Depuis des années, les privatisations sont présentées aux états comme la solution à tous les problèmes d’efficacité des fonds publics. Au centre de ce mouvement un groupe de trois entités internationales : Le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale et la Réserve Fédérale Américaine. Les premiers pays fortement touchés par cette vague ont été les pays pauvres. La Réserve fédérale américaine prête aux pays pauvres puis par le relèvement de ses taux rend la situation économique délicate. La Banque Mondiale propose des prêts au pays pauvre, mais en échange de conditions sur l’usage de ces fonds (droits de l’homme, bonne gestion…). L’argent est prêté en vue de la construction d’infrastructures et d’opération de microcrédits. Ainsi dans les années 80 des prêts aux pays pauvres sont accordés en échange d’ajustement structurel comprenant des réductions de budgets publics. Un moyen de réduire les budgets consiste en des privatisations d’autant plus que dans le même temps le FMI conseille les états à privatiser les entreprises publiques par souci de performance et d’innovation. La santé, l’éducation, l’électricité, l’eau sont des domaines éligibles selon la banque mondiale bien que réputées difficiles à privatiser.
Tout a commencé par une idéologie fondée sur des constats : si nous voulons aider efficacement les pays pauvres, nous devons nous assurer que les fonds publics seront utilisés de manière optimum. L’idée est en effet percutante : plutôt que d'arroser un désert de sable, assurons-nous que la terre soit fertile. Constatant que les entreprises publiques sont en général pas très efficientes et que la corruption y sévit parfois, une solution consiste à inciter très fortement les pays éligibles à l’aide des pays riches à privatiser ces entreprises. L’idéologie sous-jacente étant que la corruption et l’inefficacité sont inexistantes (ou moindre) dans le privé. Évidemment, nous savons qu’il n’en est rien et que la corruption frappe autant les entreprises privées comme le montrent les énormes scandales comme Enron[1]. Quant à l’efficacité des entreprises privées, elle est variable suivant les entreprises : parfois assez forte dans les PME, parfois, assez faibles dans certaines multinationales.
Aux idéologies libérales du FMI et de la Banque Mondiale, s’est ajoutée progressivement la cupidité catalysée par les énormes profits que peuvent générer ces privatisations. Les investisseurs des entreprises privées des pays pauvres ont également bien contribué à cette dégradation. Les exemples ratés de ces périodes ne sont pas rares.
Philippines
Aux Philippines, le système de santé publique a longtemps été réputé comme performant. Les pauvres y étaient bien soignés, gratuitement. Puis dans les années 1980, le gouvernement a progressivement privatisé le système. Depuis les malades pauvres ne sont plus soignés. Les salaires des personnels de santé n’ont plus évolué. La masse salariale a été limitée et les investissements matériels réduits aux maximums. Cette situation a provoqué une pénurie de personnel encore plus grave, car, les étudiants en médecine partaient directement pour l'étranger dans l’espoir d’y trouver de meilleures conditions et un meilleur salaire. Sur une période de 10 ans qui a suivi la privatisation, plus de 100 000 infirmiers et 5000 médecins sont partis à l’étranger. De fait, de nombreux hôpitaux ont fermé ou ont réduit leurs activités par manque d'effectifs. Mais dans le même temps, des cliniques privées pour riches se sont montées. Elles payent bien leur personnel et donc n'en manquent donc pas. En revanche comme elles ne sont pas gratuites pour les pauvres, ils en sont exclus en pratique.
