi ses véhicules Dacia bas de gamme, mais n’a rien investi dans le haut de gamme, la Vel-Satis étant sa dernière et lointaine tentative. PSA a tenté l’aventure du haut de gamme, mais sans le succès des constructeurs allemand. Pourquoi ? Pour vendre du haut de gamme il faut que les produits soient haut de gamme techniquement, mais aussi du point de vue de la qualité. Ce dernier pari n’a été que partiellement réussi. Mais il faut surtout savoir vendre ses véhicules là où les riches achètent : ce pari-là est complètement raté pour PSA. Prenons l’exemple de la Chine : arrivé dans ce pays en 1985, PSA n’y a écoulé que 380 000 véhicules en 2011 tandis que Volkswagen en a vendu 1,7 million alors qu’il s’est installé en 2010 ! Si vous avez l’occasion de voyager en Chine vous constaterez l’abondance des voitures allemandes et, dans une moindre mesure, japonaises. Il est possible de ne rencontrer qu’une voiture française en un mois de voyage en Chine… L’échec de PSA en Chine n’est pas seulement commercial, mais industriel : PSA proposait aux Chinois de fins de série, quand Volkswagen adaptait ses produits au gout local ! Cet échec est donc de la responsabilité de la direction qui à traité avec un certain mépris ses clients chinois.

La direction de PSA est-elle en cause ?

Semi-échec du virage qualité, échec du virage haut de gamme, échec du développement international, le bilan n’est pas fameux pour l’actuel PDG. Renault, si l’entreprise parait en meilleure forme, est également sur la sellette. Il est clair que la stratégie uniquement bas de gamme ne permettra pas longtemps à l’entreprise de survivre dans un monde ou le milieu de gamme se vend mal. Après l’annonce de PSA, devrait donc suivre une annonce de Renault dans les mois qui viennent. Cette comparaison ne permet pourtant pas d’excuser la direction de PSA. L’entreprise ayant raté la plupart de ses challenges pour l’avenir.

De 2007 à 2009, l’ère Christian Streiff annonce pourtant des perspectives rassurantes et le bon cap : le plan stratégique « CAP 2010 » prévoit une forte croissance à l'international et une baisse des frais de structures, une plus grande différentiation des deux marques, et une augmentation des synergies internes qui permettrait une remontée de la rentabilité aux environs de 6 %. Dès 2007, les ventes progressent, au niveau mondial, de 3,8 %, dont plus 30 % par exemple au Brésil et en Argentine. Le paquebot PSA semble prendre la bonne route. L’année suivante, au 1er semestre 2008, PSA continue sa croissance des ventes mondiales avec une hausse de 4,6 %, le cap est toujours maintenu. Mais ce n’est pas suffisant, la crise de 2008 rattrape le groupe et il finit l’année avec une perte nette de 343 millions d’euros et un chiffre d’affaires en recul de 7,4 %.

Ces faibles résultats provoquent l’éviction de Streiff au profit de Philippe Varin, encore aujourd’hui à la tête du groupe. Mais ce dernier ne fait qu’aggraver la situation du groupe : en 2009 la note de PSA est dégradée de « BBB-/A-3 » à « BB+/B », c’est un coup dur pour l’entreprise qui devient un support d’investissement dangereux. L'année se termine avec une perte nette de 1,16 milliard d'euros. Varin tente alors de combler un autre problème du constructeur : le manque d’alliance avec un concurrent et il tente de s’allier avec Mitsubishi Motors. Échec de cette alliance. Le renforcement en Asie est décidé et commence à porter ses fruits : 2010 est l’année du bond de 16,8 % des ventes par rapport à la sombre année 2009. Pourtant, cette embellie n’est que passagère : durant l’été 2011, le groupe annonce 6000 suppressions de postes en Europe, dont 5000 en France. Ce n’est qu’en février 2012 que l’association PSA General Motors est annoncée. La décision a surpris toute la profession tant les deux groupes n’ont que peu de synergies possibles. C’est à cette période que le groupe décide de fermer Aulnay-sous-Bois en 2014 même si des documents internes évoquaient ce projet en Juin 2011. Le directoire de PSA a attendu la fin de l’élection présidentielle pour annoncer le plan. La soudaine chute des résultats de PSA est principalement due à l’embargo avec l’Iran qui aurait fait perdre 10 % de sa production. Ce dernier point est étrange puisque PSA s’est privé de lui-même de la clientèle de l’Iran ! La raison n’est pas claire : justification politique ? Liens de PSA avec General Motors ? Autre raison ? Quoi qu’il en soit, l’entreprise n’a pas assez diversifié ses clients et se retrouve dans une situation délicate.

