Cette campagne morose et terne n’incite pas à voter avec joie et optimisme. Le Blog Economique et Social est resté bien silencieux ces derniers temps, aussi pour cette raison. Pourtant, je vais vous donner un peu d’optimisme à travers un exercice amusant et instructif : les mensonges du président sortant. Cela nous montrera combien c’est un grand homme politique (et oui, il faut le dire, et sans ironie), mais également combien une attitude positive et confiante en la France de demain nous dicte de ne surtout pas voter pour lui. Nous verrons ce qu’expriment sur la nature du président ses petits mensonges de campagne.
Il est difficile de faire la liste des petits et grands mensonges du président, mais le petit florilège suivant est évocateur :
- Le 6 avril Nicolas Sarkozy a dit à Caen « Souvenez vous de l’aimable Dominique Voynet à l’époque du ministère du temps libre. On a quand même connu ça. Un ministre pour s’occuper du temps libre. Ça fait rire, on a connu ça. Ils promettaient la semaine de 32 heures. » La vérité : Dominique Voynet a été ministre de l’Environnement de Lionel Jospin de 1997 à 2001 et n’a jamais été ministre du temps libre. Ce ministère a pourtant existé, mais brièvement en mai 1981, Voynet avait alors 22 ans et n’a jamais rien eu à voir avec ce ministère éphémère.
- Toujours le 6 avril à Caen : « Avec Nathalie Kosciusko Morizet, nous avons été à Fukushima. Apparemment François Hollande non. » Puis « À certains endroits du Japon, nous l’avons vu avec Nathalie, la vague a atteint 40 mètres de haut. » La vérité : Sarkozy n’a évidemment pas vu la vague de 40 mètres de haut puis qu’il n’était pas au Japon lors du Tsunami. Il a bien été en revanche 3 heures seulement à Tokyo (et non Fukushima) le 31 mars 2011. Devant cette énormité vite repérée, Sarkozy fait marche arrière le 13 avril sur iTélé « Je me suis rendu au Japon, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, j’ai rencontré les autorités japonaises, j’ai discuté avec le premier ministre de la situation à Fukushima et Nathalie Kosciusko-Morizet s’y est rendue. Je ne suis pas ingénieur, je n’ai pas besoin d’aller mettre le nez dans la situation à Fukushima où par ailleurs il y avait un périmètre interdit. » Exact, mais pourquoi prétendre avoir fait l’inutile et l’impossible dans ce cas ? Il n’est pas possible que le chef de l’état ne se rappelle plus où il n’a pas été si peu de temps auparavant. Ce mensonge rappelle étrangement celui, aussi gros, du 9 novembre 2009 où le président prétendait sur son compte Facebook avoir assisté à la chute du mur de Berlin. Or c’était impossible également. Il a pourtant persisté au lieu de reconnaitre ce mensonge, l’affaire s’est terminée simplement par l’effacement sur Facebook de l’affirmation fantaisiste !
- Le 6 avril su RTL : Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT est déclaré comme « membre du bureau politique du Parti communiste, comme chacun le sait » par le président. La vérité : Bernard Thibault n’est bien entendu pas membre du bureau politique du PCF et ne l’a jamais été d’ailleurs. Difficile de ne pas ignorer cela pour un chef d’État. Peut-on assimiler cette sortie à une image pour indiquer les positions jugées communistes de Thibault, ou est-ce encore un mensonge trivial ?
- Mardi 17 avril sur France Inter il déclare « Aucun journaliste n'a été espionné, il y a eu une procédure en violation du secret de l'instruction... Pourquoi espionner un journaliste pour savoir ce qu'il avait à dire le lendemain dans le journal ? », la ficelle est un peu grosse, le journaliste se sent obligé de répondre : « Non, pour découvrir ses sources ». La vérité : les factures détaillées (fadettes) de trois journalistes du Monde ont bel et bien été examinées, celles de Gérard Davet afin de découvrir ses sources. Les fadettes de Jacques Follorou ont ensuite été requises, sur ordre du procureur de Nanterre, en septembre 2010. Les conversations n'ont pas été écoutées, mais il s'agissait d'identifier les sources des journalistes. Idem pour les fadettes de Raphaëlle Bacqué, mais, par erreur, les policiers ayant confondu son numéro de téléphone avec celui de Jacques Follorou.
- Toujours concernant les fadettes, Sarkozy indique concernant cette situation de violation de la protection des sources des journalistes « Il n'y a pas d'errements. Tant qu'il n'y a pas de condamnation, il n'y a pas d'errements ». La vérité : la cour d'appel de Bordeaux a annulé le 5 mai 2011 l'enquête du procureur de Nanterre en raison de l'atteinte au secret des sources, décision confirmée par la Cour de cassation le 6 décembre 2011.