Bolivie
En Bolivie, une grande vague de privatisations a eu également lieu. Ainsi en 1999, l'entreprise gérant l'eau potable de la 3e ville de Bolivie, Cochabamba, a été privatisée et une concession jusqu'en 2039 a été négociée avec une compagnie jusqu’alors inconnue dans le pays « AGUAS DEL TUNARI ». Dès cette date, le prix de l'eau a augmenté de 30 % à 300 % suivant les cas. Avec cette augmentation, certaines familles modestes consacraient plus d'un quart de leur budget à l'eau potable. Les sources qui appartenaient aux paysans ont également été confisquées et privatisées. Des lois votées sur mesure protégeaient la société privée gérant l'eau. Les textes de loi suivant la lecture sue, l’on en faisait, pouvaient même prévoir l’interdiction de récupérer l’eau de pluie. Devant cette pression insoutenable pour la population, des émeutes ont eu lieu. La situation pour le gouvernement est devenue réellement dangereuse lorsque les habitants apprirent que l’entreprise « AGUAS DEL TUNARI » était en réalité la propriété du groupe américain « BECHTEL ». Étant donné l'ampleur de la protestation citoyenne, le président n’a pas d’autre choix que d’instaurer, en avril 2000, la loi martiale. Cela conduit à de nombreuses arrestations de contestataires et syndicalistes. Le but de la loi martiale étant de rétablir l'ordre et d’acter les privatisations. Au plus fort de la crise qui devenait incontrôlable, des tireurs d'élite ont été employés par le gouvernement. C’est ainsi que le jeune Victor Hugo Daza (16 ans) a été abattu ainsi que six autres personnes. Des dizaines de femmes et adolescents furent blessés par ces tireurs. Finalement, après six mois de manifestations intenses, l'entreprise BECHTEL qui quitta la ville rapidement et le gouvernement fit marche arrière sur cette privatisation.
Afrique du Sud
En Afrique du Sud, la compagnie nationale d'électricité « Eskom » fut privatisée en 1999 et rachetée par une entreprise étrangère. Depuis, comme en Bolivie, les prix de l’électricité ont fortement augmenté et les pauvres et chômeurs ne pouvaient plus payer leurs factures. Ne pouvant plus payer, de nombreux citoyens ont vu Eskom venir chez eux couper les câbles et arracher les disjoncteurs. Au plus haut des coupures, les foyers étaient déconnectés au rythme de 20 000 foyers par mois. À ce rythme, Soweto fut rapidement transformée en ville sans électricité. Comme pour l’eau, il est difficile, de nos jours, de vivre sans électricité. L’électricité apporte l’éclairage, le chauffage, le réfrigérateur, permet de cuisiner, etc. Une résistance s'est donc organisée au fur et à mesure que de nombreux foyers étaient déconnectés. Des militants se sont organisés afin de monter des « opérations lumière » qui reconnectent les usagers les plus pauvres. Eskom qui s’est rapidement aperçu de cette nouvelle tendance réagit en diffusant des publicités à la télévision incitant la population à dénoncer ces Robins des Bois. La lutte contre la fraude continue ensuite en justice. C’est ainsi que de nombreux militants finissent par passer des mois en prison. Pour faire plus d'argent et limiter la fraude, Eskom décide de commander à Siemens des compteurs CashPower 2000. Installé en 2001, ce compteur prétend résoudre le problème des coupures de courant. Ils se basent sur des cartes d'électricité prépayées. Des « simleys » sur le compteur indiquent si la carte a encore des unités ou est bientôt épuisée. Lorsque les unités manquent, l’électricité est automatiquement coupée chez les abonnés. Tous les foyers se voient proposer ce nouveau compteur « miracle » et ceux qui refusent se voient menacés de coupure définitive de l’électricité. En fait pour Eskom, ces compteurs sont magiques : difficiles pour les robins de bois à contourner, ils virtualisent le prix de l’électricité et rendent les augmentations de tarifs plus discrètes. Les unités achetées ont une correspondance variable avec l'énergie électrique qu’elles représentent. À Johannesburg, le gouvernement a aussi privatisé l'eau qui est gérée par Johannesburg Water. Eux aussi ont installé des systèmes de compteurs prépayés qui coupent l'eau lorsque les unités sont épuisées. Les personnes refusant l'installation de ces compteurs ont eu l'eau coupée définitivement.