Autre point : PSA a versé un dividende de 2001 à 2007 puis en 2010 à ses actionnaires. Etait-ce réellement indispensable en 2010 et dans le contexte actuel ?

Pourquoi Aulnay-sous-Bois ?

L’histoire de l’usine y est pour beaucoup. Construite en 1973, c’est la dernière usine du groupe PSA créée en France ! Elle vient alors en remplacement de l’ancienne usine d’ile de France, trop petite et vétuste. À cette période Aulnay-sous-Bois est le fleuron de PSA : gigantisme et modernisme sont les maitres mots. L’usine aura ses années de gloire avec des effectifs en croissance. L’implantation de l’usine n’est pas anodine, certes, elle est à la croisée de deux autoroutes et proche d’un aéroport, mais elle est aussi implantée dans un département sinistré avec une immigration forte et un fort taux de chômage. L’usine a donc à sa disposition une main-d'œuvre abondante et peu chère. Pourtant, au fur et à mesure que l’usine monte en puissance, une force syndicale (surement la plus importante du groupe PSA) prend place à Aulnay dans les années 80. Les syndicats gênent la direction qui fait sien l’objectif de « casser » ces forces syndicales qu’elle ne contrôle plus. Le climat social n’a cessé de se dégrader et certains disent que l’usine n’est plus aussi rentable et que les couts de non-qualité ont explosé.

Autre point : les abords de l’usine sont depuis, devenus très encombrés, ce qui perturbe la réception des pièces et les départs de véhicules. L’usine ultramoderne de 1973 est devenue un « boulet » faute d’investissement et de dialogue social. D'un autre côté, la construction d’une usine automobile est un investissement de 30 ans. Le site d’Aulnay est donc rentabilisé depuis longtemps et à bout de souffle. Il fallait donc l’éliminer.

Depuis les effectifs de l’usine n’ont cessé de chuter. Lorsque l’on parle d’Aulnay, on parle souvent de surcapacité. C’est surement vrai dans un contexte ou l’entreprise vend moins. Mais ce n’est pas la seule explication : comment expliquer dans ce cas les créations d’usines dans le low-cost Européen au même moment où l’on supprimait des lignes de production à Aulnay ? Aulney, qu’on le veuille ou non a été progressivement délocalisée, car la direction n’a pas su assurer un dialogue social et désire augmenter ses marges. Lorsqu’il ne restait plus « que » 3000 salariés à Aulnay, la direction a jugé que c’était « liquidable » d’un seul tenant. Facile de supprimer ce site, vu la proximité d’une autre usine de production en région parisienne et socialement plus calme : Poissy.

Petits et grands mensonges

Aulnay a été abattue et ce n’est pas uniquement à cause de surproduction, mais par une volonté de se débarrasser des sites de production français. C’est aussi pourquoi Rennes et même Poissy perdront des emplois dans le plan des 8000 suppressions d’emploi. C’est pour cela que l’ont lis, ici, et la, que ce plan n’est peut-être pas le dernier. Lorsque PSA indique qu’il n’y aura pas de licenciement sec, il faut se méfier. Une des solutions évoquées par la direction est le reclassement sur Poissy. Mais dans ce cas, pourquoi supprimer également 700 emplois à Poissy si le site va accueillir des employés d’Aulnay ? L’autre piste évoquée par la direction est les départs volontaires, mais qui peut croire que 3000 personnes quitteront le groupe volontairement en pleine crise économique mondiale ? Des contacts ont-ils été pris avec d’autres groupes industriels pour reclasser du personnel ? Possible.