- Encore sur les fadettes, décidément riches en mensonges : « Ne présentez pas M. Courroye comme un suppôt d'un pouvoir qui serait le mien. C'est faux. La justice est indépendante et le République a beaucoup progressé, c'est la vérité et tout le monde le sait », indique le président. La vérité : les procureurs sont soumis hiérarchiquement au pouvoir politique. Nicolas Sarkozy s'est désigné lui-même comme l’« ami » de M. Courroye, selon ses propres mots le 24 avril 2009, lorsqu'il l'a promu officier dans l'ordre national du mérite.
- Toujours mardi 17 avril sur France Inter il déclare « Permettez-moi de vous dire que s'il y a un chef d'État qui, dans le monde, n'a pas frayé avec M. Kadhafi et est responsable de son départ et de ce qui lui est arrivé, je pense peut-être que c'est moi ». La vérité : La France a effectivement combattu ce régime en 2011, dans la foulée des révolutions arabes, en prenant la tête de la coalition internationale contre la dictature libyenne et en soutenant les insurgés. Mais c’est oublier qu’en 2009 sous l’impulsion de Sarkozy, la France a réhabilité Kadhafi qui était déclaré comme redevenu fréquentable. C’est dans ce cadre que Kadhafi avait fait toutes sortes de caprice pitoyable comme de planter sa tente sur les pelouses de l’Élysée. Ainsi en septembre 2009, Alain Joyandet se rendait à Tripoli pour célébrer le 40e anniversaire de la révolution libyenne (les 40 ans de pouvoir de Muammar Kadhafi). Il jugeait que ce dernier était « devenu fréquentable » (source JDD). Et que « Si des avions de chasse doivent être vendus, autant que ce soit la France qui les vende. ». Cette coopération n’a pas été si brève que cela puisque le 11 juin 2010, un décret ratifiait un accord de coopération « en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée ». Accord qui, entre autres, avait conduit la France à vendre du matériel d’interception et d’espionnage de toutes les communications du pays et qui avait permis au régime d’arrêter de nombreux opposants sans qu’ils puissent comprendre comment le régime avait fait pour les identifier. Or la vente de ce genre de logiciels de guerre électronique ne pouvait qu’être validé par l’Élysée, car trop sensible.
- Toujours durant cet interview, le chef de l’état a réfuté avoir voulu ventre du nucléaire a Tripoli comme l’affirme Anne Lauvergeon : « C'est mensonge éhonté, s'est emporté M. Sarkozy. Il n'a jamais été question de vendre une centrale à M. Kadhafi. » La vérité : elle est sur le site de l'Élysée ! Les discours de M. Sarkozy le 3 juillet 2008, indique : « Je sais qu'il y a des gens et des pays qui se disent : n'est-ce pas un peu dangereux de proposer le nucléaire civil à des pays comme l'Algérie, les Émirats arabes unis, ou la Libye ? Ce qui serait vraiment dangereux, ce serait de leur refuser. D'abord parce qu'on donnerait raison à l'Iran qui fait croire que l'Occident refuse par principe le nucléaire à des pays musulmans. Mais aussi parce que chaque baril de pétrole et chaque mètre cube de gaz économisé sur la planète [...] c'est un peu moins d'effet de serre ». Ainsi le 8 juillet 2009, un communiqué du ministère des Affaires étrangères faisait état de la signature par Alain Joyandet, d'un « accord de coopération pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire avec Abdelaati Ibrahim el Obeidi, ministre libyen des affaires européennes ». Le 21 octobre 2010, Christian Estrosi, ministre de l'Industrie, signait à Tripoli un partenariat stratégique prévoyant l'ouverture de négociations pour la construction d'une centrale nucléaire.
- Mercredi 25 avril 2011, Sarkozy annonce sur TF1 que Hollande comptait « régulariser en masse des sans-papiers ». La vérité : Hollande à dit qu’il régulariserait au cas par cas les sans-papiers. N’est-ce pas déjà ce que la France (et le gouvernement Sarkozy) fait ? Chaque demande est étudiée au cas par cas.
- Toujours ce mercredi sur TF1 Sarkozy déclare à propos de Tariq Ramadan: « voilà un homme qui appelle à voter pour François Hollande. Je n'ai pas entendu François Hollande dire que cela le gênait ». La vérité : L'intellectuel musulman controversé n’a jamais appelé à voter Hollande et l’a formellement démenti. En revanche le 4 mars, il a appelé à « voter contre Nicolas Sarkozy ». Voter contre Sarkozy ne veut pas dire Hollande surtout au premier tour ou il y avait le choix.
- Encore ce mercredi sur TF1 Sarkozy déclare qu‘un appel de 700 mosquées à voter pour François Hollande avait été lancé. La vérité : Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a formellement démenti. À cette occasion, nous apprenons que Sarkozy lit Marianne2 : il aurait puisé cette information sur « le site du journal de gauche Marianne »…
Bien sûr, la liste n’est pas exhaustive, les cinq dernières années ont été émaillées de ce genre de mensonges comme les nombreuses contrevérités concernant l’Allemagne, amplement démentie par la presse et par les faits.