Mali
Au Mali, dès 1988 des privatisations ont été organisées sur les conseils du FMI et de la Banque Mondiale, finalement plus de 200 entreprises ont été privatisées. Presque tous les dossiers de privatisations ont été un cauchemar économique et financier. Cela a participé à la paupérisation des travailleurs. Par exemple, un nombre important du personnel de la Société Malienne des Produits Chimiques est en contentieux avec leur entreprise pour des impayés de salaires. Ont été privatisé les chemins de fers (RCFM, 612 licenciements, fermeture de 2/3 des gares, suppression des droits sociaux, peu d’investissements), L’électricité, l’industrie (Itema, Sonatam, SMPC, Sepom), les transports publics (Comanav, transports et services aériens), deux banques (BMCD, BIM), l’agriculture (Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles, 595 licenciements, HUICOMA), l’énergie (Énergie du Mali), télécoms (SOTELMA)… Cette dernière vente, correspondant à 4 % du PIB du pays, a provoqué un scandale dans la presse locale, car l’argent de la vente n’était pas inscrit au budget 2010. Les privatisations n’ont bénéficié qu’au privé, avec un accroissement du chômage, de l’endettement de l’état et de la perte de la notion de service public.
Privatisations orchestrées par le FMI et La Banque Mondiale
Les privatisations dans les pays pauvres sont parfois le moyen pour les gouvernements corrompus de faire un bizness juteux. Il suffit de vendre de nombreux établissements autrefois publics et ne pas les faire entrer dans les comptes du trésor en toute illégalité.
Dans le film institutionnel de 12 minutes disponible sur le site du FMI[2] appelé “Inside Money” on nous indique que si tout va bien en apparence dans nos pays riches (un pays fictif est pris en exemple dans la vidéo), des milliers de dollars s’évaporent des finances publiques par manque d’efficacité, le pays dépense plus qu’il ne produit à cause d’une croissance trop faible. Les bénéfices sociaux d’une telle politique dépensière sont indéniables, mais avec un tel déficit de la balance de paiements, à terme plus personne ne voudra plus prêter de l’argent à notre pays. Pour éviter cela, la tentation est grande de faire tourner la planche à billets, mais dans ce cas il en résulterait une inflation galopante. La dette finira par couter de plus en plus cher à rembourser et les capitaux étrangers risquent de s’envoler. Cette situation détestable oblige finalement le pays à faire des coupes budgétaires préjudiciables aux avantages sociaux du pays. Mais le FMI nous indique qu’il y a d’autres solutions : consommer moins de produits achetés en dehors du pays et/ou vendre plus à l’étranger en augmentant la croissance. C’est là que le FMI intervient, il rassemble des informations sur les économies mondiales et dispenses des conseils aux différents pays. Des « ajustements » sous forme de « plan de réforme économique » avec un calendrier à respecter sont proposés aux pays en déficits. Ces “ajustements” permettent (d’après le FMI) de maintenir les avantages sociaux. Les solutions mises en avant sont : l’effondrement des barrières douanières, la privatisation de certaines entités publiques qui seront ainsi plus compétitives et innovantes. Notre pays n’a pas le choix : comme la compétition est mondiale, il faut que toutes les entreprises s’améliorent en continu. Grâce aux précieux conseils du FMI, le pays deviendra donc un membre fort de l’économie globale.
Ainsi après les pays pauvres, premières cibles de la Banque Mondiale et du FMI, les pays dits « riches » doivent aussi, finalement, se soumettre aux privatisations. C’est sous l’impulsion de ces précieux conseils que nous avons vu fleurir également des privatisations discutables.
Angleterre
En Angleterre, les lois Thatcher de la fin du vingtième siècle, entrainent diverses privatisations. La privatisation des transports, de loin, la plus discutable, fut menée en 1997 a constitué une véritable catastrophe pour le pays. L'entreprise nationale de chemins de fer qui était réputée comme un véritable bijou national a brutalement été privatisée en 150 entreprises différentes. La justification de l'époque était de supprimer les subventions de l'État et de rendre le service plus performant par la compétition. Mais il s'est passé précisément le contraire. Il n'y a pas eu de compétition, car il ne pouvait y en avoir étant donné la façon dont a été privatisé le réseau : sans concurrence possible. L'efficacité a fortement diminué et le contribuable est malheureusement toujours sollicité, de plus en plus même. Après un investissement initial destiné à marquer les esprits, les entreprises privées ont réduit fortement leurs investissements. Traverser le pays de part en part est une épreuve sérieuse étant donné les nombres de prestataires différents mis en œuvres. L’entreprise Railtrack a été chargée de la signalisation, de l'équipement et de la maintenance des voies ferrées. L'acheminement des passagers et l'exploitation des trains ont été confiés à différentes sociétés. Railtrack facturait les autres entreprises pour l'entretien du réseau et le droit d'exploitation. Mais l'entretien était mal fait. Railtrack n'avait pratiquement pas d'employés et faisait tout sous-traiter. Le manque d'entretien des voies ferrées a même été à l'origine de la pire catastrophe ferroviaire de grande Bretagne en 1999 à Paddington (Londres). Deux trains se sont percutés en pleine heure de pointe. Au moins 3 accidents de trains sont imputables à cette privatisation. L'accident de Hatfield fut imputable à un rail défectueux qui s'est pulvérisé au passage du train. Quatre passagers et deux cheminots sont morts à cause du déraillage du train. Railtrack était au courant de ce rail brisé, mais n'a rien fait. Depuis le gouvernement a repris l'entretien des voies. La privatisation a challengé les avantages sociaux et salaires. Les pauses ou étés réduits puis supprimés dans certaines entreprises. La sécurité des trains, mais aussi des employés a été diminuée. Les sociétés privées les moins efficaces ont dû passer la main à d’autres sociétés pas toujours plus efficaces que les précédentes. Faisant basculer les employés d'une entreprise à une autre continuellement. Seuls changements pour eux : les uniformes et les conditions de travail toujours plus difficiles. En Angleterre les mines de charbon, le logement public, l’acier, l’électricité, le pétrole, la distribution d’eau, etc. ont été également privatisés. Si l’expérience britannique a eu son heure de gloire avec des taux de chômage inférieurs à la France, aujourd'hui, nous voyons bien les limites de ce système bien plus durement et durablement touché par la crise.
Nouvelle-Zélande
Mais le pire exemple des dégâts causés par les privatisations est surement symbolisé par ce qui s’est passé en Nouvelle-Zélande. Vers la fin des années 1990, le gouvernement décide de privatiser toute l’économie du pays : le système de santé, la compagnie nationale aérienne, la banque néozélandaise, les lignes de bus, la compagnie de télécom, les chemins de fer, l'industrie maritime, la branche acier, et les forets (plus des scieries et pépinières). À part dans ce dernier cas (forêts) où le bilan est mitigé[3], dans le reste des cas, les spéculateurs, les actionnaires et traders ont bénéficié de ces ventes. En trois ans, les sociétés étrangères ont gagné 6 milliards d'euros et investi en retour moins d'un dixième de cette somme. Les chemins de fers ont été remis en état avant sa vente à un groupe américain. Pour maximiser les profits, l'entretien du réseau est sacrifié, des lignes sont supprimées, des petites gares fermées et les trains de nuit parfois aussi. La clientèle rurale est la plus pénalisée. Environ douze heures de trajets sont nécessaires pour parcourir les 680 km qui séparent Oakland à Wellington. Mais la véritable catastrophe arrive en février 1998 lorsque toute la ville d'Oakland est plongée dans le noir durant 6 semaines. La faute revient à Mercury Energy la compagnie nationale d’électricité : son entrée en bourse s’est fait aux dépens des employés dans un premier temps : son centre de formation est fermé et la moitié des employés sont finalement licenciés. Ces mesures leur permettent un rendement de 21 %. Mais progressivement, l'entreprise n'effectue plus la maintenance du réseau. C’est ainsi que la panne survient. L’épreuve est terrible pour le pays. Un mois et demi sans un kilowattheure d’électricité, c’est très long pour les particuliers, mais catastrophique pour les entreprises et l’industrie. Cette gigantesque panne a été le début de ma prise de conscience du gouvernement sur l’exagération des privatisations dans le pays. Pour revenir en arrière, le gouvernement recrée de zéro une banque néozélandaise : la Kiwibank. La compagnie aérienne est renationalisée et le gouvernement est obligé de racheter le réseau ferré pour en assurer lui-même l’entretien comme autrefois. Mais ce rachat ne peut effacer les quinze années de gestion privée sans investissement. Ainsi, même de nos jours, le train est incroyablement inefficace en Nouvelle-Zélande. L'aciérie, rachetée par une entreprise canadienne Karter Old Arvy a finalement été fermée. Depuis la vente du pays au secteur privé, les gens ont été obligés de cumuler les petits emplois pour survivre. Le chômage a explosé et les inégalités jusqu'alors très raisonnables ont explosé. Le pire de cette histoire est que cette aventure chaotique n’a même pas permis d’augmenter l’attractivité économique du pays.
France
De nombreuses privatisations sont discutables dans notre pays, aussi, ne pourrons pas tout aborder. Nous prendrons un exemple emblématique qui explique clairement que privatiser ne fait pas baisser les tarifs : le marché de l’eau! Dans un article du Monde daté du 9 mars 2010 intitulé « L'eau, source de vie ou de profit? », nous pouvons lire : « Que les grandes multinationales de l'eau aient l'expérience et le savoir-faire de la captation et de la distribution de l'eau, nul n'en doute. Qu'elles fassent mieux que des structures publiques, cela reste à démontrer. Les enquêtes des associations de consommateurs montrent qu'en moyenne, les prix sont supérieurs de 20 à 44 % dans les communes qui ont délégué leur service d'eau et d'assainissement au secteur privé ! Quand on sait que 75 % des usagers français regroupés dans 60 % des communes sont alimentés par les 3 multinationales, on mesure l'ampleur de ce surcout… » Comme nous pouvions nous en douter, le cout est optimisé, mais pas pour les usagers. D’autres problèmes sont également à soulever concernant la gestion durable de la ressource qui n’est nullement un objectif de société privée. Comme en Bolivie, demandons-nous si l'eau doit être une source de vie ou une source de profit ? Rappelons que de nos jours « 1,5 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable, 2 milliards n'ont pas d'installations sanitaires et 2,5 milliards consomment de l'eau polluée. »
Quant à la libéralisation du marché de l’électricité en France, elle devait faire baisser les prix, depuis qu’elle est en vigueur il y a eu que des hausses de prix et aucune baisse (4 hausses jusqu’en août 2010, cette dernière hausse est comprise entre 1 % et 8 % !). Les politiciens qui nous ont fait miroiter ces baisses connaissaient parfaitement l’issue finale du dossier.
Allemagne
Dernier exemple, la privatisation de la Deutsche Post en 1998 a introduit sur le marché deux gros concurrents : TNT-Post et PIN-Group, et des centaines de petites entreprises. Cette ouverture aurait créé 46 000 nouveaux emplois. Pourtant, PIN-Group finit par ne plus être rentable et licencie la moitié de ces employés et cherche un repreneur. Suite à cette privatisation, 90 % du courrier passe encore par l’opérateur historique, mais a donné lieu à de nombreux licenciements (effectif divisé par deux en 10 ans). Le nombre de guichets est passé de 30 000 à 12 000, remplacé par les magasins Aldi ou le boulanger et l’épicier du coin. Depuis la Deutsche Post s’est diversifiée et a acheté de nombreuses sociétés à travers le monde. Aujourd’hui le courrier ne représente que 20 % de son chiffre d’affaires, ses bénéfices ont gonflé jusqu'à 4,2 milliards. Pour les utilisateurs, la concurrence n’a pas fait baisser les prix (le timbre allemand est même le plus cher d’Europe). En Allemagne, le salaire plancher est de 9,8 € de l’heure et n’a pas permis à la Deutsche Post de trop baisser ses salaires. En revanche, dans les pays étrangers desservis par la Deutsche Post, les salaires sont abaissés aux maximums comme en Hollande où les salaires pratiqués sont de 66 % inférieurs à ceux de La Poste hollandaise…
Étude de cas : Lombardie (Italie)
Les services publics sont-ils condamnés à être inefficaces et déficitaires ? Prenons le cas (il y en a d’autres) du système de santé publique de Lombardie en Italie. La Lombardie a bâti un réseau d’hôpitaux efficace et qui maitrise les technologies médicales les plus pointues : biologie moléculaire, opérations robotisées, thérapie génique. Ce réseau est réputé dans de nombreux domaines de santé comme la cardiologie, l’oncologie, la chirurgie réparatrice, les maladies orphelines… Le réseau incite fortement la recherche médicale dans les hôpitaux et une synergie efficace avec des instituts de recherches privés. Un réseau de facultés de médecine participe aux recherches médicales dans 14 disciplines. Ainsi, des centaines de millions d’euros sont ainsi investis en recherche fondamentale et appliquée. Cet effort est aussi soutenu par des aides régionales qui servent également à moderniser le réseau. L’efficacité de la Lombardie dans ces domaines permet de livrer un nouvel hôpital en seulement trois ans alors qu’il en faut souvent le double dans le reste du pays. La réussite est telle que des patients de toutes les régions du pays viennent se faire soigner en Lombardie. Ce succès aurait pu faire gonfler la facture de santé pour la région, mais en réalité, une allocation optimale des ressources permet à ce système d’être bénéficiaire depuis cinq années consécutives tout en offrant un service envié de tout le pays. Les entreprises privées ne sont pas écartées du système. Au contraire, le système travaille en harmonie et collabore sur certains sujets, mais est mis en concurrence sur d’autres. Les patients ont ainsi le choix de l’hôpital (privé ou public) sans que les couts des soins ne soient différents car tout le système est régit pas les mêmes règles fixées par le ministère de la santé Lombard et des accréditations. La compétition positive qui en résulte fait progresser le système tout entier. Un centre d’appel centralisé et unique permet de conseiller et d’orienter les patients dans le réseau. Les dossiers médicaux de toute la population sont en cours d’informatisation et permettent l’accès au dossier complet des patients par les praticiens. Chaque patient a accès à des services en ligne (prise de rendez-vous, accès au dossier médical, etc.) ce qui élimine une partie inutile de files d’attente et optimise les prestations. Une carte de santé permet de facturer directement la région pour les actes médicaux des patients. L’informatisation du système de santé Lombard a dynamisé les compétences informatiques de la région. Fondée en 1981, la société publique « Lombardia Informatica » a pour mission l’informatisation du système de santé, mais également de la culture, de l’éducation, etc. pour un budget annuel de 200 millions d’euros. Un code d’éthique régit le travail des personnels de santé privés ou publics. Les endroits plus isolés de Lombardie ne sont pas non plus abandonnés et des structures secondaires locales ont été créées. Le système de santé Lombard fort de sa réussite propose ses services et conseils à d’autres pays. Ainsi, en 2008, un contrat passé avec la région Rhône-Alpes.
Que penser alors des privatisations ?
Ce qui est sûr c’est que l’état ne peut pas s’occuper et être responsable de tout. Sinon nous tombons dans les excès de certains pays totalitaires qui ne sont pas des modèles d’efficacité. En revanche, l’idée que les entreprises privées sont plus efficaces n’est pas si évidente surtout si l’on regarde l’intérêt global du pays. Par exemple, il n’est pas souhaitable et rentable pour un pays d’avoir des citoyens malades ou mal soignés. Il faut donc déterminer un noyau dur d’activités qui correspondent réellement à la mission de l’état. Comment déterminer ce noyau dur ? C’est simple, il suffit de garder ce qui est vital pour un pays en priorité et d’y ajouter, dans un deuxième temps, les activités non vitales, mais qui ne peuvent, par nature, être vraiment mises en concurrence. Tout le reste peut et doit être privé. Quelles sont donc les activités qui répondent à ces critères ? Est vital pour un pays : La santé (hôpitaux, sécurité sociale, etc.… ce qui n’empêche pas d’autoriser les cliniques privées bien sûr), les télécommunications qui doivent être sures (et éviter l’espionnage et les dérives), l’éducation qui forme les citoyens et travailleurs de demain, l’eau qui est vitale (nous verrons dans les prochaines années que ce sera le nouvel Or blanc) et l’électricité, car la situation sanitaire et l’économie en dépendent. Peuvent y être ajoutées les activités non concurrentielles suivantes : réseaux sans fil, internet filaire et sans fil (à l’exception peut-être du satellite) et les chemins de fers. Évidemment, cela fait tout de même beaucoup, mais c’est nécessaire pour avoir un pays globalement efficace. Nous l’avons vu avec la crise financière de 2008-2009, que les banques (sauf les banques d’investissement éventuellement) peuvent partiellement faire partie de la liste des entreprises publiques.
Si un état désire tout de même privatiser certains secteurs (s’il n’arrive pas à les gérer correctement), il doit le faire sous forme de concessions limitées dans le temps et des conditions précises et chiffrées de maintien des concessions. Par exemple, une concession des chemins de fer avec (par exemple) obligations de tarifs réduits (-50 % par exemple) pour les étudiants, chômeurs, retraités, des conditions précises sur l’entretien du réseau et les délais maximums de réactivité pour la réparation des pannes et l’engagement d’un service minimum dans les gares de campagne… Ce ne sont que des exemples bien sûr, la définition exacte des conditions définit un projet de société qui peut être différent d’un pays à un autre. Définir ce qui fait l’identité d’un pays est la mission du gouvernement, mais également de tous les citoyens. Ainsi, une telle opération pourrait donner lieu à référendum.
Finalement, c’est quoi une privatisation ?
Que se passe-t-il lorsque l’on privatise une entité nationale entrant dans les critères ci-dessus (vital et/ou non concurrentiel) ? Ces privatisations sont alors une sorte vol : les entreprises appartiennent à l'état qui lui-même doit son patrimoine des impôts payés et des richesses crées par les citoyens. Vendre une telle entreprise revient à faire ce que fait un ménage endetté lorsqu’il vente des "bijoux de famille" précieux. En ouvrant le capital de ces entreprises au peuple (et aux investisseurs) on ne fait que faire racheter ce qui a déjà été payé par nos parents et grands-parents. Privatiser ces entreprises publiques c'est vendre le pays. Ne plus pouvoir s'abreuver, s'éclairer, se chauffer, se soigner, se déplacer ou téléphoner lorsqu'on est pauvre comment appeler cela ? Les privatisations sauvages entrainent des licenciements et donc la pauvreté. L'argent gagné ne va pas aux citoyens, mais aux investisseurs.
Les ardents défenseurs des privatisations indiquent que certaines privatisations aident les pauvres. Oui ? Lesquelles alors ? À force de collusion avec les forces politiques néolibérales, le FMI et la Banque Mondiale persistent encore aujourd’hui de vanter les mérites des privatisations au sens large. Ils font pression sur les gouvernements pour imposer ce modèle. Les pays pauvres subissent d'abord leur influence, car ils échangent des aides contre des réformes impliquant des privatisations. Les pays riches ensuite par un lobbying actif qui aujourd’hui ne prend même plus le temps d’expliquer son point de vue. On prépare la privatisation de La Poste en nous jurant que ce n’est pas le cas. Si les privatisations dans certains domaines « peuvent » apporter plus d'efficacité, elles doivent être strictement encadrées par les gouvernements. N'oublions jamais que les gains de productivité des entreprises privées n’entreront jamais dans la poche des citoyens, mais dans celle des actionnaires de ces entreprises. Ceci n’étant pas choquant en soi, vu que c’est le but de l’actionnariat. En revanche, faire croire à la population que le retour à l’efficacité ne se fait que par des privatisations est un mensonge aussi énorme qu’impossible par nature. Il est bien évidemment possible d’obtenir les mêmes performances (voir meilleures) tout en gardant les bénéfices de cette efficacité pour le pays : en baissant les prix des services ou en offrant plus de services pour le même prix par exemple. Tout cela n’est finalement qu’une question de compétences.
Update du 25/11/2010: Le parlement français a adopté le projet de loi concernant la nouvelle organisation du marché français de l'électricité (Nome) : EDF devra céder jusqu'à 25 % de sa production nucléaire à ses concurrents. Évidemment, c’est une aberration économique et libérale, L'UFC-Que Choisir a affirmé que cette réforme risquait d'entrainer une forte hausse des tarifs «de 7 % à 11 %» dès la mise en place de la loi et de 21 % à 28 % d'ici 2015».
Update du 7/02/2011: Comme en Nouvelle-Zélande, avec la catastrophe que cela à entrainé, le gouvernement Anglais envisage de privatise les forets ! Voir le lien sur ce 20minutes.fr.
[1] Enron : http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/enron/
[2] « Inside money » vidéo disponible sur le site du FMI à l’adresse : http://www.imf.org/external/mmedia/view.asp?eventID=226
[3] http://www.fao.org/docrep/x3030f/x3030f0a.htm