Varin s’exprime sur RTL : « Nous avons le cout du travail le plus cher en Europe et nous produisons 44 % de notre production en France, donc il faut baisser les charges qui pèsent sur le travail de manière massive. » C’est assez faux. Dans une une enquête sur la question, l'Insee a publié au printemps 2012 des chiffres forts intéressants : « Dans l’industrie automobile, le cout horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il est en particulier supérieur de 29 % à celui observé en France : 43,14 euros contre 33,38 euros. L’écart se montait à 49 % en 1996 et a donc diminué depuis. » Oui vous avez bien lu : 29 % plus chers en Allemagne ou même moment où les constructeurs de ce pays vendent plus et avec plus de marge. Le cout du travail ne serait donc pas la bonne explication. Dans ce cas pourquoi Varin en parle ? Simplement parce que c’est une bonne explication pour la liquidation d’Aulnay, parce que ce patron répète les messages de son syndicat (le MEDEF) et bien sûr par ce que les industriels ont intérêt à ce que ce cout baisse. C’est également parce que cette explication toute faite masque les insuffisances de la gestion de l’entreprise ces 20 dernières années. Baisser les couts ne sert à rien, car, vouloir concurrencer les pays low-cost est tout simplement impossible et utopique.

Comment interpréter ces propos sur le cout du travail alors qu’en 2010, monsieur Varin avait quadruplé son salaire qui avait atteint le sommet de 3,25 millions d'euros ? Comment justifier un salaire de presque 200 fois le SMIC (hors avantages divers et primes !) avec de si mauvais résultats ? Comment demander à ses employer de partir lorsque lui, reste sans baisser fortement son salaire ?

Le gouvernement ne peut rien faire, mais comme c’est un gouvernement de gauche, il se doit de faire semblant, pourtant des indiscrétions indiquent que le gouvernement n’a pas l’intention (ni le pouvoir) de sauver Aulnay. C’est ainsi qu’une étude sera menée pendant quinze jours (sic !) par un expert mandaté par l'État…

Peut-on encore produire de petits modèles en France ?

Mais considérons maintenant un contrexemple de taille : Toyota investit 8 millions d’euros dans son usine de Valencienne en juin 2012. Pire, il sera produit des Yaris pour le marché américain. La raison : le cout de l’électricité au Japon, la fiscalité lourde et le cout du travail trop important dans son pays et un taux de change avantageux et stable. L’usine de 4200 personnes produit plus de 1000 véhicules par jour dont 90 % sont exportés. Cet exemple contredit de nombreux commentaires que nous lisons un peu partout : Le cout du travail n’est pas si élevé que cela en France. Il est avantageux de produire en France et d’exporter aux États-Unis. Il est possible de produire de petits véhicules de manière rentable en France. Enfin, la fiscalité française des entreprises n’est pas si lourde. Une question se pose : si Toyota réussit et y trouve son intérêt, pourquoi n’y arrivons-nous pas ? La réponse est surement complexe et passe par un défaut de management, de stratégie et par une gourmandise des actionnaires de PSA et Renault.

Le cas de Toyota n’est pas isolé, dans le même temps Daimler projette d'investir 200 millions d'euros dans son usine Smart d'Hambach en Moselle ! L’usine, construite en 1997, a reçu en 2012 un trophée pour sa « logistique particulièrement efficace » remis par le magazine L'Usine nouvelle.

Produire en France avec succès est possible, et il est également possible de produire de petits modèles.

Comment expliquer les échecs de PSA et Renault ?