Le président à indéniablement le même syndrome que feu Steve Jobs : il croit dur comme fer que le fait de décrire le monde comme il veut qu’il soit, puisse le transformer dans le sens qu’il voudrait. De ce point de vue le président n’est, je crois, pas de mauvaise foi et crois vraiment à ce qu’il dit. Le président a toujours eu, également, un côté « moi, je » qui impliquait qu’il soit partout où l’action se passe. C’est même pour cela qu’il a été élu en 2007, il faut le rappeler. Entre les candidats mous et Sakozy, certains Français avaient vite fait leur choix. Cette volonté d’être partout implique parfois de prétendre être là même si ce n’était pas le cas (cas cocasse, du mur de Berlin et de Fukushima). Là encore, je ne vois pas de mauvaise foi.
De ce point de vue, le président a indéniablement les caractéristiques d’un grand homme politique. Non pas que je pense qu’il faille mentir pour être un grand homme, mais je crois qu’il est nécessaire d’avoir une « vision », même si cette dernière provoque immanquablement des « distorsions » plus ou moins gênantes. C’est aussi à cause de cette carrure (et de ces distorsions) que tant de gens l’aiment ou le détestent. La vérité est qu’il ne peut laisser indifférent à moins de vivre dans une caverne. Cette « vision » que possède Sarkozy le rapproche des grands hommes providentiels comme l’était, par exemple, le Général de Gaulle. Le problème de Sarkozy n’est donc pas sa carrure, bien que ses réguliers écarts de langage et ses perpétuelles gesticulations soient inexcusables pour un chef d’État. Le problème de Sarkozy est qu’il ne suffit pas d’avoir une « vision » et la carrure pour la mettre en œuvre. Il faut que cette vision soit une vision bénéfique à tous et non pas à 1 % de la population. Or, tout le monde le sait maintenant, Sarkozy n’a pas travaillé pour les Français, ni même pour les riches, mais presque exclusivement pour les rentiers. Nous connaissons de nombreux grands hommes dans l’histoire du monde qui avaient une carrure et une vision, mais cette dernière était néfaste au plus grand nombre. Ils ont laissé une trace historique, certes, mais finalement négative, voir très négative. Je ne veux pas comparer Sarkozy à certains de ces sombres personnages, mais juste indiquer qu’avoir une vision et un grand charisme ne suffit pas. Pire, un tel personnage est dangereux car convainquant, dangereux pour la cohésion de la société française, pour les acquis sociaux et pour le droit du travail. Quant à la dette, nous savons qu’il ne l’a pas très bien gérée.
Sarkozy ne passera pas le second tour, car il a trahi la majorité des Français. En 2007, une caissière de supermarché me disait « notre métier est dur, mais cela va s’améliorer avec l’arrivée de Sarkozy », je ne l’ai pas revu depuis, mais j’imagine ce qu’elle en pense aujourd’hui. Tout le monde ne s’est pas rendu compte de cette trahison, certes, d’autres vont voter contre Hollande, persuadés qu’ils y perdront moins avec Sarkozy. Ils ont peut-être raison, encore que. Mais qu’ils réfléchissent un minimum à l’intérêt de la France. Je sais que la fibre patriotique s’est effilochée dans la machine à laver de la crise, et même bien avant. Sarkozy peut soudain se déclarer patriote, mais cela ne s’improvise pas. La France est un grand pays, avec une des infrastructures que nos voisins nous envient, un système social qui nous a protégé de la crise, des idées étonnantes, une population cultivée et éduquée, bref, un potentiel immense doublé d’une démographie étonnante. Cessons donc de nous plaindre, de broyer du noir, d’avoir peur, ne nous laissons pas prendre par le discours de peur de Sarkozy. Si Hollande passe, il n’y aura pas de cataclysme (même si ce sera en 2012) ! Comme il n’y en a pas eu en 1981 malgré des menaces similaires… Il suffit juste de prendre quelques décisions bien senties et 99 % des Français en bénéficieront. Pour moi, c’est absolument évident.
Une question se pose : Hollande prendra-t-il ces décisions, saura-t-il guider la France vers le succès ? Ce n’est pas certain du tout, je vous l’accorde. D’autant que la campagne était peu reluisante de part et d’autre. Pourtant ce qui est clair, c’est que Sarkozy n’est pas celui qui les prendra. Comme il vaut mieux toujours aller de l’avant, être positif et confiant que de se déclarer battu d’avance (les grands sportifs le savent bien !), il est clair que le vote Hollande est le seul possible au second tour !
Si le président me lit, puisqu’il lui Marianne2 qui reprend souvent mes articles, il dira que ce n’est qu’un blog de « gauche », ça le rassurera surement, mais le rendez-vous avec la démocratie et la France est indéniablement programmé. Monsieur le président vous avez marqué la France, mais la France a tourné une page d’histoire guidée vers son avenir florissant ! Cette page s’écrira sans vous ! Comme Bayrou, votons Hollande !
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