Comme nous l’avons vu, les échecs français ne sont pas dus à un cout du travail trop important, ne sont pas expliqués complètement pas le positionnement moyen/bas de gamme des Français. La crise a fragilisé des entreprises françaises déjà fragilisées, mais n’est en aucun cas une cause racine. Le positionnement qualité inférieur aux constructeurs allemands n’est pas à notre avantage, mais n’explique rien. La tendance générale aux délocalisations que n’auraient pas su faire les Français n’en est pas non plus la cause. Alors que se passe-t-il ? L’explication est triste et simple : la France à un mauvais climat social avec un dialogue rompu entre le patronat et les syndicats, ces derniers sont trop peu représentatifs et ne sont pas, comme en Allemagne, des partenaires, mais des opposants. Le patronat français est « old-fashion », il privilégie trop la classe sociale et l’école plutôt que l’expérience et le mérite. Du cout il considère les relations sociales sont l’angle de la lutte des classes alors que la plupart des Français considèrent ses notions comme obsolètes. Trop franco-français, le patronat n’est pas capable d’attaquer avec succès les marchés étrangers. Leur incapacité à conduire une politique industrielle avec succès montre leur inaptitude.

Que faire pour l’industrie ?

  1. La France doit réformer ses élites et les grandes écoles qui les forment. Ces dernières inculquent trop une autosatisfaction et un narcissisme des élites qui conduisent à un dialogue social grippé, à une panne de l’ascenseur social et à une déconnexion de la réalité.
  2. La France doit rénover le dialogue social et transformer les syndicats en partenaires plus qu’en opposants.
  3. Ces derniers doivent se remettre également en question, car ils sont inadaptés. Il me semble urgent que les grands groupes français se dotent de patrons étrangers durant cette période de transition.
  4. La bureaucratie a envahi les grandes entreprises et la gestion par indicateurs (vantée jusqu’à Nicolas Sarkozy) est un véritable échec. De gros progrès d’efficience doivent être réalisés.
  5. Le système allemand du compte épargne temps doit être mis en place : lorsque l’entreprise à plus de travail les heures supplémentaires sont comptabilisées et restituées dans les mêmes proportions sous forme de congés payés lorsque la charge baisse.
  6. La France se doit d’amorcer un virage high-tech, haut de gamme et qualité, car il ne faut pas compter vendre plus cher des produits à peine meilleurs.
  7. Le gouvernement doit mettre en place une véritable politique industrielle de long terme en favorisant, par exemple, les énergies vertes et les véhicules électriques.
  8. Il faudrait cesser de diffuser en boucle dans les médias les bêtises habituelles : compétitivité, cout du travail, baisse des salaires, flexibilité du travail, réductions drastiques des dépenses de l’état, abandon du secteur industriel au profit des services (sic !), etc.… Ces thèmes libéraux viennent du MEDEF et ne servent en rien les intérêts du pays, mais ceux d’une minuscule partie de la population française tout en occultant les vrais débats et réformes.
  9. La France a besoin également d’une véritable réforme fiscale et d’une simplification des démarches administratives et légales. Les lubies des gouvernements précédant ont entamé la productivité des entreprises : il est incroyable de voir le temps perdu par les grosses entreprises pour faire semblant les satisfaire (exemple : séance d’informations, enquêtes et mesurettes sur le mieux-être au travail engendrées par l’affaire France-Télécom).
  10. La France et l’Europe doit protéger ses industries par de mesure de protectionnisme, car il est aberrant de constater comment des pays comme la Chine (mais pas seulement) se protègent alors que nous débattons des graves risques (sic !) que nous courrions si nous faisions de même !
  11. Il semble important que la France réduise ses inégalités, car nous sommes dans un cercle vicieux : les chômeurs et les pauvres n’achètent pas de voiture tandis que les riches n’achèteront pas plus de voitures s’ils deviennent encore plus riches. Le pouvoir d’achat donné aux plus modestes est injecté directement dans l’économie tandis que celui des plus riches va directement dans l’épargne.
  12. Enfin, même si ce n’est pas l’essentiel, il faudrait que les français soient plus patriotiques et achètent français : passez la frontière et vous verrez comment les allemands sont équipés de voitures allemandes ! Si nous ne sommes pas capable d’acheter français, ne nous plaignons pas, dans ce cas, de la situation actuelle…

La France est malade, le secteur automobile en est le thermomètre. Si nous ne faisons rien, tous les secteurs seront dans le même état. Une grande partie vient de la faillite de nos élites, de notre incapacité à nous réformer.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire